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AsieVision - parce que le cinéma de Hong Kong mérite de vraies critiques...
Je ne parle de ce film que parce qu’il y a Corey Yuen au générique en tant que chorégraphe des combats. Ce n’est peut-être pas une raison suffisante compte tenu de la faible teneur de combats dans ce film d’action signé Olivier Megaton (on admire le pseudo qui peut vite se transformer en megacon) sur un scénario de Luc Besson.
Bref, c’est encore l’histoire de Frank Martin qui doit transporter un colis, et encore une fois c’est une fille. Elle est ukrainienne dans cet épisode et Frank va mettre une heure à comprendre que c’est elle le colis. Pourquoi pas ? Mais il devrait être habitué à force. Et hop, c’est parti pour un voyage dans l’Europe : on commence par l’Allemagne, on va vite en Roumanie, on renverse quels étals de marché – ça marche toujours les étals de marché, surtout en Roumanie, ils ont plein d’orange à vendre – et on finit en Ukraine. Le motif de la livraison est simple. Notre jeune ukrainienne est la fille du ministre de l’environnement et elle a été enlevée par des mafieux qui aiment la pollution.
Besson a regardé Hyper tension puisqu’il fait de Jason Statham, non plus un prisonnier du temps (il avait une heure pour ne pas mourir et courrait dans tous les sens, c’était génial) mais de sa voiture. Idée idéale pour faire de la pub pour cette marque automobile le personnage principal du Transporteur 3. S’il s’éloigne de la bagnole, Jason explose. Comme ça la caisse est de tous les plans. Le film fonctionne sur un mode très simple : Jason et l’Ukrainienne discutent dans la voiture, puis ils s’arrêtent, des méchants arrivent, Jason se bat et ils repartent.
Donc, Corey Yuen et les combats. Du banal, du très banal. Mais Megaton les filme tellement mal que tout devient illisible. Il y a vraiment un plan toutes les secondes. Bien entendu, on comprend que Jason est au centre de l’action. Je retiendrai la scène dans un garage bavarois où Jason enlève ses fringues pour foutre leur raclée aux ennemis. Sinon, le film est un monument d’ennui, les blagues sont bas de plafond. On dirait même qu’ils tentent de recycler les fondamentaux de la franchise en laissant penser que ce sont des classiques. La franchise Transporteur, un classique ? Allons bon, quelle naïveté !
Enfin, ce qui ressort, c’est qu’on est loin d’autres films d’action actuels qui essaient de se projeter dans le monde d’aujourd’hui en intégrant les grands conflits mondiaux ou la lutte des classes. Là, la pollution reste très une simple hypothèse. Besson et Europacorp ne sont plus du tout dans l’air du temps. On appelle ça des ringards.
Le Transporteur 3 (France, 2008) Un film d’Olivier Megaton avec Jason Statham.
Comme son titre l’indique bien, c’est autour de la famille que tourne le sujet du nouveau film de Wang Xiaoshuai, cinéaste chinois spécialiste des festivals où la plupart de ses films sont repartis avec des récompenses. Une famille chinoise a d’ailleurs reçu à Berlin cette année l’Ours d’argent du meilleur scénario. Le titre en chinois signifie « gauche, droite », ce qui se rapporte à la première séquence où le personnage de la mère de famille indique au conducteur quelle direction prendre.
C’est justement l’enjeu du film. Quelle direction doivent prendre les parents de Hehe, un petite fille atteinte de cancer. Sans greffe de moelle épinière, ses chances de vie sont très limitées. La mère de Hehe a divorcé et s’est remariée. Avec son deuxième mari et sa fille, elle vit dans un immeuble d’une ville nouvelle, Shanghai sans aucun doute. La ville est triste, on ne quittera pas les barres d’immeubles déshumanisantes. La pollution atmosphérique est visible. La famille mène une vie qui va devenir morne une fois la maladie de la fillette décelée.
Le père de Hehe n’est pas compatible, la mère non plus. Il a également une nouvelle femme dans sa vie. Là, va se poser une question pour sauver l’enfant, comment faire pour trouver un donneur ? Les deux parents biologiques vont donc aller à l’hôpital pour faire une insémination in vitro, avec comme objectif de donner un petite sœur ou frère à Hehe. Mais malheureusement, après trois tentatives, la mère ne se retrouve toujours pas enceinte.
Auparavant, il aura fallu convaincre les conjoints respectifs. Le deuxième mari est prêt à s’effacer pour rendre la santé à sa fille adoptive. C’est un personnage touchant. Il a toujours le sourire mais on sent bine son malaise face à la situation. Dès qu’une discussion s’entame, il part acheter un paquet de cigarettes. Sou sourire de façade, il le gardera constamment pour aider sa famille. Quant à la nouvelle épouse, elle refuse catégoriquement jusqu’à ce qu’elle voit l’enfant.
Wang Xiaoshuai, avec un sujet aussi mélodramatique, parvient à constamment rester sobre dans sa mise en scène. Il n’utilise jamais d’effets dramatiques mais laisse au contraire le temps aux personnages de comprendre les situations. Il laisse du temps aux scènes, pour que le drame se noue et se dénoue. On est loin du soap apéra, même si le père pense que sa vie ressemble à une série télé.
Une famille chinoise est un film lent, souvent sombrement éclairé, sans musique mais constitué de beaux plans. Je retiendrai celui de la conversation entre les deux époux où chacun est flou à tour de rôle, comme pour signifier que leur vie est troublée. On peut y voir une critique de
Une famille chinoise (左右, Chine, 2007) Un film de Wang Xiaoshuai avec Liu Weiwei, Zhang Jiayi, Chen Taisheng, Yu Nan, Zhang Chuqian.
C’est un beau livre, comme il s’en fait peu. Abondamment et richement illustré : chaque article est accompagné de plusieurs photos de grande qualité et, parfois, couvrant une page entière. C’est un ouvrage collectif dirigé par Adrien Gombeaud, rédacteur à la revue mensuelle de cinéma Positif. Les auteurs des articles viennent de différents pays, beaucoup sont français (et pas mal de la chapelle Positif, justement), mais d’autres proposent leur vision de l’intérieur même de l’industrie.
Dans son introduction, Gombeaud pose le vrai problème d’un dictionnaire du cinéma asiatique, soit qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire. « Cinéma asiatique » ou « cinémas d’Asie », questionne-t-il avec raison et sa réponse est judicieuse. Donc, les cinémas d’Asie, du Pakistan à
Ce qui frappe le plus quand on feuillette, puis qu’on lit, le dictionnaire, c’est une impression que l’ouvrage est complet, qu’il ne manque rien. C’est un travail de fond de ne pas mettre le superflu mais, au contraire, l’essentiel. C’est un travail éditorial qui permet au dictionnaire de dépasser l’idée de « cinéma asiatique pour les nuls », pour reprendre le titre de ces ouvrages d’initiation à la mode.
De A l’est des rails à Preity Zinta, les entrées sont évidemment d’ordre alphabétique, ce qui évite de privilégier tel article. Encore une fois, l’effort fait pour évoquer les nations méconnues (Pakistan, Népal, Viet Nam, Laos, Indonésie) est essentiel et remarquable. En environ quatre pages, les grands mouvements de chaque nation sont abordés. Cela vaut aussi pour les pays les plus connus (Japon, Hong Kong, Chine, Thaïlande), mais on sait que pour ces cinémas, il existe des ouvrages très complets. Comprendre les différentes évolutions du cinéma dans chaque coin d’Asie montre que les disparités sociales, politiques et économiques ont provoqué, au fil des décennies, des disparités.
Parfois le cinéma devient un pur moyen de propagande (Chine, Corée du Nord), parfois un tremplin pour la politique (Inde), souvent une expression artistique, et c’est bien le moins. De ce point de vue, choisir qui est le plus représentatif pour chaque nation est une gageure. Les meilleurs portraits sont ceux qui illustrent l’Inde, surtout ceux écrits par Ophélie Wiel et par Kartik Singh, qui nous fait partager sa passion pour quelques divas locales et quelques films que l’on aimerait voir.
A l’inverse, le cinéma de Corée du Sud est sans doute trop abondamment analysé, parfois en doublon. Il n’était pas nécessaire d’écrire un article à la fois sur Fantasmes et sur son réalisateur. Cela vaut aussi pour Kim Ki-duk et son Locataires, annoncé comme son film somme, mais Kim est-il un si grand cinéaste que ça. Plus irritantes, les textes sur les actrices de Hong Kong, comme celui sur Cecilia Cheung où l’auteur passe deux paragraphes sur sa vie privée, dont on se moque. Il aurait été préférable de parler de sa voix unique dans le cinéma cantonais.
Quelques films sont analysés, quelques veut dire peu. Beau texte sur Le Roi des moghols, intéressante analyse des différents Devdas, fine critique du film somme
On apprend beaucoup de choses. Au détour des pages, le portrait de Shu Qi est encadré par un texte sur Sholay et un article sur Norodom Sihanouk, le roi cinéaste du Cambodge. Plus en avant, on lira l’influence du tyran Kim Jong-il et sur le cinéma nord coréen. On découvrira qui est l’actrice Rekha, qu’en Indonésie l’acteur Nico Saputra est une star malgré son jeune âge, que les Laotiens se passionnent pour les soap thaïs, qu’en Inde on tourne autant de films en telugu qu’en hindi. Et bien d’autres choses encore qui font de ce dictionnaire du cinéma asiatique plus qu’un beau livre, un livre passionnant.
Dictionnaire du cinéma asiatique, sous la direction d’Adrien Gombeaud, Editions Nouveau monde, 640 pages, 49 €.
Shawn Yue est décidemment l’acteur de l’année, en tout cas depuis qu’Edison Chen n’est plus en odeur de sainteté. Les acteurs de ce gabarit – grand, élancé, belle gueule – ne sont plus légion aujourd’hui. Daniel Wu est en vacances. Il n’y a que Louis Koo pour concurrencer Shawn Yue. Il a tourné dans cinq films cette année. Pas mal pour un gars qu’on disait particulièrement mauvais comédien. Et justement, à propos de mauvais comédien, Ekin Cheng est là, prêtant son corps à cette fiction très inspiré des films des frères Pang. Il est donc en terrain connu.
Ekin Cheng, qui a pris quelques kilos pour le rôle, joue un flic alcoolique qui dirige une sorte de service policier qui évoque les affaires de X Files. Le bureau s’appelle Miscellaneous Affairs Department, soit en acronyme MAD. Shawn Yue va être affecté dans ce service après avoir passé quelques temps dans le coma. Il s’était fait agressé par un tueur lors d’un simple contrôle de routine. Or, le fantôme de la victime vient défendre le policier. Oui, Shawn Yue voit des gens morts. Très vite, les deux flics comprennent qu’un fantôme se décline en virus et qu’il infecte des innocents. Une enquête est lancée où les deux hommes tentent de discerner la réalité et le surnaturel.
Très vite, c’est l’ambiance du MAD qui séduit. Ekin Cheng et Shawn Yue travaillent dans une pièce qui ressemble à une cave. Un troisième larron est là, il fait constamment des pyramides avec des bouts de bois, il ne dit jamais rien jusqu’à ce que le téléphone sonne. Là il se déplace en fauteuil roulant. Ekin Cheng apprend la règle N°1 : « les fantômes n’existent pas ». Fausse règle bien entendu, les fantômes existent et le MAD est là pour s’en débarrasser, mais pour la population, il n’y a pas de fantômes. On navigue dans un flou assez plaisant pas très éloigné de Mad detective (justement). Après tout, qui nous que tout ce que voient les flics n’est pas une pure vue de leur esprit dérangé.
Quand Rule #1 veut faire peur, il réussit à faire peur. De manière classique certes avec des gros sons, des plans cut de fantômes qui viennent rompre le calme, mais ça marche. Je le redis encore et encore, Shawn Yue devient au fil du temps un acteur correct. Son air hébété apporte au suspense du film. Ekin Cheng est sobre en flic fini et dérangé. Le film s’écroule dans sa fin avec une résolution de l’énigme convenue.
Rule #1 (第一誡, Hong Kong, 2008) Un film de Kelvin Tong avec Ekin Cheng, Shawn Yue, Stephanie Che, Fiona Xie.
"Ce dictionnaire accessible et abondamment illustré réunit une équipe internationale des meilleurs spécialistes du cinéma asiatique, de l’Inde au Japon, en passant par le Pakistan,
Les amateurs comme les néophytes y trouveront les grands films qui ont marqué leur époque, d’un point de vue esthétique, politique ou social, les grandes figures (acteurs, réalisateurs, producteurs), les principaux genres et courants, les grands studios, etc.
Cette formule éclectique qui a fait le succès des précédents dictionnaires parus chez Nouveau Monde éditions permet pour la première fois de comprendre le cinéma asiatique comme un tout avec ses grands mythes plutôt que comme une addition de genres locaux.
Première synthèse sur le cinéma asiatique dans son ensemble, ce dictionnaire permet de montrer les circulations de genres, mythes et vedettes entre différents cinémas, ainsi que les influences transnationales."
640 pages, 49 €
Ce qu’il y a de formidable dans les parodies, c’est que l’on peut y mettre absolument n’importe quoi et son contraire. C’est ce qui rend le genre assez monstrueux. Surtout quand Wong Jing s’en mêle et qu’il utilise le fond de commerce des Infernal affairs pour faire le scénario de Love is a many stupid thing. Le titre chinois peut se traduire par « la chasse aux filles bien roulées », ce qui en dit déjà plus long que le titre anglais.
Donc, le scénario de la trilogie d’Andrew Lau et Alan Mak est recopié avec beaucoup d’application. Wong Jing va jusqu’à donner à Eric Tsang le même personnage. Du coup, on a l’étrange impression d’être dans une mise en abyme. Tsang se parodie et il se moque de son propre travail. Chapman To reprend le rôle de Shawn Yue (c’est-à-dire de Tony Leung Chiu-wai jeune recrue), or Shawn Yue joue dans le film le personnage qu’interprétait Chapman To. Mais Lam Tze-chung joue un personnage qui ressemble à celui de Chapman To. On redistribue les cartes. Et encrore quoi ? Nat Chan reprend le rôle d’Anthony Wong. Raymond Wong Ho-yin reprend le personnage d’Andy Lau. Quant à Tony Ho, comme dans Infernal affairs, il est un gangster. Mais un gangster gay qui cherche à choper Raymond Wong Ho-yin. Voilà, personne n’est obligé d’avoir vu la trilogie en entier ou en morceaux pour aimer ou pas Love is a many stupid thing, mais ça aide à voir où est censé être l’humour.
Une comédie de Wong Jing ne serait rien sans les filles. Là, elles sont cinq, évidemment toutes sublimes. Elles sont censées être attirées par le trio To, Lam et Yue, ce qui en dit long sur les intentions du cinéaste. Il s’agit bien d’affoler les spectateurs mâles de base. Pourquoi pas, certes mais l’humour d’en dessous de la ceinture demande une certaine subtilité. Alors quand les garçons se déguisent en filles et parodient Satreelex, on tombe dans le graveleux à la limite de l’homophobie. Bref, tout cela est très bas de plafond, mais qui suis-je pour juger ?
Love is a many stupid thing (精裝追女仔2004, Hong Kong, 2004) Un film de Wong Jing avec Shawn Yue, Chapman To, Lam Tze-chung, Eric Tsang, Raymond Wong Ho-yin, Nat Chan, Race Wong (2R), Rosanne Wong (2R), Belinda Hamnett, Teresa Mak, Iris Wang, Candice Yu, Miu Kiu-wai, Max Mok, Tong Chun-yip, Cheung Kwok-keung, Feng Tsui-fan, Jerry Lamb, Matt Chow, Tony Ho, Angie Cheong, Zuki Lee, Teresa Li, Shirley Hung, Gobby Wong, Eddie Pang (EO2), Carmen Yeung.
Entre Mad detective et Sparrow, Johnnie To a tourné Linger. Dans son intention annoncée il y a quelques mois de changer de style et d’abandonner le polar, on se demandait vers quoi il pourrait se tourner. Ce film pourrait donner une réponse et ça n’augure pas du meilleur.
Yan (Li Bing-bing) sort avec Dong (Vic Chou, un chanteur de cantopop qui tente de se reconvertir dans le cinéma). Dong est le chef de l’équipe de basket et sa liaison doit rester secrète auprès des autres étudiants. Ça ne plaît guère à Yan. Ils se disputent. Elle part en voiture et lui la suit en moto (on remarquera que le niveau social est élevé chez ces étudiants). Un accident de la route les surprend et Dong meurt.
Trois ans plus tard, Yan travaille dans un cabinet d’avocats tenu par Maggie Siu. Elle vit en colocation avec Lam Suet. Soudain, elle est prise d’hallucinations et se met à voir Dong. Et ce dernier va lui parler, va rentrer dans sa vie de plus en plus. Elle consulte un psy (Roy Cheung) qui ne sait pas quoi en penser. Entre alors en scène un autre personnage, Luk (Wong You-nam) que le cabinet défend. Une étrange relation se lie entre Yan et lui, d’autant qu’il connaît le père de Dong.
Entre flashes back de la vie entre Dong et Yan et action linéaire, le scénario de Ivy Ho se contente d’émettre les sentiments des personnages. Luk sait beaucoup de choses mais comment les sait-il ? Que vient-il faire dans la vie de Yan ? Il doit être là pour remplacer Dong, mais Yan n’en veut pas. Elle préfère garder ses vieux souvenirs remplis de douleur, quitte à ne jamais être heureuse.
Johnnie To avait déjà abordé le thème de l’amour au-delà de la mort. C’était dans My left eye sees ghosts, mais le ton était celui de la comédie burlesque. Linger se contente d’égrainer les clichés romantiques comme dans un film de Jingle Ma. Et si l’ambition prochaine du cinéaste était plutôt de conquérir le marché continental chinois ? C’est sans doute cela sa nouvelle direction, c’est pour cela que Linger est parlé en mandarin. On s’ennuie ferme et on attend la suite.
Linger (蝴蝶飛, Hong Kong, 2007) Un film de Johnnie To avec Li Bing-bing, Vic Chou, Lam Suet, Maggie Siu, Yong You, Roy Cheung, Wong You-nam, Fong Yi-kei.