C’est un film qui revient de loin. Présenté en 2002 au Festival de Cannes, section Un certain regard où je l’avais vu, Cry woman, comme on l’appelait alors, sort six ans plus tard. Son cinéaste, Liu Bianjian, n’est pas en odeur de sainteté en Chine et à l’organe officiel du cinéma bien pensant de Pékin. Son premier film Le Protégé de Madame Qing, tourné en 1999 avait mis deux ans pour sortir en France malgré ses qualités. Ce premier film parlait d’homosexualité sous un jour positif pour les gays et très critique envers l’hypocrisie des autorités chinoises concernant l’homosexualité. Conséquence : aucun financement officiel. Les Larmes de Madame Wang a donc été tourné clandestinement avec des fonds français et coréens. A ce rythme-là, son dernier film Plastic flowers (2004) devrait arriver chez nous en 2016.
La pleureuse du titre c’est donc Madame Wang (Liao Qin, excellente) et le chemin pour arriver à ce métier dans sa ville natale ne doit rien au hasard. Elle habitait à Pékin avec son mari, chômeur et joueur impénitent de mahjong. Comme il joue de l’argent, il a des dettes. Il attend que sa femme ramène de l’argent pour rembourser. Elle vend à la sauvette des VCD pirates et pour passer inaperçue, elle « emprunte » la fillette de sa voisine. Mal leur en a pris. La voisine est partie en abandonnant sa gamine et le mari a crevé l’œil d’un de ses comparses de mahjong. Pour lui, direction la prison. Pour elle, sa ville natale. Mais l’épouse du gars blessé demande que Madame Wong paie les frais d’hôpitaux. Elle va devoir travailler.
Dans son coin perdu de Chine, elle va retrouver son ancien petit ami, marié depuis. Il tient un magasin de pompes funèbres. Comme elle se lamente, elle va devenir pleureuse lors des enterrements. Elle a toute une grille de tarifs selon la chanson que la famille du défunt exige. Son ex va trouver des « clients » partout où ils pourraient se trouver, notamment à l’hôpital. Les affaires commencent à bien marcher et tout le monde veut Madame Wang. Mais la dame a bien mauvais caractère et on lui reproche parfois de ne pas pleurer pour de vrai. De plus, elle est devenue la maîtresse de son ex. Elle a une très mauvaise réputation auprès des villageois qui la traitent de tous les noms.
Dans Les Larmes de Madame Wang, il n’y a pas un personnage pour rattraper l’autre. Tous sont menteurs, tricheurs et vénaux. Personne n’est épargné et sûrement pas les autorités, comme le chef de la police qui après une conversation sur la loi anti-corruption accepte de l’argent de Wang et plus si affinités. Le film plonge dans un monde sans solidarité où seul compte l’argent que l’on peut se faire. Quand le patron des pompes funèbres propose à Wang de pleurer à l’enterrement d’un chien, après quelques hésitations, elle y va, car après tout, elle ne pleure pas pour de vrai. La charge de Liu Biangjian est d’autant plus forte qu’elle se fait avec une bonne d’humour pince sans rire. On y rit jaune plus d’une fois. Il faut dire que Liao Qin dans ce rôle donne à Madame Wang la figure d’une femme exaspérante mais tellement humaine. Il est tout à fait compréhensible que le Bureau du Cinéma Chinois déteste cette vision de
Les Larmes de Madame Wang (Cry woman, 哭泣的女人, France – Corée – Chine – Canada, 2002) Un film de Liu Bianjian avec Liao Qin, Wei Xingkun, Li Longjun, Zhu Jiayue, Weng Jing
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