mercredi 29 juin 2011

The Cat


Quiconque a pu découvrir un jour le combat titanesque entre General et Lao-pu sait que The Cat est l’aboutissement de la carrière de cinéaste Nam Nai-choi. Pour son dernier film en date (depuis vingt ans, on n’a aucune nouvelle de lui), il est offert au spectateur déjà conquis par ses films précédents (La Septième malédiction, La Légende du Phoenix, The Stody of Ricky pour n’en citer que trois) un affrontement entre un chat et un chien. General (le félin) n’hésite pas à faire du kung-fu avec Lao-pu (un dogue), il le griffe, lui donne des coups de coude, le fait passer par-dessus ses épaules. General est très fort pour un joli gros matou. Il faut dire que General est un chat extra-terrestre.

Il est là pour sauver la planète. Il doit s’emparer de sculptures en forme d’octogone (ou presque, on n’est pas à ça près) qui se trouvent dans un musée. General, le chat, a des pouvoirs pour déterminer s’emparer des octogones et il a l’aide d’une princesse (Gloria Yip) et d’Errol (Lau Siu-ming). Mais les vilains veillent pour leur mettre des bâtons dans les roues. L’inspecteur Wong (Philip Kwok) est pris au piège du vilain, monstre extra-terrestre, composé, comme toujours chez Nam Nai-choi, à partir d’effets spéciaux très bon marché. Le monstre ressemble à un agglomérat géant de chewing-gums roses et verts dégoulinants, entre le blob et le vomi.

Wong a des yeux fluorescents, devient très fort et surtout méchant, lui qui doit appliquer la loi. C’est son collègue Wisely (Waise Lee, on admire le jeu de mots) qui n’a pas été absorbé par le mal. Chargé lui aussi de l’enquête (il est aussi écrivain à ses heures mettant en scène les aventures qu’il a vécues), il considère d’abord la princesse comme une suspecte. Le chat l’agresse un soir, il porte des marques de griffure mais ne s’en souvient pas. Sa copine Pai-so (Christine Ng) vient le consoler, ce qui donne droit à quelques gros plans sur la peau de l’actrice, érotisme un peu à côté du scénario qui vise à satisfaire le public masculin.

The Cat est un film fauché, ça se sent à chaque plan et à chaque mouvement de scénario. Les effets spéciaux sont assez moches et très bricolés. Quand la princesse et le chat doivent voler, c’est la caméra qui bouge pour donner l’impression de flottement. Il y a peu de personnages qui évoluent dans peu de décors pour diminuer les frais. Le scénario brille par son incohérence, encore plus que dans les films cités plus haut et les dialogues sont là pour décrire l’action, non pas en tant que moyen de suggérer l’angoisse, comme dans certains films, mais bien pour palier l’absence de lien entre les scènes. Comme dans tout nanar, on rit devant ce florilège d’erreurs cinématographiques. C’est déjà ça.

The Cat (衛斯理之老貓, Hong Kong, 1992) Un film de Nam Nai-choi avec Gloria Yip, Waise Lee, Christine Ng, Lau Siu-ming, Lawrence Lau, Phillip Kwok, Ni Kuang, Wan Seung-lam, Kong Long, Chua Lam.

mardi 28 juin 2011

Lover's discourse


Lover’s discourse est l’un des plus beaux films sortis ces six derniers mois. Derek Tsang fait ses premiers pas de réalisateur en compagnie de Jimmy Wan sous l’œil bienveillant de Pang Ho-cheung, producteur de cette comédie romantique mais finalement fort peu à l’eau de rose. Derek Tsang s’était exercé dans les films de Pang Ho-cheung en tant qu’acteur notamment dans AV, Jimmy Wan a scénarisé trois films du cinéaste aux styles très différents, Isabella, Exodus et Dream home. Le film semble adopter la forme d’un film à sketches, il sera finalement un film choral.

Le film est lancé par Ray (Eason Chan) qui fend la foule un soir. Il téléphone pour savoir où est son interlocutrice se trouve. Filmé de dos, il avance, se retourne parfois et finalement trouve Lee (Karena Lam). Elle était à deux pas de lui. Ils se connaissent depuis des années, on ne saura pas bien ce qui les unissait. Ils vont se promener, boire quelques verres, ils se rappellent quelques souvenirs. Et au bout d’un moment, ils ne savent plus quoi se dire. Cela se traduit dans le film par un plan séquence fixe où les deux acteurs expriment avec leurs regards gênés, leurs mimiques et leurs passé cinématographiques toute la difficulté qu’ils ont de rester stoïques plutôt que de s’embrasser.

On abandonne Ray et Lee pour découvrir une laverie tenue par Gi (Kay Tse), jeune femme dont les lunettes de vue mangent le visage. Elle bade en attendant son fidèle client Lai (Eddie Peng), joli garçon un peu timide à qui elle demande chaque fois le nom et le téléphone. Dans l’arrière-boutique, elle garde tous les objets qu’il oublie dans ses poches. Et Ray semble amoureuse de lui. Elle s’imagine avec lui dans un vieux film de vampires ou dans une variation des Hauts de Hurlevent. Mais c’est le double en mannequin de magasin qui lui donne la réplique. Elle n’arrivera jamais à lui dire qu’elle l’aime d’autant qu’elle comprend qu’il n’est pas célibataire et qu’il a un ami.

La troisième partie se consacre à Po (Jacky Heung), d’abord dans sa jeunesse puis à l’âge adulte. Dans sa jeunesse, Po est ami avec Lai (ados, ils sont interprétés respectivement par William Chan et Carlos Chan). Régulièrement, il va chez son pote pour regarder le foot. Il se rend compte que le père (Eric Tsang) a une liaison et trompe sa femme (Kit Chan). Po, qui est amoureux de la mère lui révèle la liaison en espérant qu’elle le remerciera en sortant avec lui. Mais cela ne se produit pas. Adulte, Po remarque Lai dans un magasin, c’est ce qui lui rappelle ces souvenirs où il a brisé un couple. L’adultère continuera de l’obséder quand Lee, la copine de Ray, est persuadée que son mec a une liaison avec Kay (Kay Tse). Après des discussions en tchat, ils décident de les suivre pour les espionner.

Ce qui frappe dans Lover’s discourse est le silence qui parcoure tout le film. Les romances du cinéma cantonais sont très bavardes. Derek Tsang et Jimmy Wan s’emploie au contraire à faire de l’absence de dialogues explicatifs sur les rapports amoureux un atout. Tout passe des regards (Lee et Ray se taisent et leurs yeux fixent le vide) ou des non-regards (Gi détourne son regard de Lai filmé souvent de dos). Ces silences sont soutenus par une belle musique mélancolique de Peter Kam. Les chaussures ont une importance cruciale. La pantoufle de la mère de Lai que Po met discrètement sous la table à manger faisant comprendre qu’il est amoureux d’elle et non du fils comme on pouvait le croire. La paire d’escarpins de Lee qui laisse croire qu’elle a une aventure. Sans oublier, le nombre de discussions en marchant que font les personnages. La maîtrise des deux cinéastes est, pour un premier film, notable. Ils ne tombent jamais dans les clichés et offrent une émotion diffuse d’une immense tristesse sur la vie des couples. C’est très prometteur.

Lover’s discourse (戀人絮語, Hong Kong, 2010) Un film de Derek Tsang et Jimmy Wan avec Karena Lam, Eason Chan, Mavis Fan, Eddie Peng, Kay Tse, Jacky Heung, William Chan, Eric Tsang, Carlos Chan, Kit Chan.

jeudi 23 juin 2011

Games gamblers play


Parlons d’abord de l’accoutrement de Michael Hui puisqu’il est la vedette de son premier long-métrage. Il a les cheveux courts, bien dégagés derrière les oreilles. La moustache est fine, comme son bouc. Il se taille lui-même cette pilosité. Il porte des lunettes rondes qui sont dans sa famille depuis trois générations. La monture gauche s’est cassée et elle est remplacée par une ficelle (Lau Ching-wan aura ce détail dans Fantasia). Ses vêtements sont composés d’un bermuda, d’une chemise à manches courtes et d’une paire de longues chaussettes blanches qu’il porte avec ses sandales. Bref, Man, son personnage dans Games gamblers play a tout de l’apparence d’un plouc.

Man commencera pourtant son histoire (et la finira) dans l’uniforme de prisonnier. Il finit de purger une peine de prison pour avoir triché au jeu. C’est un roublard qui n’hésite pas à arnaquer des codétenus pour leur prendre leur maigre pitance. Man va devoir partager sa cellule avec Kit (Samuel Hui), autre joueur devant l’éternel, qui s’est fait serrer dans un casino de Macao. Gros perdant, Kit engloutit tout son argent dans les jeux et il a surpris le manège d’un croupier. Il tente de lui prendre ce qu’il a volé, mais le patron du casino le prend en flagrant délit. A leurs sortie de prison, ils entendent bien se retrouver pour faire quelques affaires ensemble. Tant qu’il ne faut pas travailler.

Man lance Kit dans une partie de poker où il est censé gagner gros. Il est allé voir l’usurier pour emprunter de l’argent. Mais Pei Pei (Betty Ting Pei) est complice de Man et, en tant que professionnelle, va prendre tout l’argent de Kit. Mais ce dernier ne l’entend pas de cette oreille er compte bien se faire rembourser quand il comprend qu’il est tombé dans un piège. Chez Man, il rencontre sa sœur Mei (Lisa Lui) et sa femme (Helena Law) et évidemment, Kit va trouver charmante la frangine de Man. Elle va l’aider à ne plus se faire arnaquer. Ces personnages féminins vont apporter quelques quiproquos et portes qui claquent quand Pei Pei va venir voir Man en même temps que sa femme quand les deux hommes devront se planquer de Chang (Wong Sam), un boss qu’ils ont arnaqué dans une course de lévriers.

Games gamblers play essaie de suivre ce scénario d’arnaque contre Chang même si on sent que la tentation d’aller faire un film à sketchs est importante (c’est la forme qu’il abordera dans ses films suivants). L’humour du film repose sur des situations dans lesquelles nos héros se mettent et qui vont les nuire. Ce sont des perdants nés, surtout Kit, mais le trait n’est peut-être pas assez forcé. Le langage prend aussi une grande importance comme lors du jeu télévisé où Man est inscrit et où il donne une multitude de réponses erronées (des jeux de mots en cantonais que les sous-titres essaient de rendre, plutôt bien d’ailleurs) ou lorsqu’ils disent des gros mots qui sont remplacés par un effet sonore. Le vrai souci du film est celui du rythme. Michael Hui étire souvent ses gags, il n’a pas encore la touche nécessaire pour ne pas voir dans Games gamblers play autre chose qu’un gallot d’essai.

Games gamblers play (鬼馬雙星, Hong Kong, 1974) Un film de Michael Hui avec Michael Hui, Samuel Hui, Ricky Hui, Betty Ting Pei, Lisa Lui, Roy Chiao, Judy Dirkin, Gam Dai, Wong Sam, Hui Siu-hung, Helena Law, Dean Shek, Fung Ngai, James Wong, Cheng Siu-ping.

Sorties à Hong Kong (juin 2011)

Treasure Inn (財神客棧, Hong Kong, 2011)
Un film de Wong Jing avec Nicholas Tse, Charlene Choi, Nick Cheung, Mavis Pan, Tong Dawei, Liu Yang, Kenny Ho, Crystal Huang, Zheng Yi-tong, Zheng Xiao-dong. 96 minutes. Classé Catégorie IIB. Sortie à Hong Kong : 23 juin 2011.




Sorties à Hong Kong (juin 2011)


Beginning of the great revival (建黨大業 , Chine, 2011)
Un film de Han Sanping et Huang Jianxin avec Chow Yun-fat, Andy Lau, John Woo, Guo Tao, Nie Yuan, Ma Shao-hua, Chang Chen, Yi Zhen, Simon Yam, Daniel Wu, Chen Kun, Dong Jie, Ray Lui, Zhang Hanyu, Gordon Cheung, Zhao Ben-shan, Zhou Xun, Tang Wei, Michelle Ye, Huang Xuan, Nick Cheung, Alex Fong Chung-sun. 124 minutes. Classé Catégorie IIA. Sortie à Hong Kong : 23 juin 2011.

dimanche 19 juin 2011

Human pork chop


Human pork chop raconte trois semaines de la vie de Grace (Emily Kwan). Dès le début, on apprend qu’elle est morte. La police trouve son crâne caché dans une peluche. L’appartement où elle est décédée est vide, abandonné par ses locataires que la police va rechercher activement. Hok (Waine Lai) et sa petite amie Yin (Amanda Lee) sont retrouvés et amenés au poste de police. Ils vont être interrogés sur Grace, ils nient toute relation avec sa mort, mais commencent à raconter ces trois semaines. Le film alterne les courtes scènes au commissariat et les longues séquences de flash-backs.

Grace est une jeune maman, mais elle n’a pas de travail régulier et vit avec sa mère. Elle accepte de se prostituer pour gagner un peu d’argent qui sert surtout à lui acheter de la drogue. Elle emprunte 10000 HK$ à Hok, petit malfrat minable toujours accompagné de Joe (Yip Sai-wing) et Kei (Samuel Leung), deux types qui sont montrés comme pas très malins, un peu excités et primaires. Régulièrement Hok va voir Grace et lui réclame son fric. Au début, il est compréhensif mais il finit par s’énerver (son regard souvent face caméra est noir désignant sa violence sous-jacente). Ses deux acolytes battent Grace qui n’a pas de quoi rembourser.

Joe, à qui Hok a demandé de régler cette histoire, ramène Grace dans l’appartement où ils vivent tous. Ils passent leur temps à se faire des fix d’héroïne et à rien glander. Hok veut son argent tout de suite mais Grace n’en a pas. On se demande de toute façon comment elle pourrait en trouver, surtout une fois qu’elle est séquestrée, si ce n’est en vendant son corps. C’est alors que commence son calvaire. Sa déchéance physique et mentale occupe toute la deuxième partie du film jusqu’à ce qu’elle en meurt.

Grace est traitée comme une moins que rien. Elle dort dans la cuisine sur un une serpillière, elle est à peine nourrie, on lui interdit d’aller aux toilettes et se pisse dessus. Joe devient son bourreau. Il la bat tous les jours. Parfois, la caméra ne filme pas les coups de pieds qu’il donne à Grace et montre le visage haineux de Joe, mais ce hors champ n’a rien à voir avec de la pudeur. Au contraire, cette violence devient de plus en plus complaisante comme si Bennie Chan (rien à voir avec Benny Chan, réalisateur attitré de Jackie Chan) cherchait à montrer des trucs de plus en plus dégueulasses. Ainsi cette scène où Kei et sa copine s’amuse à faire fondre des pailles en plastic sur les jambes de Grace. On l’obligera un jour à nettoyer les chiottes bouchées avec sa main et à manger les crottes.

Le temps d’une scène, on se dit que Joe et les autres vont redevenir humains. Il va avec Grace dans une épicerie et, tandis qu’il fait diversion à l’arrière du magasin, elle vole de quoi manger. Mais la torture ne s’arrêtera pas. Yin tente de temps en temps de tempérer la fureur de Joe. Elle voudrait se dédouaner devant les flics qui l’interrogent. Sans doute le film entend être une analyse de la création de la violence (comme Michael Haneke), mais la mise en scène est ambiguë concernant le point de vue : c’est le couple de bourreaux qui narre en flashbacks y compris les scènes où Grace n’est pas avec eux. Ce décalage narratif censé donner de la morale a, au contraire, comme effet de sombrer dans le racoleur.

Human pork chop (烹屍之喪盡天良, Hong Kong, 2001) Un film de Bennie Chan avec Wayne Lai, Emily Kwan, Amanda Lee, Yip Sai-wing, Samuel Leung, Mok Ga-yiu, Lui Saan, Helena Law.

vendredi 17 juin 2011

Love unto wastes


C’est le soir de son 25ème anniversaire, Tony (Tony Leung Chiu-wai) rencontre les trois femmes qui se retrouvaient tranquillement après quelques mois d’absence. Tony n’y va pas de main morte puisque, saoul comme un cochon, il vomit sur la robe de Billie (Irene Wan). Pas rancunière, elle va l’aider à dans les toilettes du restau à se remettre de sa cuite. Il va ensuite donner à tout le monde sa carte, et surtout aux trois amies. Il leur dit bien qu’il aimerait beaucoup qu’elles l’appellent. Il est un peu lourd mais elles vont appeler.

Billie l’appelle un jour. Elle est mannequin et revient de Paris où elle n’a pas réussi à faire carrière. Elle loge, pour l’instant, chez Liu Suk-ping (Elaine Kam), qui après deux ans d’inactivité espère un rôle au cinéma. Ce qu’on lui propose est un personnage qui doit se dénuder à l’écran, c’était très fréquent dans ce milieu des années 1980. Elles vivent avec Chao Su-ling (Tsai Chin), qui a quitté son Taïwan natal pour se lancer dans la chanson. Elles sont toutes les trois artistes, ont tout juste trente ans et espèrent trouver un mec, si possible avant leurs 31 ans, sinon, elles ont peur de demeurer comme célibataire comme Brigitte Lin, citée par les filles comme un exemple à ne pas suivre.

Jusqu’à présent, la vie de Tony était toute tracée. Il a un peu voyagé dans sa jeunesse et pendant ses études, il a couché avec beaucoup de filles, mais aujourd’hui il bosse dans la boite de son père qui est vendeur de riz en gros. Et le paternel aimerait qu’il se marie avec Miss Chung (Elaine Chow) qui est devenue la commerciale de l’entreprise. Tony ne s’intéresse pas à elle, il préfère passer des soirées avec les trois amies, à faire des jeux crétins, à boire, à chanter, à rire de bon cœur. Ce sont de beaux moments de comédie légère où les acteurs semblent beaucoup s’amuser. Et surtout, il va les draguer, toutes les trois, en secret. Officiellement, c’est avec Billie qu’il sort.

Un drame va briser cette amitié naissante. Une nuit, Su-ling est trouvée morte dans l’appartement, elle a été assassinée. L’inspecteur Lan (Chow Yun-fat) est chargé de l’enquête. Il est d’abord agressif avec Tony, Billie et Liu. Il leur pose un tas de questions qui parfois semblent ne rien à voir avec le meurtre. Des questions sur leur vie privée. Et tel Columbo, il se met à s’incruster chez eux, à aller les voir au restau, à s’inviter à bouffer. Lan abandonne petit à petit l’enquête, on ne saura jamais ce qui s’est passé. Son comportement est bizarre, mais à peine plus que celui des autres. Il est envahissant mais s’avère sympathique.

C’est un Hong Kong comme on le voir rarement que Love unto wastes montre. Les décors ont une grande importance. Le générique montrait tous ces lieux sans qu’ils puissent être identifiés. L’appartement de Liu est plutôt bourgeois, coloré et efficace. Il est le lieu des soirées festives avant de devenir un endroit funeste. L’appartement que loue Billie est situé à côté de l’aéroport. Elle a peu de meubles, cet appartement est le lieu des confessions intimes entre Tony et elle. La réserve de riz dans l’entrepôt du magasin a aussi son importance. C’est là, sous une cascade de riz, que les deux amoureux feront l’amour pour la première fois. Enfin, un soir, l’inspecteur Lan invite tout le monde à venir chez lui. Son appartement est vide. Des chaises, un lit au salon car c’est plus près des toilettes, un congélateur vide où son ex mettait des steaks car Lan adore les steaks. Tous se saoulent la gueule.

Mais le constat est amer. Cette nouvelle bande a l’impression d’avoir gâché leur vie, ils se le disent, ils en conviennent mais ne font rien pour en changer. Leur séjour à Taïwan où ils ramènent les cendres de Liu. Les personnages passent de la joie simple à la déprime dans une mise en scène d’un grand calme comme on en voit rarement. A vrai dire, Love unto wastes est une exception dans le paysage hongkongais (si ce n’est certains films d’Ann Hui) dans sa manière de ne pas forcer la psychologie des personnages. On pourrait aussi dire que les rares héritiers de ce cinéma sont Wong Kar-wai et Pang Ho-cheung.

Love unto wastes (地下情, Hong Kong, 1986) Un film de Stanley Kwan avec Tony Leung Chiu-wai, Elaine Kam, Irene Wan, Tsai Chin, Chow Yun-fat, Elaine Chow.

jeudi 16 juin 2011

L'Homme H


Cette année, Hinoshiro Honda aurait eu 100 ans. Il est né le 7 mai 1911 et ses films sont un peu oubliés. Il a pourtant beaucoup tourné et à l’heure de la peur atomique qui sévit aujourd’hui encore plus partout dans le monde mais plus particulièrement au Japon, revoir L’Homme H est assez savoureux. Le film, tourné quatre ans après Godzilla, mais en couleurs et en scope, reprend ce thème cher au cinéaste où l’homme est victime du nucléaire, en l’occurrence, des pluies acides semblent dissoudre les quidams.

L’inspecteur Tominaga (Akihiko Hirata) mène l’enquête pour comprendre ce qui se passe dans ces disparitions soudaines et incompréhensibles. Des corps, il ne reste rien, seul un amas de vêtements demeure. Un soir, un cambriolage est commis et le voleur disparait en laissant une valise pleine de drogues. La piste mène à Uchida (Makoto Sato) que la police cherche à interpeler. Tominaga pense que son employée Chikao Arai (Yumi Shirakawa), une femme honnête mais craintive, peut les aider, mais elle ne sait rien, si ce n’est qu’elle reconnait la montre du cambrioleur. Elle affirme que jamais il ne se serait séparé de sa montre.

C’est alors qu’entre en scène Masada (Kenji Sahara), un scientifique que connait bien l’inspecteur. Il avance une théorie sur la disparition du voleur, mais cela ne semble guère crédible aux yeux du policier. Masada décide de laisser la parole à deux marins rescapés qui vont raconter leur étrange et angoissante aventure. Ils ont abordé un bateau fantôme où de nombreux vêtements jonchaient sur le sol. Puis ils ont vu une masse gélatineuse verdâtre qui absorbait leurs collègues. Masada poursuit des expériences pour comprendre ce phénomène. Sa conclusion est claire : cela est causé par la bombe atomique et cet homme H en est le rejeton.

La menace commence à arriver à Tokyo. Tominaga, encore sceptique, commence à croire son ami Masada. Il faut trouver comment se débarrasser de l’homme H. Les plans vont être contrecarrés par Uchida qui cherche à récupérer la valise de drogue. Ce double suspense demeure un peu faible et n’est pas compensé par des effets spéciaux de l’homme gélatineux dont on pouvait attendre plus. Le film est avare de trucages si ce n’est dans les expériences avec les grenouilles de Masada, alors que c’est précisément ce qui fait tout le charme des productions de la Toho.

L’Homme H (美女と液体人間, Japon, 1958) Un film d’Inoshiro Hoonda avec Yumi Shirakawa, Kenji Sahara, Akihiko Hirata, Makoto Sato, Koreya Senda, Yoshio Tsuchiya, Yoshibumi Tajima, Eitaro Ozawa.

mercredi 15 juin 2011

Adieu clarté d'été


Portugal, Espagne, France, Suède, Pays-Bas, Italie. Naoko (Mariko Okada) et Kawamura (Tadashi Youkouchi) vont faire ce voyage à travers l’Europe. Ils se rencontrent à Lisbonne, et il faut dire qu’en été 1968, deux Japonais au Portugal, à l’époque de la dictature, ça devait se remarquer. Kawamura est à la recherche d’une église dont il a vu les plans dans une bibliothèque de Nagasaki d’où il vient. Naoko est antiquaire, elle cherche des objets anciens pour les vendre à Paris où elle vit désormais.

Avec Adieu clarté d’été, Yoshishige Yoshida revient à la couleur et enserre dans son scope ses deux personnages, chacun dans un bout du cadre. Ils doivent s’apprivoiser, se trouver, se comprendre. Le passé de Nagasaki les unit comme les sépare car chacun a une vision opposée de leur ville. Kawamura est un futur étudiant qui n’a pas connu la guerre mais se plonge dans le passé de sa ville, Naoko a vu sa mère et son frère périr dans les affres du bombardement et a choisi de ne plus jamais vivre au Japon et veut oblitérer ce passé. Mais rien n’est moins sûr et le dialogue s’installe entre eux, d’abord en voix off, finalement en discussions libératrices.

Le séjour en France est le plus long. Naoko y habite et elle est mariée à un Américain (Paul Bauvais). Ils vivent dans une belle maison du 16ème arrondissement avec la sœur (Hélène Soubielle), grande blonde qui a bien compris que quelque chose se passe entre Naoko et Kawamura. La liaison serait acceptée par l’époux et Kawamura se rapproche d’elle, l’encercle petit à petit, se rend dans les villes où elle se rend. Souvent filmé en plan très larges en pleine nature (comme sur la plage du Mont Saint Michel), les plans deviennent vite plus intimistes (dans la chambre en Italie) où ils se permettent finalement de coucher ensemble.

Mariko Okada est régulièrement filmée de dos comme une manière de souligner son peu d’entrain à se souvenir de son enfance japonaise alors que son partenaire est là à lui poser des questions sur sa vie. Ce jeune homme lui rappelle ce qu’elle a cherché depuis vingt cinq à oublier et elle se rend compte qu’elle ne peut plus rien faire pour arrêter ce processus mémoriel. Elle en est arrivée au point de souhaiter la présence de Kawamura, d’autant qu’elle avouera savoir où ce trouve l’église qu’il cherche. Elle pourra enfin envisager de rentrer au Japon et envisager de vivre au présent.

Adieu clarté d’été (さらば夏の光, Japon, 1968) Un film de Yoshishige Yoshida avec Mariko Okada, Tadashi Youkouchi, Hélène Soubielle, Paul Bauvais.

samedi 11 juin 2011

Seven swords

Sans doute faut-il commencer par se rappeler la déception de beaucoup de critiques à l’époque de la sortie du film. Seven swords était annoncé comme durant quatre heures, il aurait été question d’une série de films, Tsui Hark aurait été contraint de charcuter son film contre son gré, entre autres choses. C’est une habitude de vouloir comparer ce qui est devant les yeux avec ce qui n’existe pas, confronter les attentes du spectateur avec un film fini et complet qui, en l’occurrence, fait tout de même 140 minutes. La critique attendait un grand film de Tsui Hark, or Seven swords est tellement bourré de défauts que les journalistes ont cherché les responsables : les producteurs bien sûr, certainement pas le cinéaste. Pour rappel, Tsui Hark a réalisé juste avant Seven swords, ses deux plus mauvais films, Legend of Zu (que certains s’amusent encore à défendre) et Black Mask 2. En comparaison, Seven swords est très grand mais il n’est pas un chef d’œuvre.

Tsui Hark n’est jamais plus à l’aise que dans le film en costumes, ici au 16ème siècle, dans un tournant du pouvoir où une dynastie renverse l’autre et cherche à imprimer sa marque. Le nouvel empereur a interdit la pratique des arts martiaux. Tout contrevenant sera passible de la peine de mort. Le général Ravage (Sun Hong-lei) va, contre de l’argent, décapiter les pratiquants. Son armée est féroce et sauvage, toute en armures de métal et de peaux de bêtes. Les soldats, couverts de peinture noire, manient des armes tranchantes auxquels les villageois ne résistent pas longtemps. C’est plus qu’un carnage, c’est un génocide. La première séquence est superbe mêlant la grisaille des décors et des soldats avec le sang des villageois. Un seul parviendra à s’échapper, Fu (Liu Chia-liang) qui rencontrera sur son chemin une jeune fille Yuanyin (Charlie Young) qui l’amènera à son village.

Fu a beau prévenir Liu (Jason Pai Piao), le chef du village, du danger de Ravage, on se méfie de lui, on va le tenir prisonnier puisqu’un homme l’accuse de l’avoir torturé vingt ans plus tôt, on le voit comme un traitre. Il parvient à convaincre ses gardiens Zhibang (Lu Yi), Yuanyin et Fang (Zhang Jingchu), la fille de Liu et l’institutrice du village de le libérer pour qu’il aille prévenir ses amis. La nuit, ils le libèrent et partent avec lui (sauf Fang qui reste) et partent en haute montagne trouver Ciel Céleste, un ermite rempli de sagesse. Le gris plein de boue du village, ses habitants véhéments habillés de haillon, laissent la place à l’immensité des pentes enneigées pleines de calme et de sérennité.

L’équipe des sept sabreurs va pouvoir être formée. Ciel Céleste remet à Yuanyin et à Zhibang un sabre chacun, même s’ils n’ont pas l’habitude de manier ces instruments. Fu accepte de combattre à nouveau mais refusera toujours de tuer un seul homme. Deux nouveaux personnages se joignent Mulang (Duncan Lai) et Xin (Tai Li-wu). Leurs rôles seront un peu ingrats puisqu’on ne les voit presque jamais. Yunchong (Leon Lai) sort de sa retraite mais hésite à s’engager car Liu a tué autrefois son père. Il a cependant promis de ne pas se venger. Enfin, Chu (Donnie Yen), personnage énigmatique et quasi mutique est le dernier sabreur à composer cette ligue de défenseurs du village.

Sept mercenaires même aguerris contre une armée violente qui ne fait pas de quartier. Voilà le programme de Seven swords. Par provocation, Fu va rencontrer Ravage pour négocier sa rédition. Bien entendu, Ravage lui rit au nez jusqu’à ce que les sept sabreurs démantèlent son id d’aigle et tuent trois cents de ses soldats. La séquence est plaisante, chaque sabreur manipule son arme avec dextérité et les soldats figurants ne résistent pas longtemps à l’attaque surprise. La mise en scène est plus posée qu’à l’habitude, les chorégraphies des combats n’ont pas la sauvagerie de The Blade mais plutôt celles des Il était une fois en Chine, avec ses coups portés et ses répliques attendues dans la tradition des scènes de combat mises en place par Liu Chia-liang qui est à l’œuvre ici. Comme dans la scène finale, où – comme on s’y attend – Ravage est le dernier combattant, la musique répétitive et superficielle gâche un peu l’atmosphère.

Tout Seven swords n’est pas composé de scènes de bataille, on en sortirait épuisés. De temps en temps, les personnages se reposent. Le problème est alors que le scénario se fait particulièrement faible. Les personnages féminins sont peu développés. Fu a fait libérer Perle de Jade (Kim Soo-yeon), prisonnière de Ravage qu’il avait choisie pour être sa concubine. Elle est coréenne et ne parle pas chinois, elle sera accusée de trahison, mais Chu, personnage également coréen, va la prendre sous son aile. Le jeu de l’actrice est souvent outrée, peu convaincant. Les actes du personnage ne servent qu’à créer une romance mièvre. Non seulement le rythme du film est ralenti mais en plus, le personnage de Perle de Jade est uniquement soumise au désir des hommes. Seule Fang se démarque en sauvant les enfants du carnage et en renonçant, provisoirement, à la compagnie de Zhibang. Mais elle n’est jamais une femme d’action et conserve son rôle de nourrice en prenant soin des mômes. Le film agit sur le spectateur qui connait Tsui Hark avec un effet Madeleine. On est en terrain connu, on apprécie certains moments qui rappellent de bons souvenirs, mais on se dit que malgré toutes les qualités, Seven swords n’est pas aussi bon qu’on le souhaiterait.

Seven swords (, Hong Kong – Chine – Corée, 2005) Un film de Tsui Hark avec Liu Chia-liang, Leon Lai, Donnie Yen, Charlie Young, Lu Yi, Sun Hong-lei, Kim Soo-yeon, Duncan Lai, Tai Li-wu, Chi Kuan-chun, Jason Pai Piao, Zhang Jingchu, Michael Wong, Chen Jia-jia.

vendredi 10 juin 2011

Love actually sucks


L’ambition de Love actually sucks est démesurée. Scud, pour son quatrième film, entend montrer, comme l’indique le titre que l’amour, en fait ça craint. Pour démontrer son slogan anti romantique, le film sera choral avec une bonne douzaine de personnages autour de cinq relations amoureuses et sexuelles. Scud délaisse, un peu, ses histoires d’amour entre hommes. Le film se lance sur un mariage où tous les personnages sont présents. Le témoin doit faire un discours et lance un diaporama où une chanson sur les déboires amoureux sert de musique. Puis, les invités découvrent l’époux en compagnie d’un autre homme. Ils sont tous les deux nus et font l’amour. La fête du mariage prend donc une tournure bien différente.

Scud décline six histoires. Celle du mariage concerne un peintre qui vient de se marier et qui est fasciné par le corps de son modèle dont il dessine le corps nu. Là, on reconnait Scud dans sa passion de filmer le corps de ses acteurs. La nouveauté du film est qu’il montre pour la première un corps de femme nu. Ce personnage féminin est placé dans une relation incestueuse avec son frère. Ils couchent ensemble avec comme seule hantise de décevoir leur maman. L’autre relation hétéro est illustrée par un jeune danseur qui donne des cours à une vieille dame très riche et qui espère plus que des cours. Là, on est dans du banal comme ce récit de deux clients d’une salle de muscu. L’un vieux, l’autre jeune, leurs désirs sont contradictoires. Une histoire qui l’est moins est celle d’un trio où deux hommes sont amoureux de la même femme. L’un d’eux est si possessif qu’il ira jusqu’à décapiter la belle et partir avec la tête sur une île désertique. Autre récit, moins développé et qui ne semble pas intéresser le réalisateur, celui de deux lesbiennes passent leur temps à se disputer.

Ce foisonnement scénaristique n’est qu’apparent. Le film ne sait pas toujours quoi dire si ce n’est quelques lieux communs. Les récits sont mélangés, comme souvent dans les films choraux, et je dois avouer que je m’y suis parfois un peu perdu, d’autant que le cinéaste a choisi des acteurs qui sont tous du même type : des caricatures de beaux gosses. Le cinéaste a un peu de mal à tenir ses récits, à les faire démarrer, progresser et finir (tous dans le drame – tous les personnages seront punis par les hommes ou par la mort). On se croirait parfois dans un succédané de Kim Ki-duk avec sa philosophie de comptoir et le malheur du quotidien. Sauf que dans Love actually sucks, on y croit encore moins que dans les derniers films de Kim Ki-duk. Bien sûr, il est bien que Scud cherche à se renouveler, qu’il ne se contente pas de devenir le David DeCoteau hongkongais, mais il serait bien qu’il ne sombre pas dans la facilité avec des histoires d’amour mal fagotées. Le film est pour l’instant toujours inédit en salles. Une sortie à Taïwan a été annulée et aucune sortie n’est prévue à Hong Kong.

Love actually sucks (愛很爛, Hong Kong, 2010) Un film de Scud avec Alice Chen, Celia Chang, Christepher Wee, Hae Leung, Jackie Chow, John Tai, Lareine Xu, Osman Hung, Owen Lee, Sherry Li, Winnie Leung, Bettin Chan, Calvin Wong, Tang Wei.

jeudi 9 juin 2011

Time and tide



Je regarde régulièrement Time and tide et après chaque vision, j’en arrive toujours à la même conclusion « je comprends rien ». En tout cas, j’ai toujours les mêmes difficultés à appréhender un scénario plutôt foisonnant où deux gars mettent deux filles enceintes avec une sacoche remplie de dollars comme MacGuffin. Mais je crois que les mouvements du récit sont bien moins importants que les mouvements des acteurs, notamment les pirouettes de Wu Bai. Time and tide ne sera jamais crédible ni plausible, mais ce n’est pas cela qui compte. Ce qui importe dans le flux de plans est le mouvement perpétuel que crée Tsui Hark et qui, alors après deux navets avec Jean-Claude Van Damme, a enchanté le spectateur qui se trouve pris dans l’ouragan visuel.

Tout commence par une grosse beuverie. Tyler (Nicholas Tse), jeune chien fou dont les cheveux lui tombent sur les yeux, sert à boire à Jo (Cathy Tsui) qui vient de s’engueuler avec sa petite amie. Ils se provoquent sur la boisson, chacun parie que l’autre n’arrivera pas à boire plus que l’autre. Ils ne se connaissent mais trinquent ensemble. Ils picolent tellement qu’ils continuent leur soirée par la case vomi. Puis finissent par coucher. Au petit matin, vaguement dessoulés, ils comprennent ce qui s’est passé. Ellipse de neuf mois. Jo est enceinte ce que Tyler ignorait. C’est la copine de Jo qui, après l’avoir larguée, l’annonce au jeune homme. Il décide de gagner de l’argent pour aider la future maman. Pendant dix minutes, le film fait croire qu’il pourrait être une comédie romantique, mais son rythme propre évacue vite l’idée même de romantisme. Le rythme de Time and tide suit celui de Tyler, rapide, inconséquent, spontané, désinvolte, impulsif.

Trouver un boulot qui rapporte. Tyler va voir Ji (Anthony Wong) qui a une boite de sécurité illégale. Tout le monde sera en costumes cravate. Tyler aura un pistolet en plastique, c’est le sous chef qui cherche à humilier ce petit jeune arriviste. Le récit prend un tout humoristique notamment quand une grosse cliente décrit son agresseur avec les traits d’Anthony Wong puis quand Tyler lui sert de chauffeur et qu’il fonce en marche arrière dans les rues encombrées de Hong Kong. Il est temps de passer aux choses sérieuses et d’en arriver à cette sacoche pleine d’argent dont tout le monde veut s’emparer. L’important n’est pas de savoir comment elle arrive dans le récit mais qui l’a présentement, comment il va tenter de la conserver et qui veut s’en emparer. A ce jeu-là, Tsui Hark noie le spectateur sous un flot d’informations et un grand nombre de personnages.

L’un des personnages phares de Time and tide est Jack (Wu Bai). On le découvre lors d’une mission de Ji et ses hommes. Ils ont été engagés pour sécuriser l’anniversaire d’un riche homme d’affaires. Toute sa famille et tous ses amis sont réunis. Jack est le petit ami de Josephine (Candy Lo), la fille de l’homme d’affaires qui, telle une fille prodigue, revient pour cette occasion vers sa famille après avoir claqué la porte et voulu vivre une vie indépendante. Josephine est enceinte de Jack qui s’avère, en public tout du moins, être un homme très discret, peu enclin à parler. Mais son passé est trouble et fait venir dans l’histoire toute une bande de sud-américains bien décider à trouver la sacoche de pognon. Lors de cette soirée, on tente d’assassiner le père de Josephine. C’est le lancement d’une suite ininterrompue de gunfights. Encore plus fort que John Woo, Tsui Hark va dans les 45 dernières minutes du film proposer des scènes d’action comme on n’en voit rarement.

Les sud-américains surveillent l’appartement de Josephine. Les points de vue se multiplient, un vieux à l’air vicieux, un jeune avec des dread locks, quelques gars bodybuildés. Chacun des snipers surveille le logement situé dans un quartier d’immeubles et le temps semble parfois suspendu comme dans The Mission auquel on pourrait comparer certaines scènes de Time and tide. Mais la folie de la vitesse prend vite le dessus dès le premier coup de feu tiré qui va faire exploser l’appartement. Wu bai virevolte entre les étages de l’immeuble ou dans les escaliers dans une mise en scène largement inspirée du wu xia pian mais filmée avec la furie de The Blade, comme si Tsui Hark cherchait à faire passer cette mise en scène au montage ultra cut au forceps et le tout pratiquement sans musique, ce qui en dit long sur la puissance de sa mise en scène. Puis la bataille rangée se transporte dans une salle de concert. Au programme de cette séquence finale et électrique, le morceau de bravoure est l’accouchement de Josephine par Tyler qui fait ce qu’il peut pour mettre au monde le fils de son ami Jack. Le film boucle son récit qui avait commencé avec la conception d’un enfant. C’est le film qui marquait la nouvelle naissance du cinéaste dans son pays et c’est aussi son dernier grand film.

Time and tide (顺流逆流, Hong Kong, 2000) Un film de Tsui Hark avec Nicholas Tse, Wu Bai, Anthony Wong, Cathy Tsui, Candy Lo, Joe Lee, Jack Kao, Kung Shek-leung.

Sorties à Hong Kong (juin 2011)

MicroSex Office (潮性辦公室, Hong Kong, 2011)

Un film de Lee Kung-lok et Jim Chim avec Jim Chim, Jacqueline Chong, Koni Lui, Bonnie Wong, Yeung Sze-man, Chak Hoi-tai, Yedda Chao Tong, Dada Chan Ching. 88 minutes. Classé Catégorie IIB. Sortie à Hong Kong : 9 juin 2011.





mardi 7 juin 2011

Don't go breaking my heart


Après deux ans d’absence et un Vengeance franchement pas très enthousiasmant, Johnnie To revient avec une bonne grosse comédie romantique à faire pleurer tous ceux qui voudront bien croire aux histoires d’amour romanesques entre Daniel Wu, Louis Koo et Gao Yuan-yuan. Pendant les presque deux heures du film, sur une période de trois ans de récit, les deux hommes vont chercher à gagner les faveurs de la femme. Don’t go breaking my heart est écrit par Wai Ka-fai et le film rappelle Needing you (pour les rapports superficiels au sein d’une entreprise) et Turn left turn right (pour les rendez-vous manqués entre les personnages).

Soit deux grands immeubles de bureau aux vitres très larges. Chacun donne sur l’autre avec un vis-à-vis imprenable. D’un côté, la boîte où bosse Cheng Zixin (Gao Yuan-yuan), en face celle de Cheung Shen-ran (Louis Koo). Ils ne se connaissent pas encore mais Shen-ran l’a aperçue dans le bus qui l’a conduit au bureau. Elle en est sortie précipitamment après avoir rencontré son ex accompagné de sa femme enceinte. Shen-ran a compris qu’elle est célibataire et, de loin, la voit s’affairer toute stressée avec ses dossiers. A l’aide de post-its de différentes couleurs, il dessine sur sa vitre un smiley pour lui remonter le moral.

Juste avant qu’elle ne rentre dans son bureau, Zixin a tenté de traverser la rue. Hagarde, elle a manqué de se faire écraser plusieurs fois par des voitures. C’est Fang Qihong (Daniel Wu) qui la protège et ramasse ses dossiers éparpillés sur le bitume. Qihong porte une grosse barbe, est un peu dépenaillé et ressemble à un clochard. Il boit comme un trou, du whisky de préférence. Zixin va d’ailleurs lui en apporter de ses réserves, histoire d’oublier son ex qui en buvait aussi. Et un soir, après le travail, Qihong emmène Zixin chez le coiffeur, chez le tailleur et lui donne un look plus jeune. Elle apprend qu’il est architecte mais que la masse de travail l’a fait plonger dans l’alcoolisme et que l’alcoolisme l’a empêché de travailler.

Chacun voit dans ces rencontres un espoir de changer de vie. Shen-ran est un dragueur impénitent et il donne rendez-vous à Zixin, mais une autre femme qui travaille en dessous prend le rendez-vous pour elle. Deux rendez-vous à deux filles dans deux lieux différents, c’est guère gérable. D’autant que Zixin a donné aussi rendez-vous à Qihong qui s’est remis à dessiner avec sa nouvelle mascotte, le crapaud de l’ex. Finalement, ces gens qui ne se connaissaient que de vue ne pourrons jamais se rencontrer. Et là, tout s’arrête. La crise de 2008 est là. La boite de Shen-ran ferme. Personne ne se verra plus pendant trois ans.

Il restera plus d’une heure à nos trois personnages pour qu’ils puissent se retrouver, le tout sous l’œil complice de John (Lam Suet), le collègue de Zixin, qui va être le témoin de cette histoire d’amour à trois. Shan-ren est embauché dans la boîte de Zixin et Qihong a repris du poil de la bête (mais sans oublier de raser sa barbe) et son cabinet d’architecte occupe désormais les anciens bureaux de Shan-ren. Le petit manège des post-its reprend, les deux hommes cherchent à s’attribuer les faveurs de la belle. Les fans des polars de Johnnie To seront bien déçus par cette romance fleur-bleue destinée avant tout aux spectateurs chinois et à son gros marché. C’est d’ailleurs pour cette raison que les plupart des dialogues sont en mandarin (sauf ceux de Louis Koo et Lam Suet). La dernière partie se transporte à Suzhou dans la famille de Zixin. Certes le récit est bien tenu, on sourit un peu au déboires amoureux du trio, mais c’est un peu creux.

Don’t go breaking my heart (單身男女, Hong Kong – Chine, 2010) Un film de Johnnie To et Wai Ka-fai avec Louis Koo, Gao Yuan-yuan, Daniel Wu, Lam Suet, Larisa, JJ Jia, Terence Yin, Selena Li.

dimanche 5 juin 2011

The Big hit


Contrairement à ses compatriotes exilés volontaires à Hollywood, Ringo Lam, Tsui Hark ou John Woo, Kirk Wong n’est pas passé par la case Jean-Claude Van Damme pour ses débuts américains. Mais sa carrière s’est arrêtée après ce The Big hit produit par Terence Chang et John Woo. En tête de distribution on trouve Mark Wahlberg, tout jeune, à peine sorti de Boogie nights. Son aura à l’époque n’était pas encore celle qu’il a maintenant. Son jeu n’était d’ailleurs pas encore très bon mais il réussit à donner à son personnage de Melvin Smiley la naïveté nécessaire.

Melvin est un tueur à gages. Il travaille en équipe avec trois comparses. Vince (Antonio Sabato Jr.), Crunch (Bokeem Woodbine) qui a décidé d’arrêter d’avoir des relations sexuelles pour pratiquer la masturbation persuadé que cela le muscle et Cisco (Lou Diamond Phillips), le leader du quatuor, grande gueule qui abuse de la gentillesse de Melvin. Lors de leur contrat qui lance le film, il laisse Melvin faire le sale boulot et s’attribue la mort de la victime pour toucher la prime. Melvin est un personnage bondissant, habile, qui abat très vite les hommes de main du « client ». On retrouve un savoir-faire typiquement hongkongais dans cette séquence. Le héros est le plus fort et aucune balle ne l’atteint jamais.

En revanche, dans sa vie privée, Melvin est un faible. Sa fiancée Pam (Christina Applegate) n’a pas osé le présenter à ses parents, le père (Elliott Gould) est un faible, sa mère (Lainie Kazan) est très envahissante. Il est méprisé par son voisin. Il habite dans un lotissement où chacun fait la même chose au même moment (joli scène où les maris vont tondre le gazon le dimanche matin). Il se fait engueulé par le mec du vidéo club parce qu’il n’a pas rendu une cassette à temps. Melvin a aussi une maîtresse Chantel (Lela Rochon) qui lui demande de lui prêter une forte somme d’argent. Or Melvin n’a plus d’argent. Quand Cisco lui propose un coup hors contrat, après avoir hésité, il accepte.

Ils vont kidnapper Keiko (China Law), la fille d’un riche homme d’affaires. Pas de chance, l’homme d’affaires est ruiné. Pire encore, il est ami avec le patron de Melvin et Cisco. Leur trace va vite être retrouvée. The Big hit est une comédie d’action avec comme motif centrale le thème du double. Melvin cache à sa fiancée sa véritable activité et lorsqu’il doit cacher Keiko chez lui, c’est toute une série de quiproquos qui s’enchaine. La dernière demi-heure est consacrée à un grand nombre de course poursuite entre Melvin et Cisco et la destruction du vidéo club. Le film est très léger et vaut surtout pour ses moments de comédie qui frôlent parfois le non-sensique.

The Big hit (Etats-Unis, 1998) Un film de Kirk Wong avec Mark Wahlberg, Lou Diamond Phillips, Christina Applegate, Avery Brooks, Bokeem Woodbine, Antonio Sabato Jr., China Chow, Lainie Kazan, Elliott Gould, Sab Shimono, Robin Dunne, Lela Rochon.

vendredi 3 juin 2011

The Big heat


Les mains de l’inspecteur Wong (Waise Lee) ont beaucoup de mal à tenir son révolver. Il devient maladroit et manque de tirer sur son co-équipier. Il propose sa démission à son chef qui la refuse en lui donnant une nouvelle affaire. Tse, son ancien collègue a été abattu en Malaisie. Wong serait l’homme idéal pour résoudre cette affaire et apprendre quel trafic a lieu. Le flic déchire sa lettre de démission en se rappelant, via quelques flashbacks, l’amitié qui les unissait. Il se sent responsable de l’accident qui a de son collègue un estropié. Maggie (Betty Mal), la copine de Wong n’arrive pas à calmer son angoisse et sa douleur.

Pour enquêter, Wong a besoin d’une équipe. Il a avec lui son fidèle Kam (Philip Kwok), flic ultra nerveux qui réagit au quart de tour, champion pour courir après les criminels dans les poursuites et qui n’hésite jamais à sa battre. Mais, c’est un tendre malgré tout, proche de sa maman comme le montrera une scène plutôt drôle. Wong engage le jeune Lun (Mathew Wong), un bleu dans les forces de police. On le découvre maladroit mais dragueur. Il donne son numéro de téléphone à une jeune infirmière Ada (Joey Wong) quand il se rend à l’hôpital pour découvrir le corps calciné de Tse. Lun a toujours le sourire, il est plein d’enthousiasme mais reste trop le nez collé dans les manuels. Wong et Kam vont lui apprendre que le terrain avec ses fous furieux est bien différent de la théorie.

Le cadavre de Tse a été amené par Ong (Lionel Lo), un flic de Malaisie qui ne quittera jamais ses lunettes noires. C’est le personnage énigmatique de The Big heat, celui dont on ne saura jamais rien. Parfois, lors d’un gunfight, il lance un « cari mati », ce qui en malais veut dire « va crever ». Il fera volontiers équipe avec Kam avec lequel il se disputera pourtant sans cesse. Les quatre hommes sont prêts à affronter le mafieux Han Ching (Paul Chu) qui fait chanter un homme d’affaires homo : des photos compromettantes circulent où on le voit avec un autre homme. A cela il faut ajouter qu’un supérieur hiérarchique de Wong est un policier corrompu qui accepte les pots de vin de Han Ching.

Tsui Hark a donc rassemblé tous les éléments d’un film d’action typique des années 1980. Le thème de la corruption des flics avec cette idée que d’ici la rétrocession, personne ne dira rien. Le quartet de flics incorruptibles, complémentaires et si différents. La violence se fait de plus en plus brutale : têtes coupées, doigts arrachés, corps démembrés. Poursuites et gunfights en abondance. Scène d’assaut dans un hôpital. Deux personnages d’Anglais pas nets (le chef de la police et une infirmière qui tente de tuer le businessman). Le film ne semble guère devoir aux deux cinéastes d’autant que Tsui Hark apparait quelques secondes à la fin du film comme pour mieux signer son œuvre. Rétrospectivement, on peut y voir parfois de beaux plans sans doute créés par Johnnie To, mais Tsui Hark, en tant que producteur, semble avoir voulu faire un film d’action à la manière de John Woo.

The Big heat (城市特警, Hong Kong, 1988) Un film d’Andrew Kam et Johnnie To avec Waise Lee, Joey Wong, Matthew Wong, Phillip Kwok, Lionel Lo, Paul Chu, Stuart Ong, Peter Lai, Kirk Wong, Michael Chow, Roy Cheung, Betty Mak, Tsui Hark.

mercredi 1 juin 2011

Maudite pluie !


« A quoi ça sert de cultiver du coton puisque l’argent de la récolte servira à rembourser tes dettes » dit en substance le vagabond qui loge dans un abri de fortune à Kisna (Girish Kulkarni). Le pauvre paysan attend la pluie pour que sa semence pousse. La pluie ne vient pas, la mousson est retardée dans sa région. La récolte est perdue d’avance, comme le prédisait l’oisif qui vit à côté du champ de Kisan. Il faut replanter. Avec quelles graines achetées avec quel argent ? Maudite pluie ! est une analyse fictionnelle de cette problématique de la difficulté d’être paysan pauvre en Inde aujourd’hui.

Le voisin, endetté, vient de se suicider en se pendant dans un arbre au bout de son champ. La veuve attend l’indemnisation que fournira le gouvernement. Alka (Sonali Kulkarni), l’épouse de Kisna demande à la voisine quels furent les symptômes : il devenait de plus en plus silencieux, ne parlait jamais de ses soucis et n’avait plus que son champ comme obsession. Alka est inquiète puisque Kisna se referme sur lui-même. Elle fait en sorte que leur fils de sept ans Dinu (Veena Jamkar) le suive partout où il va et qu’il surveille son père. Il lui arrive de demander à la belle-mère (Aman Attar), mais elle s’endort chaque fois.

Le film joue alors sur ce suspense de manière retorse. Le père pense-t-il à se suicider ? Son mutisme est-il une manière de réfléchir ou un désespoir ? On sent bien que le cinéaste cherche à émouvoir avec cette histoire de paysans pauvres que les banques escroquent avec leurs prêts à des taux très élevés. Mais dans cette manière d’impliquer la fiston dans la surveillance du père, et évidemment d’en faire, éventuellement, le responsable de sa mort a quelque chose d’assez lourd. D’autant que le personnage du vagabond apparait comme une sorte d’oracle qui vante l’oisiveté et annonce les difficultés à venir.

Pour faire oublier ses soucis à son époux, Alka lui prépare des desserts. Mais au magasin, on rechigne à lui vendre les produits à crédit. L’époux va acheter des graines de coton, mais rien ne pousse. Il va falloir acheter à nouveau des graines et s’endetter encore plus. Autre mauvaise nouvelle, le puits du village commence à être à sec. Et enfin il pleut. Mais là, c’est l’inondation. Les malheurs s’accumulent et les solutions de débrouillard que trouvent Kisna sont sans cesse contrecarrées par la nature qui semble s’être liguée contre la famille. Le film tend vers une forme documentée bien éloignée des films indiens chantés qu’on peut voir. Mais le vrai souci est l’interprétation des acteurs assez faible qui gâche vraiment cette fiction qui aspirait à évoquer un douloureux problème.

Maudite pluie ! (The Damned rain, गाभ्रीचा पाऊस, Inde, 2009) Un film de Satish Manwar avec Girish Kulkarni, Sonali Kulkarni, Jyoti Subhash, Aman Attar, Veena Jamkar, Mukund Vasule, Madhukar Dhore, Rajesh More.