John Woo et Chow Yun-fat se sont offert un dernier film avant de partir à Hollywood bousiller leur carrière. Le premier à la production, le second au scénario et en tant qu’interprète principal. Ils ont confié leur film d’adieu à Wai Ka-fai, jeune scénariste à l’époque. Peace Hotel est un bon film avec des partis pris formels intéressants.
L’hôtel de
L’homme n’a pas de nom, la voix off qui ouvre le film grâce à un flash back en noir et blanc le surnomme le Tueur. L’allusion est transparente d’autant que l’on aperçoit quelques volatiles, colombes ou pigeons, s’envoler tandis qu’il tue tout son monde. La dernière partie du film montre aussi Chow Yun-fat en train de dézinguer les méchants à l’aide d’une bonne grosse mitraillette. Entre ces deux moments, Peace Hotel restera dans cet hôtel, montrera pourquoi les bandits sont là et réservera quelques pirouettes scénaristiques.
Passé le flash back introductif, Peace Hotel ouvrira ses portes à un personnage féminin haut en couleur qui apportera un grain de folie au lieu et qui mènera à l’attaque des bandits. Là non plus, on ne sait pas qui est cette femme interprétée par Cecilia Yip, une actrice aujourd’hui en retrait de l’industrie. Le Tueur n’est pas là. Il est parti chercher du ravitaillement en ville. La femme arrive, joue la grande dame et se fait passer, avec un culot incroyable, pour la femme du Tueur. Il l’attendrait depuis tout ce temps. Quand il revient, il comprend la supercherie, mais elle s’acharne à raconter des bobards, à mettre en scène sa vie, à s’inventer un passé plus légendaire que véridique. Les souvenirs ne passeront pas par des flashes back visuels, mais par les dialogues. Autant dire que cela apporte au film de grands moments de drôlerie.
Tout ce manège va être interrompu par la révélation de ses mensonges. Les autres habitants de l’hôtel vont lui faire payer. De grande dame, elle va passer à la pauvre boniche. Puis vont arriver les méchants qui veulent lui faire la peau. Là, Peace Hotel se transforme en western et réussit le tour de force de nous amener dans le grand ouest américain. Les méchants (nombreux) sont à cheval, ils portent des chapeaux de cow-boys, ils sont armés de fusils et font faire le siège de l’hôtel, comme dans un bon vieux film de John Ford. Comme on est dans un film de Hong Kong, il y aura quelques bastons façon art martial, mais la recette va prendre.
Les deux acteurs principaux sont magnifiques. Chow Yun-fat ne se parodie pas mais n’est pas dupe de la caricature qu’il porte dans les films de John Woo qui ont fait sa gloire dans la décennie écoulée. Gloire qui va l’amener aux Etats-Unis mais qui va se transformer en cauchemar. Cecilia Yip en belle plante fière apporte une note d’humour incroyable, mais c’est une femme bafouée et si elle s’invente, c’est pour masquer la honte de sa vie passée. La galerie des bandits est assez bien vue avec des personnages (hommes et femmes) qui changent d’avis selon les situations. Les méchants n’existent pas en tant qu’individus, ils ont à leur tête une teigne dont on apprendra dans la dernière partie les motivations profondes.
Wai Ka-fai tourne ici son premier film avec un certain aplomb. L’image est soignée (les teintes sont beiges, couleur sable) et le rythme soutenu, passant de la comédie au western avec aisance. C’est un film de commande. On peut éventuellement lire le message de John Woo et Chow Yun-fat : ils seraient des gentils à Hong Kong malgré leurs films de triade. Les méchants qui attaquent leur petite entreprise seraient des envahisseurs venus d’ailleurs. Un autre film sur l’angoisse de la rétrocession.
Peace Hotel (和平饭店, Hong Kong, 1995) Un film de Wai Ka-fai avec Chow Yun-fat, Cecilia Yip, Ho Chin, Shun Lau, Annabelle Lau, Gary Mak, Lawrence Ng, Wu Chien-lien.
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