lundi 29 mars 2010

Les 400 millions


Joris Ivens travaillait à l’époque aux Etats-Unis. Son documentaire Terre d’Espagne a été produit par une compagnie américaine et le commentaire écrit par Ernest Hemingway. Ivens était déjà, près de trente ans avant d’aller filmer la Chine de la Révolution Culturelle, un communiste. Son ambition était de filmer les peuples en lutte contre le fascisme. Après avoir pris fait et cause pour les Républicains espagnols contre Franco, il va soutenir, avec son chef opérateur John Ferno et Robert Capa, les Chinois contre l’occupation du Japon.


Depuis la fin du 19ème siècle, le Japon a occupé l’île de Formose (Taiwan), puis la Corée et la Mandchourie. L’Empire veut ensuite envahir le reste de la Chine, et notamment pour en faire une terre de colonie de peuplement et d’exploitation des matières premières. La guerre est lancée et l’armée bombarde les villes ce qui provoque un exode massif des populations vers l’ouest. Fredric March lit le commentaire de Dudley Nichols sur les images tournées là-bas et récupérées des actualités locales.


Dans Les 400 millions, on peut voir successivement des masses de Chinois qui fuient les villes. Mais également les victimes des bombes. Le commentaire précise que ce ne sont que des civils. Dans leur marche vers l’ouest, Ivens, Ferno et Capa filment les tombeaux des empereurs et les lions qui bordent l’accès aux tombeaux. Le commentaire annonce que c’est une culture millénaire qui est en train d’être détruite par les fascistes japonais. Le ton est bien loin de celui de Promenade en Chine de Titaÿna qui faisait du tourisme. Ici, Nichols et Ivens parlent de politique. Le feluve Yang Tsé et le désert de Mongolie sont filmés, mais très vite Les 400 millions passe à autre chose.


Le film invoque la pensée de Sun Yat-set et de la fondation de la République de Chine en 1911. Joris Ivens veut soutenir la démocratie chinoise en marche. Et l’incarnation de l’espoir démocratique s’appelait en 1938 Tchang Kei-shek. On voit le général nationaliste en réunion de cabinets. Le film souligne que les Etats-Unis soutiennent le général. On aperçoit Madame Tchang, si belle et si populaire. Joris Ivens ne pouvait pas se douter de l’avenir dictatorial qu’il allait mener en Chine. On rencontre également en pleine campagne les forces communistes qui ne se sont pas alliées avec les nationalistes. Mao Tsé-toung n’apparaît pas à l’image.


En tant que communiste et soutien des révolutionnaires, Joris Ivens sa tourne régulièrement vers le peuple. On entend enfin la voix des Chinois. Le cinéaste filme les avancées technologiques de la Chine et montre la corrélation entre l’avancée de la révolution et l’amélioration de la situation de la population. Le film est a priori plus timoré que ce qu’il fera plus tard. C’est justement ce soutien au peuple chinois qui a permis à Ivens de pouvoir tourner Comment Yukong déplaça les montagnes. Ivens a laissé au parti communiste chinois sa caméra pour qu’il puisse filmer les avancées de la résistance.


Les 400 millions (The 400 million, Etats-Unis, 1938) Un film documentaire de Joris Ivens et John Ferno avec les voix de Fredric March, Morris Carnovsky, Robert Lewis, Alfred Ryder, Adelaide Bean, Sydney Lumet.

dimanche 28 mars 2010

Comment Yukong déplaça les montagnes (5) Village de pêcheurs


Le Shantoung est une région maritime au nord est de la Chine. Grande comme la France et autant peuplée à l’époque de la réalisation de Village de pêcheurs en 1973. Joris Ivens et Marceline Loridan sont allés filmer certains habitants d’un village du littoral où la pêche consiste l’essentiel des moyens de subsistance des habitants. La cinéaste est seule aux commandes pour discuter avec la population sur leur métier, sur leur vie et sur l’avenir. On commence par évoquer que le fait que ces Chinois parlent un dialecte et que parfois la compréhension, via les traducteurs, est difficile.


Dans un but d’égalitarisme, les femmes ont le droit désormais d’être pêcheurs. Leur groupe s’appelle le Groupe des Femmes Pêcheurs du 8 Mars, en hommage à des ouvrières américaines qui furent les premières à manifester un certain 8 mars 1857. Les femmes naviguent, pêchent et parviennent à ramener autant de poissons et d’algues comestibles que les hommes. C’est l’un des leitmotives du film. Les filles sont aussi fortes que les mecs, mais il a fallu convaincre les plus arriérés comme ce capitaine de marine qui a du mal à s’extraire de la doctrine féodale pour rejoindre la nouvelle société. Mais le capitaine doit bien reconnaître qu’une femme pêcheur vaut un homme pêcheur.


Ces femmes du 8 mars ont droit à une bande dessinée pour retracer leur héroïsme et l’esprit révolutionnaire qui les anime. Les dessins sont très académiques et les femmes font des critiques sur le réalisme des images : on ne se met pas là, on se met ici. De vraies professionnelles qui connaissent parfaitement leur métier, comme le reconnait le vieux capitaine. On retrouvera en fin de film toutes ces femmes qui parlent d’elles avec beaucoup de sourires. Marceline Loridan veut leur faire parler de leur passé, de ce qu’elles ont pu faire avant, mais les réponses sont évasives. On comprend rapidement qu’elles n’ont pas de passé, que leur vie est monotone et que leur travail est difficile et abrutissant. Leur avenir va se limiter à la pêche, à la vie ouvrière telle que la rêvait la RévoCul.


Village de pêcheurs continue son tour de ronde de la population. On rencontre le médecin du village un peu dépassé par les maladies de ses patients. Son dispensaire est vétuste, peu équipé et les médicaments qu’il donne sont tous les mêmes. Les enfants sont mal à l’aise devant la caméra, tout comme le médecin. On voit des femmes du planning familial qui discutent de la contraception et de l’avortement. En France, à l’époque l’avortement était interdit et la contraception limitée. Loridan force le trait en expliquant la grande autonomie des femmes chinoises.


Marceline Loridan montre que le village est uni notamment lors du ramassage des algues marines comestibles. Tout le monde se met au travail pour sortir les algues des bateaux. Les méthodes sont encore ancestrales. Les algues sont portées à deux sur un long bâton sur les épaules, puis les algues sont jetées. On admire les écoliers qui viennent, en maillot de bain, donner un joli coup de main aux pêcheurs. Tout Village de pêcheurs est construit autour de scènes édifiantes montrant la construction de la nouvelle société chinoise. Loridan ne cite pas la logorrhée de Mao Tsé-toung qui aurait été en contradiction avec l’impression de grande tristesse et d’abandon dont semblent souffrir les villageois. Une chose étonne : on ne les voit jamais manger, pas même du poisson dont il est dit dans la commentaire qu’il est vendu aux habitants des villes, tout comme les algues.


Comment Yukong déplaça les montagnes (5) Village de pécheurs, Shantoung (France, 1976) Un film documentaire de Joris Ivens et Marceline Loridan.

Comment Yukong déplaça les montagnes (4) Une femme une famille


En 1973, dans une banlieue de Pékin, Joris Ivens et Marceline Loridan sont allés filmés Kai Chu-lan, une femme d’une trentaine d’années, mère de trois enfants, mariée et qui vit avec sa belle-mère. Les deux cinéastes sont allés se rendre des progrès et des résultats de la Révolution Culturelle sur le peuple. Comme Ivens est un vieux communiste et que les vieux communistes ont du mal à renier la doctrine, Une femme une famille va déployer sur 1h50 de documentaire la beauté de l’idéologie et de la pensée Mao Tsé-toung.


Deux séquences frappent sur la volonté des cinéastes de montrer l’amélioration de la vie en 1973. En début de film, on voit un marché extrêmement abondant. Sur les étals, de nombreux légumes sont en vente pour des prix très bas. Il y a une grande variété de légumes qui sont très frais. Mais, il n’y a personne qui semble vouloir acheter les légumes. Paradoxe. On doit vite comprendre qu’il s’agit d’une mise en scène. La séquence suivante est encore plus caractéristique. Nous sommes chez le boucher. Deux clientes veulent acheter de la viande. La première veut une viande bien grasse, la deuxième de la viande maigre, nous explique la voix off. Eloge du choix, de la démocratie. Chacun va trouver viande à son goût. Les deux clientes ont un grand sourire. Le spectateur d’aujourd’hui se demande si elles vont avoir la chance de garder ces gros morceaux de viande une fois la caméra coupée. On l’espère pour elles.


Nous sommes dans une nouvelle Terre d’Abondance où, enfin, les Chinois mangent à leur faim, ce qui était vrai à l’époque quand la RévoCul s’est achevée. Les enfants jouent avec insouciance dans la rue et trois générations vivent en harmonie dans l’appartement (où d’ailleurs on n’aperçoit pas de portrait de Mao. Kai Chu-lan, c’est le présent. Une femme qui travaille et qui élève ses enfants avec son mari. Loridan pose une question étrange : « y a-t-il parfois des contradictions entre le mari et la femme ? » De quoi veut-elle parler ? Contradiction politique ou querelle de couple ? On constate que Loridan est clairement dans le langage maoïste. Mais le voisin réponde que bien entendu les gens ont encore des querelles. Pourtant le loyer n’est pas cher. Il n’y a pas d’impôts. La famille ne paie que l’électricité et l’eau courante.


Les enfants, c’est l’avenir. Ils étudient mais parfois les parents doivent corriger leur déviance. La fille a acheté un pantalon neuf et elle se fait engueuler parce qu’elle fait preuve de coquetterie. Il arrive la même chose à Kai Chu-lan à qui ses camarades reprochent de trop se mettre en valeur. La grand-mère, c’est le passé. Fiancée à huit ans, échangée contre un cochon, traditionnellement elle a eu les pieds brisés pour qu’ils restent petits. Elle affirme être contente que la nouvelle société aie mis fin à la société féodale. La vieille dame ne parle pas beaucoup, ne sourit guère. Elle ne semble pas dupe des changements et de l’endoctrinement récité pour la caméra par le reste de la famille. On sait bien aujourd’hui ce que fût la RévoCul pour des millions de Chinois. Le film est convaincant sur les avancées, les cinéastes sont aveugles devant ce qu’on leur a autorisé à filmer.


Joris Ivens sort quelques aphorismes creux sur la gloire du communisme et le succès de la Révolution Culturelle. Une femme une famille s’achève sur une séquence et un plan édifiants de catéchisme communiste. On apprend que dans le petit lot de maisons où habite Kai Chu-lan et sa famille, vivent également six autres familles, soit trente personnes de tous âges. Evidemment, tout le monde s’entend bien. Deux joueurs de luth viennent produire un peu de musique. Et le plan final prend tous les habitants dans le même champ pour bien montrer l’harmonie de la nouvelle société chinoise. Le cadre est strictement publicitaire pour ne pas dire issu de la propagande du réalisme socialiste.


Comment Yukong déplaça les montagnes (4) Une femme une famille, Banlieue de Pékin (France, 1976) Un film documentaire de Joris Ivens et Marceline Loridan.

vendredi 26 mars 2010

Promenade en Chine


Élisabeth Sauvy-Tisseyre, alias Titaÿna, était une journaliste française, reporter, dans la France des années 1930. Cette parisienne décide de partir avec son compagnon Lugeon en Chine. Il sera caméraman du film, elle en sera la vedette navigant sexy dans son beau tailleur et avec ses talons hauts. On va vite comprendre que son documentaire, Promenade en Chine, va effectivement être du style mondain et n’aura rien à voir avec une vision ethnologique. Titaÿna fait du tourisme et son film ressemble, y compris dans le commentaire badin, à ce que pourrait produire un touriste aujourd’hui quand il va en Chine avec son caméscope.


Titaÿna et Lugeon ne s’emploie à ne filmer pratiquement que des monuments, des statues, des palais et des temples. Elle ne s’attache pas aux gens qui l’entourent, au peuple si ce n’est des habitants qui pourraient avoir des fonctions typiques telles qu’elle l’entend. Il faut de l’authentique à la sauce des années 1930, c'est-à-dire un peu de colonialisme. Les Chinois sont encore un peuple soumis ou à soumettre, les Occidentaux sont forcément bien meilleurs. Un exemple tout simple. Elle remonte le fleuve Yang Tsé à bord d’un navire français pour être certaine d’être en sécurité. Elle craint les pirates en haut du fleuve. Certes on ne verra pas de pirates. Les marins français assurent la sécurité et on voit un boy chinois tenir un plateau avec des verres et des bouteilles d’alcool pour les marins et madame.


Le commentaire en voix off est volontiers condescendant et rarement admiratif, sauf pour Confucius dont on voit le tombeau et les stèles qui seront, par ailleurs, largement détruites lors de la Révolution Culturelle. Le couple se promène au Tibet (ou pas loin) et filme une cérémonie bouddhiste en habits traditionnels. Elle filme la Mongolie. Et quelques villes où elle se fait tirer en pousse-pousse et où, accessoirement, elle rencontre un Français. Bref, Titaÿna fait du tourisme et ne regarde que les choses que regardent les touristes.


Le film date de 1932 et je parie que Hergé l’a regardé à l’époque pour écrire le fond historique, géographique et social pour son album le Lotus Bleu, sorti en 1934. Plusieurs points communs sont frappants. L’inondation du fleuve avec les cadavres charriés par les eaux tempétueuses, les remarques sur les pieds des femmes écrasés pour qu’ils restent minuscules et les architectures des villes. Ce qui frappe le plus, c’est surtout la naïveté et l’aveuglement de Titaÿna et de Lugeon. Plus tard, la cinéaste deviendra une partisane des théories nazies et fascistes. Elle ira interviewer Hitler ce qui lui amènera quelques gros problèmes à la Libération.


Promenade en Chine (France, 1932) Un film de Titaÿna. Documentaire.

jeudi 25 mars 2010

Short of love


-->
-->
Qui est Wong Cho-lam qui a le rôle principal dans Short of love ? Pour résumer, il a fait un peu de téloche, un peu de variétoche, un peu de cinoche, pas mal de stand up, notamment avec Eric Tsang. C’est une ces nouveau venus dans le paysage de l’industrie du divertissement de Hong Kong. Pas très grand, les cheveux qui ondulent, un physique entre Teddy Robin et Ronald Cheng. Il parle à toute vitesse et avec de grands gestes. Il est le Elie Seimoun cantonais.

Il incarne dans le film un millionnaire, un trader qui voit ses affaires chuter à cause de la crise. Il vit dans une immense maison au bord de la mer, donc un dans un quartier chicos. Et surtout, c’est un bourreau des cœurs, ce qui compte tenu de son physique banal est étonnant. Sa copine vient de le larguer pour aller retrouver un mec qui a encore de l’argent. Mais le plus surprenant, c’est qu’il réussit à avoir de super nanas alors qu’il est insupportable. Les filles, je te jure, elles n’aiment que le pognon.

Son meilleur ami lui conseille de changer de comportement. Wong Cho-lam av rencontrer plusieurs filles et tenter de les aider. Chaque fois cela tournera mal, dans le sens comique du terme. Il provoque des catastrophes et les situations qu’il fomente pour sortir avec ces filles vont toutes se retourner contre lui. Son meilleur ami et sa secrétaire (Ella Koon, avec des lunettes forcément) sortent désolées après avoir constater une telle inconséquence de comportement.

Les filles. On commence avec Angelababy. Une sorte d’ange qui vend des glaces dans un camion et qui plane sur tout le film avec sa douce voix pour lui donner de bons conseils. Race Wong qui est Christine. Le jour, prof de danse classique, la nuit, gogo danseuse. Elle est schizophrène et devient de plus en plus méchante. JJ est Caca, une masseuse honnête. Wong Cho-lam en est amoureux et va se déguiser en aveugle pour pouvoir l’approcher en douce. Enfin, Kate Tsui est Scar Sandy, une fille qui se rêve en parrain de triade et qui attend le retour de Andy, son homme disparu depuis sept ans.

Short of love adopte le format du sketch. Les interprètes féminines ne se rencontrent qu’en toute fin de film, en robe de mariée. Le film vaut les gags qui y sont développés qui sont de deux ressorts. Le gag verbal avec des dialogues ininterrompus. Le gag de situation, mais on a déjà vu tout cela dans de nombreux films. La partie avec Kate Tsui propose une parodie réussie et très drôle de A moment of romance (film dont James Yuen fut scénariste) où Wong Cho-lam imite grossièrement Andy Lau. Pour aimer Short of love, il faut aimer les acteurs qui cabotinent, qui joue très fort et qui en font des tonnes avec plein de mimiques et de gestes. Sinon, il faut laisser passer.

Short of love (矮仔多情, Hong Kong, 2009) Un film de James Yuen avec Wong Cho-lam, Angelababy, JJ, Kate Tsui, Race Wong, Ella Koon, Louis Cheung.

Sorties à Hong Kong (mars 2010)

Love in a puff (志明與春嬌)
Un film de Pang Ho-cheung avec Miriam Yeung, Shawn Yue, Cheung Tat-ming, Matt Chow, Chui Tien You, Charmaine Fong, Vincent Kok, Jo Kuk, Sharon Luk, Miao Fei-lin, Roy Szeto. 95 minutes. Classé Catégorie III. Sortie : 25 mars 2010.








mardi 23 mars 2010

Le Poignard volant


Le Poignard volant commence sous la neige avec Li (Ti Lung) sur son cheval suivi de son fidèle serviteur Chung-jia (Fan Mei-sheng). En route, ils rencontrent Fei (Derek Yee), l'homme sans nom comme il le dit lui-même. Li est en chasse contre le bandit Fleur de Prunier (ça ne s'invente pas !) Li n'a pas oublié sa cousine à qui il pense régulièrement. Depuis ce temps, l'homme boit. Il est devenu alcoolique et s'en est rendu malade. Li et son homme de main (on pense à Don Quichote et Sancho Pancha) vont dans une auberge où bien sûr deux méchants veulent occire tout le monde. Il va falloir se battre...


Même avec la meilleure volonté du monde, résumer ou raconter Le Poignard volant est difficile voire impossible. Le scénario est ponctué de nombreux rebondissements. Toutes les sept minutes, un nouveau personnage apparaît : traître, allié, espion, soldat, maîtresse, bandit... Chacun vient avec son coup de théâtre et, chose plus surprenante, avec son proverbe. Tous y vont de leur phrase péremptoire. Même les dialogues permettent à peine d'esquisser ce qui va suivre. Chaque séquence apporte son lot de surprise. Le film met surtout en vedette le duo fétiche Derek Yee et Candy Yu qui jouèrent ensemble de nombreuses fois.


Mais si on ne peut pas raconter le film, on peut en expliquer les titres. En anglais, c'est The Sentimental swordsman. Li ne s'est toujours pas remis de la disparition de son aimée. Ses sentiments le minent. En français, Le Poignard volant rappelle bien sûr le film de Zhang Yimou. On en comprend le sens lors de la première scène de combat dans une auberge. Sur l'éventail de Li est écrit " les poignards volants de Li ne manquent jamais leur cible. " Dans l'éventail, il peut cacher douze poignards. Il se bat avec à de multiples reprises.


Ce qui étonne le plus dans le cinéma de Chu Yuan est sa manière de filmer les scènes derrière des branches, des fleurs, des arbres, ici des pruniers – en rappel du méchant du film – mais aussi des rideaux, des tentures. Chu Yuan a des caractéristiques qui en font un cinéaste identifiable immédiatement. On voyait déjà cela dans ses précédents films et cela va s'accentuer notamment dans Swordsman and enchanteress tourné l'année suivante (1978) où les arbres en fleurs débordent, presque jusqu'à l'écœurement. Chu Yuan semble un cinéaste qui déteste le vide. Du coup, l'œuvre de Chu Yuan évoque un autre cinéaste, bien contemporain celui-là, qui a horreur du vide : Tsui Hark.


Le Poignard volant (The Sentimental swordsman, 多情劍客無情劍, Hong Kong, 1977) Un film de Chu Yuan avec Ti Lung, Ching Li, Derek Yee, Candy Yu, Yueh Hua, Kara Hui, Lo Lieh.

lundi 22 mars 2010

Nausicaä de la vallée du vent


C'est grâce à Isao Takahata que Nausicaä de la vallée du vent a pu être produit. Les deux hommes avaient travaillé ensemble sur Horus prince du soleil. Nausicaä de la vallée du vent est adapté d'un manga dont le premier volume date de 1982. C'est à cette date que Miyazaki et Takahata, devant le succès du manga, commencent à travailler sur la version cinéma des aventures de Nausicaä. Le film est l'adaptation des deux premiers volumes. Nausicaä de la vallée du vent est le premier film personnel de Hayao Miyazaki. Le cinéaste abordait déjà les grands sujets qu’il développera dans ses films suivants.


Nausicaä est une jeune princesse de la Vallée du Vent, une contrée minuscule où les habitants vivent en paix. La planète a subi de nombreuses guerres entre les différents peuples et est menacée par d'énormes insectes les Oomu avec lesquels Nausicaä a les capacités de communiquer. Nausicaä est une princesse rebelle qui cherche un remède contre des champignons empoisonnés qui étouffent la planète. Les champignons dégagent des gaz toxiques. La Vallée du Vent risque d'être menacée et tout doit être accompli pour la sauver. Mais, d'autres peuples sont moins pacifiques que celui de Nausicaä, tel celui des Tolmèques mené par la guerrière Kushana, et dans une moindre mesure, celui de Pejite dont Asbel, le jeune prince, cherche à se venger des Tolmèques. Le reste des aventures est à suivre au cinéma.


Ce qui frappe dès les premières séquences du film est de se retrouver en terrain connu. L'univers de Miyazaki est déjà là. Nausicaä est sur une machine volante et elle file à travers les champignons. Elle porte sur le nez un drôle de masque qui ressemble à des oreilles de chien. La forêt est luxuriante, comme le sera celle de Princesse Mononoké, avec ses dessins délicats et colorés. Mais ce qui frappe encore plus c'est l'hommage rendu à trois dessinateurs français : Loisel, Moebius et René Laloux. Nausicaä se verra offrir un petit animal, un renard écureuil qui ressemble au foureux de la Quête de l'oiseau du temps. Les Oomu, insectes aux douze yeux semblent tout droit sortis de l'imaginaire de Moebius. La première séquence du film évoque le début des Maîtres du temps, film tourné par Laloux en 1982.


Puis très vite les obsessions de Miyazaki se font jour. On trouve tout ce sera dans ses films suivants : la peur du péril atomique, les machines volantes, l'engagement pour un environnement sain où les hommes et la nature peuvent s'entendre. Nausicaä de la vallée du vent peut très bien être vu comme un film politique pacifiste. Mais au fur et à mesure que se déroule le film, on a l'impression que Hayao Miyazaki a voulu tout mettre dans ce premier film où il avait toutes les libertés. Du coup, le film apparaît comme mal dégrossi. Peut-être avait-il peur de ne pas pouvoir faire un autre film en cas d'échec public. Nausicaä de la vallée du vent est, d'une certaine manière, une " œuvre de jeunesse ", où le jeune réalisateur met tout ce qu'il a sur le cœur.


Cela n'enlève pourtant pas le plaisir de spectateur de découvrir pour la première fois ce film. D'autant que certains personnages sont savoureux. Les vieux du royaume ont tous des grosses moustaches et une bonhomie communicative : Jhil, le père de Nausicaä, Mito le protecteur de Nausicaä et Yupa, un sage qui a formé la princesse. Et déjà il dessine une vieille femme, O-Baba qui est la mémoire de la Vallée du Vent et qui racontera à Nausicaä une légende d'un homme bleu qui va sauver la planète. Quant à Nausicaä, l'étonnement vient de sa tenue. Sa robe est très, très courte. Quelques plans dévoilent ce qui se passe sous sa robe.


On connaît la suite de la carrière de Miyazaki. Nausicaä de la vallée du vent a été un grand succès public et critique : un million de spectateurs au Japon. Takahata et Miyazaki en ont profité pour fonder le studio Ghibli. Les films suivants seront plus beaux, plus maîtrisés et avec plus d'humour, chose qui manque peut-être le plus à Nausicaä de la vallée du vent.


Nausicaä de la vallée du vent (風の谷のナウシカ, Japon, 1984) Un film de Hayao Miyazaki avec les voix de Sumi Shimamoto, Mahito Tsujimura, Hisako Kyôda, Gorô Naya, Ichirô Nagai, Kôhei Miyauchi, Jôji Yanami, Minoru Yada, Rihoko Yoshida, Masako Sugaya, Takako Sasuga, Chika Sakamoto, Tarako, Yôji Matsuda, Mîna Tominaga, Mugihito, Akiko Tsuboi, Yoshiko Sakakibara, Iemasa Kayumi, Tetsuo Mizutori, Takeki Nakamura, Takako Ôta, Bin Shimada, Shinji Nomura, Hisako Ayuhara, Hôchû Ôtsuka.

dimanche 21 mars 2010

Little big soldier


Entre ses rôles sérieux et ses navets américains, il y a longtemps que je n’avais pas eu l’impression de voir Jackie Chan dans un personnage qui ne pouvait être qu’à lui. Le soldat pleutre de Little big soldier est taillé sur mesure pour l’acteur (il a écrit le scénario) et le film renoue avec ses films des années 1980. C’est plutôt une bonne nouvelle d’autant que la séquence initiale rappelle celle de Les Seigneurs de la guerre, image grisâtre, amoncellement de cadavres d’où sort notre héros, film de guerre de la Chine ancienne. Bref rien de bon ni de neuf a priori.


Quand le vieux soldat sans nom (Jackie Chan) découvre son visage dans cette montagne de soldats morts, sa réaction est d’abord celle de l’hébétude, puis du soulagement. Il est sans aucun doute habitué à se faire passer pour mort, c’est le secret de sa longévité de soldat. Au milieu de corps, un autre homme se relève. C’est un général ennemi (Wang Lee-hom). Là, Jackie a alors l’idée de faire prisonnier le général du royaume de Wei pour le ramener chez lui dans le Liang. Il espère ainsi obtenir une récompense, un lopin de terre et en finir avec la guerre pour le reste de sa vie. Little big soldier est le récit de ce voyage.


Ils vont marcher et c’est la guerre. Celle de 227 avant JC, quand les royaumes chinois se faisaient la guerre avant que le Qin n’unifie l’Empire (oui, il y a encore une allusion à l’unité chinois, oui, c’est un film agréé par le Bureau). Les deux hommes se respectent mais comme dans tout buddy movies qui se respecte, ils vont s’apprécier à la fin. Le général va chercher à se débarrasser de ses liens mais les deux hommes vont devoir également éviter le Prince du Wei (Steve Yoo), cruel et impitoyable qui abat ses ennemis d’une flèche dans le cœur et qui se déplace en cheval avec son fidèle lieutenant (Yu Rong-guang). Le Prince veut tuer le général pour une raison que l’on apprendra en cours de film (mais qui est facilement devinable).


Au long de leur périble, nos deux hommes vont rencontrer une étrange femme qui va les empoisonner, puis un groupe de barbares peu commodes qui vont les faire prisonnier rudement pour les vendre comme esclaves, deux hommes qui évoquent les disputes rhétoriques entre Conficius et Lao Tseu. Tout le film est filmé dans la campagne chinoise, dans les forêts. D’abord en caméra à l’épaule avec des effets de réel, puis la caméra s’apaise. Au fur et à mesure, que les rapports entre Jackie et Wang Lee-hom s’améliorent, jusqu’à entreprendre un accord de paix mutuel pour leur deux contrées, le film s’illumine passant du gris du sable guerrier aux rayons de soleil.


Le ton général de Little big soldier est celui de la comédie. Les disputes sont sujet de burlesque y compris quand Jackie Chan soigne la jambe blessée de Wang Lee-hom. Ce dernier a reçu une flèche, il souffre mais cherche encore à s’évader. Jackie pour le maitriser met le doigt dans la plaie. Ce qui aurait du une scène d’affreuse torture dans n’importe quel autre film devient un gag ici, d’autant que ce gag est repris plus tard dans le film quand les barbares sont à l’attaque. Le scénario n’est pas très complexe, loin de là. On passe d’une scène drôle à une tentative d’évasion puis à un nouvel ennemi et, de temps en temps, à un combat. Mais Jackie ne se bat pas ici, il évite les coups, ce qui est différent.


J’écrivais en entame de ce texte que Jackie avait un rôle à la Jackie Chan, et c’est vrai. Il parvient à faire un divertissement typique de son cinéma, celui que j’aime, ses comédies d’action brillantes et vives. Bien entendu, il ne peut plus faire ce qu’il faisait il y a un quart de siècle. C’est pour cela qu’il ne se bat plus. Mais ses mimiques restent le meilleur atout du comédien et quand il assume de rôle de bouffon, on l’apprécie comme au bon vieux temps.


Little big soldier (大兵小將, Chine – Hong Kong, 2010) Un film de Ding Sheng avec Jackie Chan, Wang Lee-hom, Lin Peng, Mei Xiao, Lin Peng, Steve Yoo, Du Yuming, Ken Lo, Yu Rong-guang, Wang Baoqiang, Xu Dongmei, Wu Yue, Song Jin.

jeudi 18 mars 2010

Sorties à Hong Kong (mars 2010)

Just another Pandora’s box (越光寶盒)
Un film de Jeff Lau avec Ronald Cheng, Gigi Leung, Betty Sun, Athena Chu, Eric Tsang, Patrick Tam, Huang Bo, Guo Xiaodong, Gillian Chung, Kenny Bee, Chan Kwok-kwan, Ada Choi, Charlene Choi, Deng Chao, Duan Yihong, Fan Bing-bing, Fan Siu-wong, Charmaine Fong, Fong Lik-sun, Guan Xiaotong, Guo Degang, Guo Tao, Hou Yong, Huang Yi, Juan Ching-tien, Ella Koon, Lai Yiu-cheung, Lam Tze-chung, Lam Suet, Jeffrey Lau, Tats Lau, Lee Kin-yan, Lee Lik-chi, Edmond Leung, Bruce Leung, Li Xuejian, Marco Mak, Marco Ngai, Sandra Ng, Stephy Tang, Tin Kai-man, Wang Xuebing, Wong Cho-lam, Ken Wong, Jacky Wu, Xu Jiao, Yuen Biao, Yuen Cheung-yan, Corey Yuen, Yuen Qiu, Yuen Wah , Yu Rongguang, Zhang Yishan, Zhang Ziyi. 90 minutes. Classé Catégorie IIB. Sortie : 18 mars 2010.









-->
Womb ghosts (惡胎)
Un film de Dennis Law avec Chrissie Chow, Lam Suet, Koni Lui, Lai Lok-yi, Hailey Chan, Jo Kuk, Lo Dada, A. Lin Pui Yan, Maggie Siu, Sherman Tang. 89 minutes. Classé Catégorie IIB. Sortie : 18 mars 2010.




mercredi 17 mars 2010

Le Choc des planètes

Deux jeunes femmes en voitures rentrent chez elles. Elles roulent au bord du littoral et décident de se baigner. Elles sont arrêtées par une grande lumière blanche. C’est la navette spatiale JX1 qui décolle du Mont Fuji. Les Japonais partent à la conquête de l’espace avec toute une troupe d’astronautes (ou quel que soit leur dénomination au Japon). Mais dans l’univers intergalactique, les découvreurs de l’espace vont avoir sur leur chemin une énorme boule de feu : l’étoile Gorasu (ou Gorath en anglais) qui va faire exploser leur navette.


Nous sommes en 1980, c’est le futur. Le Japon demande l’aide des Nations Unies pour résoudre se problème. Gorasu se dirige droit sur la Terre à une vitesse folle. Toutes les nations se réunissent, dont certains pays du futur qui n’existent pas encore en 1962, comme l’USSO – langue : anglais, ou le Crenion – langue : anglais avec un fort accent allemand, ou la Pablonia. Qu’on se rassure, le Canada, la France, la Suède et bien sûr le Japon sont encore là en 1980. Bref, il faut faire l’union sacrée pour sauver la planète et éviter sa destruction.


Le Choc des planètes va suivre le destin de deux hommes. L’un est scientifique, le Docteur Tazawa (Ryo Ikebe), astrophysicien même. Il doit conduire la délégation internationale pour trouver une solution viable à la planète. C’est un homme qui réfléchit avant d’agir, qui pèse le pour et le contre. Il écoute les conseils des autres savants et notamment ceux de Monsieur Sonada (Takashi Shimura, fidèle parmi les fidèles du cinéma de Inoshiro Honda), également scientifique mais également papa de la jolie Tomoko (Yumi Shirakawa) dont Tazawa est amoureux.


L’autre homme est Tatsuma Kanaï (Akira Kubo), jeune astronaute qui tient à mettre sa personne au service de Tazawa. Contrairement à ce dernier, Kanaï fonce avant toute chose, il est constamment dans l’action. Ainsi, lorsqu’une navette spatiale s’envole pour partir étudier Gorasu, il n’hésite pas à s’approcher du danger pour observer l’étoile vénéneuse. Il manquera de mourir et en perdre la mémoire devant tant de chaleur. Kanaï est amoureux lui aussi, de la jeune Takiko (Kumi Mizuno) mais celle-ci garde son amour pour un astronaute qui a péri dans JX1.


Il faut trouver une solution. Gorasu se rapproche et sa puissance de feu risque de faire brûler la Terre. Tazawa propose l’idée de faire se déplacer la Terre du trajet de l’étoile et pour cela, les Nations Unies implantent dans le pôle sud des milliards de noyaux nucléaires pour dévier notre planète bleue. Cette solution fonctionne mais cela dérange une sorte de morse géant, un monstre à la Godzilla, qui se réveille de sa torpeur quand le pôle se réchauffe.


Le genre veut cela, on trouve dans Le Choc des planètes plus de fiction que de science, mais les effets spéciaux sont réussis lorsqu’il s’agit de faire se déplacer des navettes spatiales. Dans ce seul film, en 88 minutes, on reconnait (ou presque) les scénarios de tous les films catastrophes de Roland Emmerich. Sauf qu’ici, le charme agit. Honda se paie même le luxe d’inclure une chanson qu’entonnent les astronautes sans que je n’en comprenne la raison. Le film se termine sur un message pacifiste de paix et coopération entre les hommes pour qu’ils préservent la planète. Et ça, c’est encore de la science fiction.


Le Choc des planètes (妖星ゴラス, Japon, 1964) Un film de Inoshiro Honda avec Ryo Ikebe, Yumi Shirakawa, Akira Kubo, Kumi Mizuno, Hiroshi Tachikawa, Akihiko Hirata, Kenji Sahara, Jun Tazaki, Ken Uehara, Takashi Shimura, Seizaburô Kawazu, Ko Mishima, Sachio Sakai, Takamaru Sasaki, Kô Nishimura.