Il aura fallu trois ans à Stephen Chow pour faire un nouveau film. Trois ans pour faire oublier au public Crazy kung-fu (tâche difficile). Plutôt que de produire confortablement une suite à son film, Stephen Chow est allé vers d’autres histoires. Trois ans sans lui, cela veut dire aussi sans apparaître dans un aucun film réalisé par d’autres et prendre le risque de décevoir. Son aura actuelle lui permet d’espérer un succès énorme pour CJ7. Le film a déjà rassemblé, rien qu’à Hong Kong, plus de six millions de spectateurs.
Sans doute faut-il commencer par dire ce que CJ7 n’est pas. Chow renonce au burlesque nonsensique qui a fait sa gloire. Cela risque de décevoir ses fans occidentaux qui ne verraient en lui qu’un bouffon au comique irrésistible. CJ7 n’est pas non plus un remake cantonais de Flubber ou de ET. De plus, Chow n’apparaît pas dans CJ7 autant que dans ses films précédents. Comme si la star voulait désormais se consacrer essentiellement à la réalisation. Déjà cette tendance était visible dans Crazy kung-fu. Bref, Stephen Chow a choisi de ne pas faire du neuf avec du vieux. Le film est plus sombre que d’habitude, même si certains de ses films montraient sa part sombre.
Ti (Stephen Chow, qui joue pour la première fois un rôle de père) élève seul son jeune fils Dicky (Xu Jiao, une gamine de Chine, le rôle est paradoxalement tenue par une fille). Ti veut donner une belle éducation à son fils. Il va donc dans une école pour gosses de riche. Ti est très pauvre. Tout ce qu’il gagne va dans l’éducation de Dicky. Ti travaille dans un chantier, son patron (Lam Tze-chung, qui n’est présent que dans deux séquences) le traite comme un chien et le pousse à en faire toujours plus. Ti et Dicky habitent dans une maison délabrée (presque autant que celle de la famille de Charlie et la chocolaterie). Rien ne semble tenir debout. Ils n’ont bien sûr pas la climatisation et quand le père ramène un ventilateur, il ne fonctionne pas. Pauvreté extrême qui affecte Dicky : son uniforme d’élève est sale parce que sa maison n’est que gravas.
Dicky est le souffre-douleur de son professeur (Lee Sheung-ching) qui ne lui pardonne rien et surtout pas sa classe sociale. L’enfant est aussi constamment embêté par ses camarades d’école, tous plus riches et qui eux peuvent avoir les jouets qu’ils veulent. Ti ne peut rien offrir à son fils si ce n’est sa morale, ses valeurs et son amour paternel. Dicky veut un jouet, dans le magasin le vendeur les prend pour des voleurs. Le petit pleure. Ti va donc faire les poubelles pour trouver un cadeau et il tombe sur une sorte de ballon de foot-ball qu’il lui apporte.
Ce ballon n’en est pas un. C’est le CJ7 (cela évoque à la fois un jouet électronique et la rivière Yang Tsé) et c’est un extra-terrestre. Ti ne s’en aperçoit pas. Pourtant un reportage à la télé montrait dans la journée qu’un quidam disait avoir vu un OVNI. Le CJ7 va commencer à s’animer par la grâce des effets spéciaux (réussis par ailleurs). Dicky, d’abord effrayé, va apprivoiser la chose. L’extra-terrestre est un droïde, une adorable boule de poils blanc sur un minuscule corps vert comme de la gelée qui aime se faire caresser comme un toutou. Il va vite comprendre les possibilités du CJ7 et imaginer l’aide qu’il pourrait lui donner pour réussir à l’école.
Dicky n’est pas un brillant élève et le CJ7 va lui inventer des lunettes qui permettent de voir les copies de ses voisins, des chaussures qui lui offrent la force d’un surhomme. Mais entre le rêve et la réalité, il y a une grande différence. Le CJ7 n’a pas de tels pouvoirs et Dicky s’en débarrassera après l’avoir salement amoché. Mais le CJ7 se régénère et retourne dans le taudis de Ti. Dicky est tout content et fier d’amener son joujou à l’école mais c’est sans compter sur la méchanceté de ses camarades de classe.
Stephen Chow dans ses deux derniers films montrait deux groupes qui s’affrontaient. Les diverses équipes de foot-ball dans Shaolin soccer, les pauvres contre le gang des haches dans Crazy kung-fu. Dans CJ7, c’est un peu différent puisque Dicky est contre ses camarades de classe. Mais Stephen Chow ne fait rien comme tout le monde. Dans la classe se trouve une élève à la taille gigantesque mais à la voix d’enfant. Son affection pour les « monstres » est toujours vivace. Cette enfant géante, contrepoint idéal mais à peine humain du droïde, va défendre Dicky dans une courte scène de combat.
CJ7 n’est pas qu’un mélodrame, il évoque évidemment le néo-réalisme italien dans certaines scènes (Le Voleur de bicyclette) comme Crazy kung-fu rappelait Affreux sales et méchants. Les scènes sont comiques sont encore présentes, mais en moins grand nombre. Parfois facile (le CJ7 fait caca dans la main de Dicky), parfois visuel et sonore (la géante et sa voix), l’humour arrive toujours au milieu du drame sans crier gare. Les scènes les plus drôles sont celles entre l’enfant et Stephen Chow. Paradoxalement, cet humour verbal est méchant, le personnage de Monsieur Ti n’est pas très aimable parce que trop vertueux.
CJ7 est court, son récit est ramassé, son scénario basique. Il ne faut pas y voir une crise d’inspiration de la part de Stephen Chow. Sans doute, il ne s’est jamais autant livré que dans ce film où il semble raconter sa propre enfance. Le film se situe sur les lieux mêmes de son enfance. D’ailleurs, il n’y a que deux décors : la maison délabrée et l’école qui s’opposent par leurs aspects. On sait que Chow est issu d’une famille très pauvre. Tout le film peut être vu de manière strictement onirique comme si cet enfant c’était lui et qu’il imaginait ce que serait sa vie si une créature tombée du ciel allait à sa rencontre et l’aider à grandir. CJ7 est un film sur l’imaginaire débridé d’un enfant qui n’a jamais voulu grandir, et qui, une fois adulte, n’a jamais cessé de jouer comme un enfant.
CJ7 (長江7號, Hong Kong – Chine, 2008) Un film de Stephen Chow avec Stephen Chow, Xu Jiao, Kitty Zhang, Lee Sheung-ching, Fun Min-hun, Huang Lee, Yao Wenxue, Han Yong-wua, Lam Tze-chung, Hu Qianlin.
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