jeudi 28 février 2013

Odyssée mexicaine


Pour prolonger l’analyse sur l’œuvre de Yoshishige Yoshida (et en finir par la même occasion), il faut signaler que les éditions Capricci sortent ce mois de février 2013 un livre du cinéaste sur son séjour au Mexique entre mars 1978 et juillet 1982. Après avoir tourné Beauté de la beauté en Europe et en Egypte, il décide, épuisé, de tourner un film sur un fait historique mettant en scène les relations entre le Mexique et le Japon. Dans les années 1610, le samouraï Hasekura Tsunenaga, converti au christianisme s’installa au Mexique. Il décida de se rendre à Rome en navire pour ouvrir l’empire sur le monde occidental. Entre son départ du Japon et son arrivée sur le vieux continent, la politique du Japon avait changé et l’archipel était en plein isolationnisme.

Vicente Silva devait produire ce film. Homme progressiste (Yoshida et son traducteur Mathieu Capel utilisent le terme de « libéral »), ayant eu une éducation en URSS et en Italie, Silva accueille le cinéaste dans une industrie cinématographique gangrénée par deux maux. Le premier est le pouvoir excessif des syndicats corporatistes qui obligent les productions à engager des membres du syndicat et à respecter les règles, que l’on jugera de fonctionnaires, sur les tournages. Le deuxième mal est la pression économique que fait subir Hollywood au Mexique où les cinéastes viennent tourner, à moindre frais, leurs films « exotiques ». Déjà la délocalisation. Malgré les efforts de Silva et de Yoshida, le film ne se tournera jamais mais le cinéaste japonais reste tout de même là bas quatre ans. Tout comme Eisenstein, 40 ans plus tôt, lors du tournage de Que viva Mexico.

On est très loin d’un récit catastrophe qui aurait pu être l’équivalent littéraire de Lost in La Mancha. A vrai dire, Yoshida consacre peu de pages à la production de son film. Il n’est pas non plus un journal intime, ni une analyse de son œuvre. Il voyage dans le Mexique, fait des rencontres, visite des lieux. En Basse Californie, il découvre des peintures rupestres et s’intéresse à la nature et l’origine de l’art. Il se passionne pour des prisonniers qui jouent une pièce de théâtre. Il s’interroge sur les premiers voyages de Christophe Colomb et sur l’esclavage des Indiens. Il analyse les effets de la Révolution de Zapata. Ses observations sont celles d’un intellectuel qui cite, entre autres, Foucault, Montaigne, Duchamp, Levis-Strauss. Comme dans ses films des années 1970, son analyse foisonnante n’est pas évidente. Pour être honnête, il m’est arrivé d’être un peu perdu dans cette odyssée intellectuelle comme l’auteur s’est égaré dans la production d’un film qui ne s’est jamais fait.

Odyssée mexicaine ; Voyage d’un cinéaste japonais, 1977 – 1982. Un livre de Yoshishige Yoshida publié en 1984 au Japon et en 2013 en France, éditions Capricci, 268 pages, 21 €.

lundi 25 février 2013

Filmographie : Yoshishige Yoshida


Yoshishige Yoshida
吉田 喜重

Bon à rien (ろくでなし) Sortie au Japon le 6 juillet 1960.
Le Sang séché (血は乾いてる) Sortie au Japon le 9 octobre 1960.
La Fin d’une douce nuit (甘い夜の果て) Sortie au Japon le 14 février 1961.
La Source thermale d’Akitsu (秋津温泉) Sortie au Japon le 15 juin 1962.
18 jeunes gens à l’appel de l’orage (嵐を呼ぶ十八人) Sortie au Japon le 11 septembre 1963.
Évasion du Japon (日本脱出) Sortie au Japon le 4 juillet 1964.
Histoire écrite sur l’eau (水で書かれた物語) Sortie au Japon le 23 novembre 1965.
Le Lac des femmes (女のみづうみ), Sortie au Japon le 27 août 1966.
Passion ardente (情炎) Sortie au Japon le 15 mai 1967.
Flamme et femme (炎と女) Sortie au Japon le 1er décembre 1967.
Amours dans la neige (樹氷のよろめき) Sortie au Japon le 31 janvier 1968.
Adieu clarté d’été (さらば夏の光) Sortie au Japon le 31 décembre 1968.
Eros + massacre (エロス+虐殺) Sortie au Japon le 14 mars 1970.
Purgatoire eroïca (煉獄エロイカ) Sortie au Japon le 26 septembre 1970.
Aveux, théories, actrices (告白的女優論) Sortie au Japon le 18 décembre 1971.
Coup d'état (戒厳令) Sortie au Japon le 7 juillet 1973.
Beauté de la beauté (美の美) Diffusion à la télévision japonaise entre 1974 et 1978.
Big 1, l’histoire de Sadaharu Oh (BIG-1物語 王貞治) Sortie au Japon le 1er décembre 1977.
Promesse (人間の約束) Sortie au Japon le 13 septembre 1986.
Les Hauts de Hurlevent (嵐が丘) Sortie au Japon le 28 mai 1988.
Femmes en miroir (鏡の女たち) Sortie au Japon le 5 avril 2003.

dimanche 24 février 2013

Femmes en miroir


Ultime film de Yoshishige Yoshida, Femmes en miroir voit le retour, après 20 ans d’absence, de Mariko Okada devant la caméra de son époux. Elle y incarne Ai Kawase, une vieille femme de fière allure qui se rend avec son ombrelle pour la protéger du soleil aux services sociaux où elle apprend qu’on aurait retrouvé sa fille disparue depuis 24 ans. Cette fille prénommée Miwa (Yoshiko Tanaka), elle va chez elle pour la rencontrer avec son fidèle aide de vie Gôda (Hideo Murota). Cette fille prodigue ne reconnait absolument pas cette mère putative. Elle a perdu la mémoire depuis des années. Madame Kawase va tout faire pour tenter de lui faire se rappeler des souvenirs de cette vie enfouie au plus profond d’elle. L’indice qui a permis de retrouver Miwa est la date du 11 où elle se retrouve chaque moi dans un parc en train d’approcher des enfants. Pour Ai, c’est une première preuve car sa fille a eu un grand traumatisme un 11 juillet.

Il faut maintenant que Miwa rencontre Natsuki (Issiki Sae), 20 ans, sa fille qu’elle aurait abandonnée à la maternité et que Ai a élevée. La jeune femme, étudiante aux Etats-Unis, est perturbée par cette nouvelle. Pour elle, seule Ai est sa vraie mère, elle l’appelle d’ailleurs « maman ». Natsuki n’a pas vraiment envie de découvrir qui est Miwa mais au fil des discussions, toutes les trois partent pour Hiroshima. C’est dans cette ville, là où est née Madame Kawase, que se trouve le nœud du problème de la famille. Miwa s’est souvenu d’une scène primitive où elle est devant une fenêtre, aperçoit l’océan et des iles éparses. Chaque personnage répétera cette information primordiale dans de nouvelles discussions, qu’il faut honnêtement juger un peu longues et redondantes, d’autant que les actrices débitent leur dialogue dans un hiératisme qui les fait ressembler à des zombies.

A Hiroshima, les trois femmes rencontrent une journaliste qui enquête sur l’époux de Madame Kawase et sur un soldat américain irradié. Au fil des dialogues, le spectateur est informé d’un secret autour de ce soldat et de l’interprète qui traduisait ce que disait Kawase, médecin pendant la guerre. Dans un long flash back immobile (comme dans un Straub-Huillet), Ai raconte la vérité, en tout cas, celle qui remonte à sa mémoire. L’idée de ne pas reconstituer ce passé est bonne et certainement morale. En conséquence, il est plutôt incongru de découvrir d’autres scènes de flashback, présentées presque comme des moments d’angoisse, lourdement appuyés par un musique aux violons grinçants. Là, on ne sait pas qui a vécu cet abandon d’une petite fille au bord d’une falaise devant une mer en fureur.

Ai, Miwa et Natsuki doivent reconstituer ce souvenir pour aller vers l’avenir, pour vivre, pour oblitérer ce passé. Chacune d’elle renvoie une image à l’autre et bien entendu, compte tenu de son titre, les miroirs et reflets sont très présents à l’écran. L’un d’eux, dans le salon de Madame Kawase, est brisé. Sa fille avait donné un coup avant de disparaitre. Lors d’une visite chez sa fille, Ai constate qu’elle également un miroir brisé avec le même impact. Là encore, ce symbolisme est trop appuyé pour ne pas éviter les lourdeurs d’un film qui dure plus de deux heures. Femmes en miroir n’est pas mauvais en soi, on comprend que Yoshida souhaite revenir sur les fondements du Japon actuel (Hiroshima donc), il donne plutôt l’impression de venir d’une autre époque dans cette mise en scène minimaliste mais amorphe.

Femmes en miroir (鏡の女たち, Japon – France, 2002) Un film de Yoshishige Yoshida avec Mariko Okada, Yoshiko Tanaka, Issiki Sae, Hideo Murota, Tokuma Nishioka, Mirai Yamamoto, Miki Sanjô, Hinoshi Inuzuka.

vendredi 22 février 2013

A beautiful life


Après Look for a star et Legend of the fist, Return of Chen Zhen, A beautiful life marque la troisième collaboration consécutive entre Andrew Lau et Shu Qi. L’actrice incarne Li Peiru, une Hongkongaise immigrée à Pékin pour le travail, inversant ainsi le scénario de nombreux films de Hong Kong où des Chinois du continent venaient faire fortune dans l’ancienne colonie britannique. Souvent dans ces films, les Chinois étaient vus comme des parasites de la société, mafieux ou prostituées. Li Peiru n’est ni l’un ni l’autre, elle est seulement alcoolique. Pour rester au niveau de ses clients, elle boit autant qu’eux mais elle devient vite soûle. Un soir, dans une boite de nuit, elle ne tient plus debout et elle tombe sur Fang Zhengdong (Liu Ye) un jeune policier venu fêter l’anniversaire d’un de ses collègues. Parce qu’il est très serviable, il va la ramener chez elle sur son dos. Elle l’embrasse, sans vraiment s’en rendre compte. On comprend vite la romance qui va s’amorcer entre eux.

Quelques jours plus tard, alors qu’il patrouille en uniforme, Dong la revoit par hasard. Elle s’est mal garée. Il la gronde gentiment et lui demande si elle se souvient de lui. Oui, même sobre, elle se rappelle ce qu’il a fait pour lui et lui promet de l’inviter à boire un café. Ils échangent leur numéro de téléphone. Régulièrement, ils vont se rencontrer au gré du hasard, au supermarché, dans la rue. Elle l’appelle par son nom complet n’importe où, n’importe quand. Il l’appelle Miss Li. Les collègues de Dong se réjouissent enfin qu’il ait rencontré une fille, tout comme Zhong (Anthony Wong) son ami restaurateur. Toute cette première partie du film où ils se découvrent, ne savent pas encore s’ils s’aiment et pèsent le pour et le contre d’une éventuelle romance apporte de l’humour. Ils se font du bien, platoniquement, car tous deux ont un passé amoureux difficile. Lui s’est fait plaquer par sa femme neuf ans auparavant, elle est abonnée aux maris infidèles. Ils donc beaucoup de points communs question amour.

Le film glisse assez vite dans le mélodrame dégoulinant de bons sentiments quand il se confronte avec la maladie des personnages. Miss Li est alcoolique et ses actes entrainent souvent des écarts de conduite qui font d’elle une femme irresponsable. Dong se met à avoir des douleurs au bras. Plus tard, il sera diagnostiqué une tumeur au cerveau qui lui changera sa personnalité. C’était un homme bon, dévoué et réfléchi. Il va perdre la mémoire, sera irascible et parfois violent. Cela l’amènera à quitter son poste de policier. Comme si cela ne suffisait pas, Dong a la garde de Fang Zhencong (Tian Liang), son petit frère autiste mais qui est un bon dessinateur. Les murs de sa chambre sont couverts de portraits des gens qu’il aime (son grand frère en tout premier lieu, mais bientôt également Miss Li). Cong est amoureux de Xiaowan (Feng Dan-ying), une jeune muette qui vend des journaux pour gagner sa vie. Dong, avec son grand cœur va prendre soin d’eux, d’autant qu’ils veulent se marier.

Parce que c’est l’homme le plus gentil du monde, Dong va aider également Miss Li pour son travail. Là est sans doute la partie la plus maladroite de A beautiful life. Le personnage de Miss Li était jusqu’à lors montrée comme espiègle bien qu’un peu inconséquente. Elle est désormais pointée comme irrespectueuse des lois de la Chine, non pas parce qu’elle est inconséquente mais parce qu’elle vient de Hong Kong. On lui répond lorsqu’elle va demander un prêt bancaire que son dossier pourrait être accepté à Hong Kong, mais qu’à Pékin il faut respecter les règles. Plus tard quand, après avoir emprunté de l’argent à Dong, la commission de sécurité refusera l’agrément, elle protestera de manière hystérique. Dong lui rétorquera qu’on n’est pas à Hong Kong ici et qu’il y a des lois. Le personnage de Miss Li est alors accablé de tous les maux et rentrera chez elle où elle sera confrontée à une mère égoïste. A l’opposé, la police de Pékin (en tout cas le commissariat où travaille Dong) est montrée comme exemplaire, très respectueuse de la loi où même son chef accepte d’être critiqué par ses subalternes. Il ne restera à Miss Li qu’à retrouver son amoureux reparti vivre dans sa campagne natale où la vie simple fait les gens heureux, dans un finale lacrymal interminable. La gentillesse ne produit pas forcément un bon film.

A beautiful life (不再讓你孤單, Hong Kong – Chine, 2011) Un film d’Andrew Lau avec Shu Qi, Liu Ye, Tian Liang, Feng Dan-ying, Anthony Wong. Sarina. 

jeudi 21 février 2013

Sorties à Hong Kong (février 2013) Together


Together (在一起, Hong Kong, 2013)
Un film de Clarence Fok avec Donnie Yen, AngelaBaby, Kai Ko, Michelle Chen, Bosco Wong, Mak Cheung-ching, Chrissie Chau. 84 minutes. Classé Catégorie IIA. Sortie à Hong Kong : 21 février 2013.

lundi 18 février 2013

Après notre séparation


Parmi les 89 films de Mikio Naruse, Après notre séparation est l'un de ses plus anciens longs métrages qui subsiste. Le film, muet, qui date de 1933 est un mélodrame flamboyant d’une vigueur et d’une modernité exceptionnelle. Le récit se déroule autour du personnage de Kikue (Mitsuko Yoshikawa), une geisha d’une quarantaine d’années qui commence à sentir l’épreuve de l’âge sur son corps, sa chevelure grisonne et, face à son miroir, elle demande à l’une de ses jeunes employées, la très belle Terukiku (Sumiko Mizukubo) de l’aider à lui arracher ces cheveux qui annonceraient sa vieillesse à ses clients. Kikue est une femme de bonne compagnie qui traite les geishas de son établissement avec beaucoup de respect et dans une ambiance familiale. Certes certains clients sont difficiles (le vieux qui aimerait séduire Terukiku) mais d’autres sont amusants, notamment ceux qui dansent sur de la musique occidentale sur le son d’un phonographe.

Kikue a un fils, Yoshio (Akio Isono), étudiant qui file un mauvais coton. Le jeune homme, casquette vissé sur la tête comme pour ne pas montrer ce qu’il pense, passe plus de temps avec un groupe de loubards qu’à aller à l’école. La mère le comprend quand un de ses collègues débarque chez elle pour prendre des nouvelles de Yoshio qu’il n’a pas vu depuis des jours. Il faut dire qu’il a honte de la profession de sa mère et qu’il n’hésite pas à se montrer dur avec elle. Qui plus est, il boit de l’alcool et réagit violemment quand Kikue cherche à discuter avec lui. Entre eux, c’est la rupture qui pointe. Les disputes sont admirablement mises en scène, des travellings abrupts sur les visages de la mère et du fils retranscrivent l’agressivité qui existe entre eux. Le rythme du film est constant. Sa brièveté (61 minutes) fait que les séquences s’enchaînent à grande vitesse dans un flot ininterrompu d’émotions, colère, amour, haine, suspicion et rire.

Mais Yoshio aime Terukiku, il cache des photos d’elle dans ses livres d’étude. La jeune fille s’en aperçoit et va faire en sorte d’infléchir le tempérament du jeune homme et le faire revenir dans le droit chemin, d’autant qu’elle n’est pas insensible au charme du fils de sa patronne. Loin d’être un film moralisateur, Après notre séparation se fait le portrait d’un Japon ancré dans des traditions ancestrales où le futur des personnages semble être inéluctable. Au contraire, le personnage de Terukiku va passer tout le film à infléchir les destins de chacun. A commencer par Yoshio, qui grâce à l’amour qu’il lui porte, va changer de caractère. Elle convainc d’arrêter de boire, de se remettre à étudier et la récompense suprême est ce sourire qu’il arbore quand elle lui apporte trois sushi délicatement préparés à son intention. Yoshio qui depuis le début du film ne faisait que la tête, recommence à vivre. La tendresse de la jeune femme est symbolisée par son sourire constant et est sublimée par la tabelle de chocolat Meiji qu’elle partage avec lui.

Puis, l’avenir de sa propre famille que Terukiku veut changer. Elle leur rend visite avec Yoshio. Les parents de la jeune femme habitent en province avec le petit frère et la sœur cadette qui a déjà un enfant. Ses parents la destinent, comme sa sœur ainée, à devenir geisha. Terukiku part les convaincre de ne pas le faire. On remarque que l’alcool, source des ennuis de Yoshio, tient dans cette famille une place importance. Le petit frère malicieux a été envoyé chercher une bouteille de saké pour son père. Dans une scène plutôt comique, il la casse en tombant et en est bien marri. Mais la sœur est là pour l’aider et lui donner quelques yens pour en acheter une nouvelle. Pour Yoshio, ce voyage est un choc qui lui fait comprendre qu’il doit définitivement changer et qu’il doit soutenir sa mère dans ses épreuves comme Terukiku soutient la sienne. Les deux amoureux pourront enfin se retrouver après leur séparation une fois tout redevenu dans l’ordre. C’est la promesse qu’ils se font avant le générique de fin, le spectateur conquis par la bienveillance du cinéaste à l’égard de ses personnages ne peut qu'espérer qu'elle se réalise.

Après notre séparation (君と別れて, Japon, 1933) Un film de Mikio Naruse avec Mitsuko Yoshikawa, Akio Isono, Sumiko Mizukubo, Reikichi Kawamura, Ryuko Fuji, Yoko Fujita, Tomio Aoki.

dimanche 17 février 2013

Il est mort après la guerre


Après avoir assisté au suicide d’un caméraman qui a sauté d’un immeuble, Motoki (Kazuo Goto) lui pique sa caméra 16mm et s’enfuit en courant. Il rejoint ses amis activistes pour une discussion sans fin de gauchistes révolutionnaires amateurs de cinéma interventionniste qui retranscrit la réalité telle qu’elle est. Motoki se fait sévèrement critiquer par ses camarades qui lui reprochent son individualisme dans sa manière de filmer et de ne pas pratiquer le collectif. Lui parle de la police qui a piqué la caméra pour avoir des preuves, qu’il a du courir derrière les flics. Et effectivement, la première séquence de Il est mort après la guerre montre le jeune homme en train de courir. A vrai dire, il est assez difficile de comprendre ce qu’il s’est vraiment passé.

Tourné entre Le Petit garçon et La Cérémonie, films bien plus classiques et plus poignants, Il est mort après la guerre ressemble dans sa forme, tournage en noir et blanc et 16mm avec une troupe de théâtre) à Journal d’un voleur de Shinjuku. Le cinéma remplace cette fois la littérature mais la quête sexuelle est similaire. Motoki va abandonner les discussions politiques avec ses amis pour passer plus de temps avec Yasuko (Emiko Iwasaki), présentée comme la petite amie de la personne qui se serait suicidé. En tout cas, Motoki en est persuadé même si la jeune femme lui affirme que son copain est bien là (on le voit à l’image) et que la caméra n’a pas été prise par la police (la pellicule est prête à être visionnée). Mais l’image dit-elle la vérité ?

Justement, ils vont tous regarder ce que contient la petite caméra. Un toit, une rue, un trottoir, un tunnel, des rails et les images du début du film que nous spectateurs sommes en train de regarder. Très vite les critiques fusent en accusant ces images de petite-bourgeoise, de faillite politique, de perte de sens du réel. Est-ce que ce filmeur se prend pour Yoshida, Imamura ou d’autres, se demandent-ils. Ce qui est amusant dans ces critiques est bien entendu que ce sont celles que la Nouvelle Vague essuyait quand elle a été lancée, tout à la fois au Japon et en France. Les images de ce film contrastent avec celles des manifestations de factions politiques où l’on voit des gens casqués et masqués avec force drapeaux tenter des manifester en face de la police en très grand nombre. Sans donner de réponse, Oshima questionne la valeur et le poids des images : le plan ou l’image a-t-il un sens ?

La projection sert plus tard à la mise en scène des rapports sexuels entre Yasuko et Motoki. Elle va se déshabiller et laisser les images se refléter sur elle. Ils passeront de plus en plus de temps ensemble, feront l’amour sur un terrain vague, les peaux seront filmées en gros plans dans une image de toute beauté. La scène, toute en douceur alors que l’étreinte est rude, offre aux deux amants une sensualité dans un univers strictement politique, comme une bouffée d’air frais. Lui parle de manière sèche, elle a une voix douce. Il sombre dans une folie douce obsédé par les plans fixes qu’il a vus. Il décide de les retourner et l’enquête les mène dans divers quartiers de Tokyo.

Armés d’un plan de la ville, ils repèrent les lieux où les plans ont pu être filmés. Les repères sont en forme de téton. Cette partie de Il est mort après la guerre s’apparente à un film fantastique, une silhouette semble les suivre, le montage suggère plus qu’il ne montre. Chaque fois Yasuko s’évanouit quand cette silhouette. Enfin, pour résoudre son énigme, Motoki filme à l’identique les plans. Yasuko s’incruste dans chaque plan, refuse de s’en aller tel un personnage en quête d’auteur. Puis, dans la séquence finale, la boucle doit se boucler, l’énigme se résoudre, Motoki recréer le suicide initial et à nouveau prendre la caméra en s’enfuir en courant, dans un ultime geste de mise en abyme.

Il est mort après la guerre (東京戰争戦後秘話, Japon, 1970) Un film de Nagisa Oshima avec Kazuo Goto, Emiko Iwasaki, Sukio Fukuoka, Keiichi Fukuda, Hiroshi Isogai, Kazuo Hashimoto, Kazuya Horikoshi, Tomoyo Oshima.

samedi 16 février 2013

Journal d’un voleur de Shinjuku


Tokyo, quartier de Shinjuku, été 1968, 17h30. Comme partout ailleurs dans le monde (des cartons indiquent dans d’autres villes quelle heure il est au même moment), l’agitation gronde au Japon. Sur la place principale de Shinjuku, une troupe de théâtre alternatif joue une pièce grotesque (un comédien et chanteur, Juro Kara dans son propre rôle est assailli par quatre hommes qui le déshabillent, quand un tatouage sur son bas ventre est visible, ils tremblent de peur) tandis que juste en face, des militants nationalistes, juchés sur un camion, haranguent la foule. Parmi les passants, un jeune homme (Tadanori Yokoo) en costume cravate observe sans rien dire. Ce sera le voleur de Shinjuku dont Nagisa Oshima filme la chronique quasi improvisée où plusieurs personnalités viennent s’immiscer dans le squelette de narration.

Que vole-t-il ? Des livres dans une librairie. Il se sert, puis quitte les lieux. Mais n’importe quels livres : tous traitent de la sexualité. Une jeune femme (Rie Yokoyama) lui ordonne de s’arrêter et d’aller dans le bureau du patron (Moichi Tanabe, lui aussi dans son propre rôle). Le libraire est très conciliant, il refuse d’appeler la police, donne au jeune homme quelques conseils littéraires, lui offre des bouquins. Le lendemain, il revient, vole à nouveau et direction encore une fois l’entretien avec Monsieur Tanabe. Il lui demande son nom, le jeune homme dit s’appeler Okanoue, puis dit avoir menti et déclare que son nom est Birdy Hilltop. La jeune femme est également là, mais le libraire ne le reconnait pas, elle se prétend vendeuse mais ne l’est pas. Elle s’appelle Umeko Suzuki. Ensemble, ils vont faire un bout de chemin et esquisser une romance.


Le récit du Journal d’un voleur de Shinjuku est très libre. Filmé en 16mm en noir et blanc avec quelques séquences en couleur, le film ne cherche pas à raccorder ses bribes d’histoire. Le fil conducteur est l’amourette entre Birdy et Umeko. Ils couchent ensemble, c’était le dépucelage de la jeune femme (la tache de sang sur le drap blanc est filmée en couleur), mais aucun d’eux n’a joui. Tout le film est dévolu à la recherche de cet orgasme, ultime étape de leur révolution personnelle dans cet été 1968. Ils vont rencontrer le sexologue Tetsu Takahashi qui clamera que Umeko est lesbienne, ils vont discuter avec les acteurs Kei Sato et Fumio Watanabe qui violeront la jeune femme et ils feront du théâtre avec la troupe de Juro Kara dans une variation moderne et grimée de kabuki. Après tous ces discours, ils atteindront la jouissance.

Nagisa Oshima fait preuve d’une grande inventivité dans ses images. Comme je l’ai déjà écrit, il ne s’embarrasse pas d’un scénario progressif. En plus d’alterner noir et blanc et couleur, il filme plusieurs séquences caméra à l’épaule dans un style documentaire (l’entretien avec le sexologue, une réunion d’anarchistes). Des intertitres viennent remplacer les dialogues. On y entend des auteurs (dont Jean Genet auquel le titre du film est directement emprunté à l’un de ses livres) tandis que défile des couvertures de livres (on pense beaucoup à Bande à part et à Une femme mariée de Jean-Luc Godard). Okanoue et Umeko se promènent la nuit, un godemiché dans la main. Les personnages discutent beaucoup, souvent pour rien dire, développant beaucoup de théories typiquement soixante-huitardes. Journal d’un voleur de Shinjuku se veut le portrait amusé, inventif et survolté de son époque. Nagisa Oshima ne juge pas d’autant qu’il a fait partie de ce mouvement de révolte. La dernière séquence, sans doute prise sur le vif, montre des émeutes dans Shinjuku.

Journal d’un voleur de Shinjuku (新宿泥棒日記, Japon, 1968) Un film de Nagisa Oshima avec Tadanori Yokoo, Rie Yokoyama, Juro Kara, Moichi Tanabe, Tetsu Takahashi, Rokko Toura, Kei Sato, Fumio Watanabe.

vendredi 15 février 2013

Les Hauts de Hurlevent


Film d’amour et de haine, Les Hauts de Hurlevent est une adaptation du roman d’Emily Brontë située dans un Japon moyenâgeux. Le seigneur Yamabe (Rentarō Mikuni) ramène avec lui dans son château un jeune orphelin pouilleux et hirsute qu’il appelle Onimaru (Yusaku Matsuda l’incarnera dans l’âge adulte). Il est appelé ainsi à cause de son aspecxt repoussant, Oni signifiant démon en japonais. Il demande à ses deux enfants Hidemaru l’aîné (Nagare Hagiwara) et Kinu la cadette (Yûko Tanaka) de le considérer comme leur frère, de le traiter en égal et d’être gentil avec lui. Mais seule Kinu s’approchera de lui. Le grand frère le traitera en domestique, refusera qu’Onimaru ne franchise le seuil qui sépare les maîtres de leur personnel.

Comme dans le roman, une fois les enfants devenus adultes, Kinu et Onimaru commencent à éprouver des sentiments amoureux et réciproques. Ils brisent une double interdiction : l’inceste, même s’ils ne sont que biologiquement frères et sœurs et partent se promener au village quittant la demeure seigneuriale. Dans ce Japon ancien que décrit Yoshishige Yoshida, les rites rythment chaque élément. Les croyances païennes font que le seigneur ne doit pas quitter sa demeure située au sommet d’une montagne pelé où le brume est constante, le village leur est interdit sous la crainte d’une malédiction. Les Yamabe pratiquent un culte ancestral et barbare. Quand Onimaru observe de loin son père adoptif vénérer leur dieu, c’est le début de la fin pour le clan. Briser les rites, c’est détruire la famille.

L’une des coutumes est de faire de la fille du clan une prêtresse et de l’envoyer à la capitale. Kinu refuse ce sort. Elle décide d’aller voir son cousin dans la demeure de l’est pour l’épouser. Les deux familles sont censées être ennemis et ce prétexte pourrait permettre une réconciliation. Onimaru, la veille du mariage de sa demi-sœur, fait l’amour avec elle dans la chambre interdite, une pièce essentielle au récit. Cette chambre est un lieu où sont enfermés les traitres, les femmes de mauvaise vie et les ennemis du clan. Sur les murs, des giclées de sang sont encore présentes. Plus rude que jamais, Onimaru dit adieu à Kinu et s’apprête à devenir le nouveau seigneur Yamabe depuis que Hidemaru est tombé en disgrâce et s’exile. Il reviendra avec son épouse et leur fils et la guerre contre son demi-frère reprendra de plus belle.

Désormais mariée à son cousin Mitsuhito (Tatsuo Nadaka), Kinu donne naissance à une fille. L’accouchement, douloureux, se fait dans une pièce réservée aux femmes quand celle-ci ont leur règles. Elles doivent y rester le temps de leur menstruation appuyant ainsi leur place d’être soumis dans cette société arriérée. Le film sous-entend que cette fille serait celle d’Onimaru, la séquence du coït étant immédiatement suivie de celle de l’accouchement, ne montrant jamais le mariage de Kinu et Mitsuhito mais laissant planer le suspense. Ainsi, quand la fille de Kinu, devenue adulte, va voir son oncle et se déshabille devant lui, une tension incestueuse se crée. Quand sa bien-aimée décède, Onimaru renonce à la vie et profane sa sépulture. Après Eros, Thanatos. Le belle sœur de Kinu cherchera bien à amadouer Onimaru, il la traitera comme une moins que rien.

La férocité d’Onimaru ne fait que s’accentuer avec le temps. Habillé de peaux de bêtes, les cheveux ébouriffés, il entend régner par la terreur sur son domaine. La violence est devenue le seul mode de communication d’Onimaru. Portant bien son nom, il agit en démon, tuant de son sabre ceux qui mettent son pouvoir en doute. Le sang gicle dans ses scènes de combat hiératiques et théâtrales. Il traite les membres de sa famille adoptive comme des domestiques, enfermant Yoshimaru (Masato Furuoya), le fils de son demi-frère dans la cabane des serviteurs. La force des Hauts de Hurlevent, est là n’est pas le moindre paradoxe, est de parvenir tout en subtilité à ce que le spectateur entre en empathie avec Onimaru tandis qu’il sombre petit à petit dans la folie pure.

Les Hauts de Hurlevent (嵐が丘, Japon, 1988) Un film de Yoshishige Yoshida avec Yusaku Matsuda, Yûko Tanaka, Rentarō Mikuni, Tatsuo Nadaka, Eri Ishida, Nagare Hagiwara, Keïko Ito, Masato Furuoya, Tomoko Takabe, Masao Imafuku, Taro Shigaki.

mercredi 13 février 2013

Promesse


Après Beauté de la beauté, Yoshishige Yoshida a passé plusieurs années au Mexique (entre 1978 et 1982) pour préparer un film qui n’a jamais vu le jour. Promesse est donc la première fiction qu’il tourne depuis Coup d’état en 1973. Ce qui frappe d’abord est que le cinéaste japonais, héraut de la Nouvelle Vague, de la métaphore politique et du formalisme, est la totale lisibilité de son film, comme si après tant de films sans récit, il souhaitait revenir à une forme classique. Le sujet de Promesse n’est pas éloigné de celui de La Ballade de Narayama de Shohei Imamura : la vieillesse et ses conséquences sur une famille lambda de Tokyo. Dès l’ouverture, la grand-mère Tatsu Morimoto (Sachiko Murase) est morte. Elle vivait avec son époux Ryosaku Morimoto (Rentarô Mikuni) dans la maison de banlieue de leur fils Yoshio (Chûchirô Kawarasaki). Ce dernier est marié avec Ritsuko (Orie Satô), et le couple a un fils et une fille adolescents qui vivent avec eux. Voilà pour la famille.

Immédiatement, le grand-père s’accuse d’avoir tué sa femme. Il n’en démord pas à tel point que Ritsuko décide d’appeler la police pour mettre cette histoire au clair. L’inspecteur Yoshikawa (Kôichi Satô) vient chez eux, tente de comprendre ce qui s’est passé, cherche quelques indices. Le corps de la défunte est emporté pour une autopsie et le grand-père est amené au poste. Là, le policier constate vite que le vieillard radote et qu’il a des problèmes d’incontinence. La cérémonie funéraire se déroule sans lui au domicile des Morimoto. Le rituel est appliqué à la lettre, dans un cérémonial strict avec un autel où trône le portrait de la grand-mère, des offrandes et le recouvrement de son corps par des linges blancs. Mais ce rituel cache le trouble qui agite la famille. Tandis que le cercueil est amené au cimetière, un long flashback débute qui va montrer les conditions de cette mort.

Ce que pointe Promesse est le changement de la structure familiale. Tandis que sur le mur on aperçoit les photos du grand-frère de Yoshio mort en kamikaze pendant la guerre, on voit les deux enfants manger devant la télé en écoutant du rock. Le fil ainé est plutôt insolent clamant que ses parents n’en peuvent plus de devoir cohabiter avec leurs parents gâteux mais sans oser le dire. La mère se dévoue pour s’occuper de sa belle-mère, la lave, lui prépare à manger, discute avec elle. Mais lors d’un bain, elle ne manifeste aucune angoisse de voire la grand-mère se laisser mettre sa tête comme pour se noyer dans la baignoire. Le père, col blanc dans une boite de publicité, est l’incarnation du lâche qui trompe sa femme avec une de ses collègues et laisse Ritsuko dans son rôle de garde chiourme. Le portrait de cette famille est sévère mais ne tombe jamais dans l’écueil de la condamnation. Yoshihsige Yoshida enregistre cliniquement le changement de mœurs, le passage vers l’individualisme.

Le grand-père comprend que son épouse devient sénile lorsqu’elle fait sous elle. Il décide de la placer dans un hôpital. Dans une scène étonnante, on découvre dans une chambre quelques personnes âgées en train de rire, l’un d’eux cherche à se pendre mais le drap ne tient pas. Ailleurs, une vieille dame téléphone avec un verre parce que ses enfants ne viennent plus la voir. L’hospice n’est pas montré comme un enfer comme un espace à part, un dernier lieu de vie où les facéties des vieux n’ont plus aucun sens. D’une certaine manière, on est proche du fantastique, notamment grâce une musique lancinante composée de clochettes. Le grand-père, d’abord tout à fait vaillant, commence lui aussi à devenir gâteux, à se pisser dessus, à ramasser les poubelles dans la rue, à aller creuser sa propre tombe dans son village natal.

Le grand-père est sénile et bien entendu la police commence à avoir des doutes sur la véracité des faits dont il s’accuse. C’est qu’il commence à passer vers l’autre monde, pas celui de la sénilité, mais vers la mort. L’eau fait dans Promesse office de passage vers l’au-delà. L’eau sous diverses formes (pluie, rivière, bain mais aussi les fluides corporaux) est très présente dans le film. Au centre du récit se trouve le miroir d’eau de la grand-mère, une bassine où elle se nettoie et où elle se regarde vieillir, où son visage se déforme tout en tentant de rester femme. Ce miroir lui tend une image qu’elle refuse. Par un double effet de réflexion, la crise familiale se développe partout : la grand-mère quitte la maison, la mère veut quitter son mari ; le fils aîné sert de modèle, l’adolescent n’en est pas un ; le grand-père veut rester au plus près de sa femme, le père trompe la sienne. Chaque action de l’un est l’inverse de l’autre dans un effet de fascination destructrice de la famille. Promesse montre cette explosion avec un calme bouleversant.

Promesse (人間の約束, Japon, 1986) Un film de Yoshishige Yoshida avec Rentarô Mikuni, Sachiko Murase, Chûchirô Kawarasaki, Orie Satô, Kôichi Satô, Tetsuta Sugimoto.

dimanche 10 février 2013

Girlfriend*Boyfriend


Le récit de Girlfriend*Boyfriend repose sur le schéma bien connu, deux garçons une fille trois possibilités. En 1985, alors que la loi martiale est encore imposée à Taïwan depuis la scission de l’île avec la Chine continentale, trois lycéens tentent de trouver un espace de liberté dans leur établissement scolaire où règne une éducation quasi militaire. Qui plus est Liam (Joseph Chang), Mabel (Guey Lun-mei) et Aaron (Rhydian Vaughan) vivent dans une petite ville du sud de Taïwan. On les découvre tous les trois sur des branches de magnolia en train de ramasser des fleurs et des feuilles que Mabel frotte dans ses mains pour en sentir l’odeur. Cela la calme et Liam, très attentionné, lui en offrira souvent pendant le film quand elle se sent stressée. Ils ne se quittent jamais, vont se baigner ensemble, se promènent en scooter. Le soir, pour se faire un peu d’argent, ils vendent des objets au marché devant le spectacle de la mère de Mabel, chanteuse strip-teaseuse.

Mabel est un personnage que l’on peut considérer comme une rebelle. Après que les lycéens, dont Liam, se soient entraînés à la natation, elle fait irruption dans les vestiaires, vole avec d’autres filles les caleçons des garçons et courre dans la cour du lycée. Les nageurs, à poil, tentent de les récupérer tandis qu’Aaron les prend en photo. Cela n’est pas du goût de Madame Yin (Chou Ling), la directrice qui décide de punir ces effrontés. Ses méthodes sont expéditives. Elle a déjà rasé une partie des cheveux d’Aaron qui, avec Liam, fait passer de revues interdites à Taïwan sous le manteau, non pas des revues porno mais des magazines de Hong Kong plus libéraux. Ils décident de faire une grande action de protestation, en l’occurrence d’organiser au sein du lycée une boum, ce que Madame Yin interdit formellement. De nuit, ils badigeonnent les murs de slogans, puis tandis qu’un officier les sermonne, ils prennent la sono en otage et diffusent de la cantopop. Cette partie plutôt drôle joue sur les contrastes entre l’autorité du proviseur et l’innocence des lycées.

Le film se transporte en 1990. La loi martiale a été abolie et les trois amis sont maintenant étudiants. C’est aussi le temps des premières amours. Mabel est devenue la petite amie d’Aaron qui habite avec Liam en résidence universitaire. Ce que l’on comprend petit à petit, en touches de regards échangés, est que Liam est aussi amoureux d’Aaron. Ce dernier accompagne Mabel pour trouver un cadeau d’anniversaire au troisième. Elle comprendra qu’il lui aura offert le même présent mais ne se rendra pas compte de son amour pour lui. Il s’efface devant elle et ne se déclare pas à son ami. Cette partie lie deux romantismes : l’amour et la politique. C’est Aaron qui pousse le plus loin ces romantismes. En scooter, il hurle dans toutes les langues « je t’aime », sur la tribune où les étudiants manifestent pour la démocratie, il harangue ses camarades en récitant un poème. Le jeune homme semble avoir trouvé sa passion (la politique donc) tandis que Mabel continue de vivre en écervelée (son personnage est souvent énervant), apportant de l’alcool à la manif et que Liam va passer sa frustration dans les bras d’un homme rencontré par hasards.

Comme les deux premières parties, la troisième située en 1997 (l’année de la rétrocession de Hong Kong au grand frère chinois), se déroule sur un court laps de temps. Les trois amis ne se sont pas vus depuis des années. Chacun travaille maintenant. Aaron a épousé la fille du premier ministre et a un enfant. Mabel va chercher à les réunir lors du mariage gay de Ron (Bryan Chang), un vieux copain du lycée. Le film marque alors à la fois la liberté acquise à Taïwan mais aussi la perte des illusions. C’est aussi la moins réussie appuyant un peu trop sur le drame, plus convenue dans le traitement dans sa recherche de boucler son récit. Cette dernière partie se concentre sur Liam, le personnage le plus mystérieux et le plus malheureux de Girlfriend*Boyfriend. Il faut saluer l’interprétation de Joseph Chang qui par un seul mouvement des yeux exprime toute la détresse de son personnage. Jamais Liam ne parviendra à sublimer charnellement son amour pour Aaron. Par une astuce de scénario, Liam sera cependant l’héritier de la passion entre Mabel et Aaron. Le film avait débuté par cela, de manière énigmatique, et ce termine avec cette révélation émouvante.

Girlfriend*Boyfriend (女朋友。男朋友, Taïwan, 2012), Un film de Yang Ya-che avec Joseph Chang, Guey Lun-mei, Rhydian Vaughan, Bryan Chang, Chou Ling, Tang Guo-zhong, Yang Wen-wen, 

jeudi 7 février 2013

Nominations des 32ème Hong Kong Film Awards

Nominations des 32ème Hong Kong Film Awards. La cérémonie aura lieu le 21 avril 2013.

Meilleur film

Meilleur réalisateur
Law Chi-leung (The Bullet vanishes)
Longman Leung et Sunny Luk (Cold war)
Pang Ho-cheung (Love in the buff)
Soi Cheang (Motorway)
Dante Lam (The Viral factor)

The Bullet vanishes : 12 nominations

Meilleur acteur
Lau Ching-wan (The Bullet vanishes)
Tony Leung Ka-fai (Cold war)
Nick Cheung (Nightfall)
Tony Leung Chiu-wai (The Silent war)
Chapman To (Vulgaria)

Meilleure actrice
Zhou Xun (The Great magician)
Miriam Yeung (Love in the buff)
Elanne Kong (Love lifting)
Sammi Cheng (Romancing in thin air)
Zhou Xun (The Silent war)

Cold war : 12 nominations

Meilleur acteur dans un second rôle
Alex Man (The Bounty)
Liu Kai-chi (The Bullet vanishes)
Lam Ka-tung (Cold war)
Chapman To (Diva)
Ronald Cheng (Vulgaria)

Meilleure actrice dans un second rôle
Jiang Yiyan (The Bullet vanishes)
Mavis Fan (The Silent war)
Elaine Kam (The Viral factor)
Dada Chen (Vulgaria)
Siu Yam-yam (Vulgaria)

The Silent war : 8 nominations

Meilleur scénario
Law Chi-leung et Yeung Sin-ling (The Bullet vanishes)
Longman Leung et Sunny Luk (Cold war)
Pang Ho-cheung et Luk Yee-sum (Love in the buff)
Alan Mak et Felix Chong (The Silent war)
Pang Ho-cheung, Luk Yee-sum et Lam Chiu-wing (Vulgaria)

Meilleur nouvel interprète
Zhang Lanxin (CZ12)
Alex Tsui (Cold war)
Joyce Feng (The Last tycoon)
June Lam (Love in the buff)
Jayden Yuan (Tai Chi)

The Viral factor : 7 nominations

Meilleure photographie
Chan Chi-ying (The Bullet vanishes)
Jason Kwan et Kenny Tse (Cold war)
Andrew Lau et Jason Kwan (The Last tycoon)
Anthony Pun (The Silent war)
Kenny Tse (The Viral factor)

Meilleur montage
Yau Chi-wai (CZ12)
Kwong Chi-leung et Wong Hoi (Cold war)
David Richardson et Allen Leung (Motorway)
Kwong Chi-leung et Chan Chung-ming (The Bullet vanishes)
Azrael Chung (The Viral factor)

Motorway : 6 nominations

Meilleurs décors
Silver Cheung et Lee Kin-wai (The Bullet vanishes)
Yee Chung-man et Jessie Dai (The Great magician)
Lau Sai-wan (The Guillotines)
Man Lim-chung (The Silent war)
Tim Yip (Tai Chi)

Meilleurs costumes et maquillages
Stanley Cheung (The Bullet vanishes)
Yee Chung-man et Jessie Dai (The Great magician)
Dora Ng (The Guillotines)
Man Lim-chung (The Silent war)
Tim Yip (Tai Chi)

Vulgaria : 6 nominations

Meilleure chorégraphie des scènes d’action
Jackie Chan et He Jun (CZ12)
Chin Kar-lok et Wong Wai-fai (Cold war)
Chin Kar-lok, Wong Wai-fai et Ng Hoi-tong (Motorway)
Sammo Hung (Tai Chi)
Dante Lam, Chin Kar-lok, Wong Wai-fai, Ng Hoi-tong (The Viral factor)

Meilleure musique originale
Chan Kwong-wing et Yu Peng (The Last tycoon)
Teddy Robin et Tommy Wai (The Bullet vanishes)
Eman Lam et Veronica Lee (Diva)
Peter Kam (Cold War)
Chan Kwong-wing (The Silent war)

Tai Chi : 5 nominations

Meilleure chanson originale
追風箏的風箏 (Diva) Musique : Davy Chan, C.Y. Kong, Paroles : Lam Jik, Interprètes : Joey Yung et Mag Lam
刀鋒偏冷 (The Guillotines) Musique : Jay Chou, Paroles : Vincent Fang, Interprète : Li Yuchun
戀無可戀 (Lan Kwai Fong 2) Musique : Charmaine Fong, Paroles : Lam Jik, Interprète : Leo Koo
定風波 (The Last tycoon) Musique : Leon Ko, Paroles : Chris Shum, Interprète : Jacky Cheung
DoReMi (Romancing in thin air) Musique : Lo Tayu, Paroles : Lam Jik, Interprète : Sammi Cheng

Meilleur son
Phyllis Cheng (The Bullet vanishes)
Kinson Tsang (Cold war)
Kinson Tsang (The Guillotines)
Benny Chu et Steve Miller (Motorway)
Kinson Tsang (The Viral factor)

The Guillotines : 5 nominations

Meilleurs effets visuels
Cecil Cheng (Cold war)
Han Young-woo, Victor Wong, Patrick Chui et Seong Ho-jang (CZ12)
Victor Wong (The Guillotines)
Ken Law et Cheung Chin-wing (Motorway)
Chas Chau, Ho Pui-kin, Ng Yuen-fai et A Law (Tai Chi)

Meilleur film chinois ou taïwanais
Back to 1942 (Feng Xiaogang)
Girlfriend*Boyfriend (Yang Ya-che)
Love (Doze Niu)
Love is not blind (Teng Hua-tao)
Painted skin: The resurrection (Wuershan)

Love in the buff : 4 nominations

Meilleur nouveau réalisateur
Fung Chih-chiang (The Bounty)
Roy Chow (Nightfall)
Brian Tse (McDull : The Pork of music)


Sorties à Hong Kong (février 2013) Journey to the West: Conquering the demons

Journey to the West: Conquering the demons (西遊.降魔篇, Hong Kong – Chine, 2013)
Un film de Stephen Chow et Derek Kwok avec Shu Qi, Wen Zhang, Chrissie Chow, Xing Yu, Lee Sheung-ching, Huang Bo, Show Luo. 110 minutes. Classé Catégorie IIB. Sortie à Hong Kong : 7 février 2013.