dimanche 17 février 2008

Trivial matters


Pang Ho-cheung est fou. Trois mois après Exodus, voilà déjà son nouveau film Trivial matters, comme si de rien n’était, sans se soucier d’un plan de carrière, juste pour le plaisir du cinéma. Et celui du spectateur.
Trivial matters est un film à sketches, ou à épisodes. Il y en a sept. Ils sont tirés d’histoires que Pang Ho-cheung a écrites. Le cinéaste doit être écrivain, auteur de nouvelles à Hong Kong. Je ne le savais pas. Il a adapté lui-même ses nouvelles pour son dernier film et, encore une fois, il étonne par la variété de son style, de plus en plus souverain, en dehors des modes, au-delà des canons du box-office. Pang Ho-cheung est un auteur, un grand cinéaste et il faut que cela soit écrit.
Dans un film à sketches, il y a forcément des choses moins bien, et dans Trivial matters il y a des parties moins réussies que d’autres. Mais celles qui sont réussies sont tellement passionnantes que j’en suis resté timide d’admiration. Il est par exemple facile de passer très vite sur le ketch Tak Nga où il y est question de planètes que l’on doit nommer.
On peut aussi faire l’impasse sur Civism, bien que le sketch soit l’un des plus drôles de la collection. Edison Chen essaie de draguer une fille en boîte de nuit. Sa méthode est simple mais triviale, voire vulgaire. Il affirme faire preuve de grand civisme puisqu’il pisse sur les bouts de merde restés collés dans les chiottes des lieux publics. La technique de drague est minable mais hilarante. La pauvre Stephanie Cheng se bouche le nez rien que d’imaginer la situation. Le spectateur est moins verni puisqu’il voit la pisse se déverser sur la merde. Ça n’a l’air de rien, mais c’est presque une révolution dans la comédie cantonaise. L’humour scato fonctionne à plein régime. C’est vraiment trivial.
Le film commence avec Vis Major, qui rappelle le dispositif d’Exodus, des plans séquence avec des personnages qui parlent. Et ils racontent leur vie sexuelle. Un couple raconte ses coïts. Jan Lamb (la voix du cochon MacDull) filme un professeur et son épouse, chacun à leur tour. Chacun reproche à l’autre son manque d’écoute, avec l’idée que le corps en dit beaucoup plus que les mots. Comme Jan Lamb ne les trouve pas assez sexy, la scène est reconstituée avec deux jeunes acteurs qui baisent nus. L’image contredit les propos des deux acteurs. Et c’est finalement cela que veut mettre en scène Pang Ho-cheung, une certaine misère sexuelle, et qui rappelle ses anciens films, Men suddenly in black, AV et Exodus.
Dans Trivial matters, Pang Ho-cheung propose quatre autres histoires plus élaborées. Toutes basées justement sur la solitude, sur l’attente d’une vraie proposition sexuelle. Cela put être du registre comique (It’s a festival today) où Eason Chan n’arrive pas à avoir de rapports sexuels avec sa fiancée ou du registre dramatique (Recharge) où Chapman To va voir une prostituée du continent et où il s’aperçoit qu’il est plus seul qu’elle malgré son exil.
Dans ces deux sketches, c’est le corps qui est filmé. Pang Ho-cheung avait déjà largement exhibé Chapman To dans Isabella, où il lui donnait une aventure sexuelle ambiguë avec sa fille et en faisait un corps incapable de se placer dans le décor ancien de Macao. Dans le sketch Recharge, To n’hésite pas à se mettre complètement à poil. Pang met en scène ce corps désormais massif de l’acteur face à celui frêle de la prostituée chinoise. On y parle, mine de rien, d’esclavage sexuel mais en se demandant qui est vraiment le maître de l’autre.
Le corps d’Eason Chan est lui aussi assez massif. L’acteur, avec ses cheveux bouclés, est à part dans le paysage hongkongais. Constamment en caleçon dans It’s a festival today, il parviendra à convaincre sa copine de lui tailler une pipe lors de chaque jour de fête. Parce que sucer c’est pas faire l’amour. Il sera pris au piège de son appétit sexuel dans un crescendo comique. Mais, comme pour le personnage de Chapman To, c’est la solitude que pointe Pang Ho-cheung.
Solitude encore pour le personnage de Ah Wai interprétée par une Gillian Chung qui porte des lunettes. Ah Wai est ce qu’on appelle une ringarde. Elle n’a pas d’amis. Kate (Stephy Tang), sa pseudo meilleure amie discute avec elle, mais de choses sans intérêt. Elles vont chanter une chanson d’une vedette (genre Leslie Cheung) au karaoké, mais elles chantent faux. Contre toute attente, Ah Wai va réussir sa vie. Alors que rien ne semblait aller vers son bonheur. Elle rencontre un jeune garagiste tatoué qui se promène toute la journée torse nu. Un jeune loubard apparemment, mais en fait un mec bien. Quant à Kate, elle rate tout à fait sa vie. L’inversion des destins des deux adolescentes est remarquablement mise en scène avec une rigueur impeccable. Ah Wai the « Big Head » est le sketch le plus réussi de Trivial matters.
Petit à petit, le film s’emplie de mélancolie, d’une ambiance douce-amère. Jusqu’au dernier sketch Junior où un représentant de commerce vient rencontrer un homme d’affaires. Ce qu’il propose est un programme de tueur à gages avec un crime gratuit tous les 12 assassinats. Ce sera Shawn Yue le tueur « junior » et Conroy Chan la future victime. On y fume du cannabis dans un bang et ils s’amusent ensemble. Par son ton, par le choix des musiques, ce sketch évoque Tarantino période Pulp fiction.
Trivial matters est grand sous une apparence modeste. On ne sait pas où ira maintenant Pang Ho-cheung. S’il était besoin de le dire, sa maîtrise est désormais totale. Ses choix (sujets, acteurs, chansons, musique, cadres, narration) sont ceux d’un immense cinéaste. Putain, ça fait du bien.
Trivial matters (破事兒, Hong Kong, 2007) Un film en 7 sketches de Pang Ho-cheung avec Jan Lamb, Chan Fat-hung, Kristal Tin (Vis Major), Edison Chen, Stephanie Cheng (Civism), Eason Chan, Isabel Chan, Chapman To (It’s a festival today), Kenny Kwan, Angelababy, Patrick Tam (Tak Nga), Stephy Tang, Gillian Chung, Juno Mak (Ah Wai the « Big Head »), Eason Chan, Chapman To, Zhang Zheng (Recharge), Feng Xiaogang, Peter Kam, Shawn Yue, Conroy Chan (Junior).

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