mercredi 19 novembre 2008

Dictionnaire du cinéma asiatique : à acheter, à lire, à offrir

C’est un beau livre, comme il s’en fait peu. Abondamment et richement illustré : chaque article est accompagné de plusieurs photos de grande qualité et, parfois, couvrant une page entière. C’est un ouvrage collectif dirigé par Adrien Gombeaud, rédacteur à la revue mensuelle de cinéma Positif. Les auteurs des articles viennent de différents pays, beaucoup sont français (et pas mal de la chapelle Positif, justement), mais d’autres proposent leur vision de l’intérieur même de l’industrie.


Dans son introduction, Gombeaud pose le vrai problème d’un dictionnaire du cinéma asiatique, soit qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire. « Cinéma asiatique » ou « cinémas d’Asie », questionne-t-il avec raison et sa réponse est judicieuse. Donc, les cinémas d’Asie, du Pakistan à la Corée du Nord, de la Mongolie à l’Indonésie, du Népal au Cambodge, pour ne donner que les nations dont pratiquement aucun film ne sont venus jusqu’à notre Europe. L’auteur avertit également que le dictionnaire ne sera pas exhaustif et que le choix de ces 420 entrées fera des frustrés. En effet, il y manque de nombreux noms d’acteurs ou de réalisateurs que l’on aime, que l’on défend. Chacun peut faire sa propre liste de noms.


Ce qui frappe le plus quand on feuillette, puis qu’on lit, le dictionnaire, c’est une impression que l’ouvrage est complet, qu’il ne manque rien. C’est un travail de fond de ne pas mettre le superflu mais, au contraire, l’essentiel. C’est un travail éditorial qui permet au dictionnaire de dépasser l’idée de « cinéma asiatique pour les nuls », pour reprendre le titre de ces ouvrages d’initiation à la mode.


De A l’est des rails à Preity Zinta, les entrées sont évidemment d’ordre alphabétique, ce qui évite de privilégier tel article. Encore une fois, l’effort fait pour évoquer les nations méconnues (Pakistan, Népal, Viet Nam, Laos, Indonésie) est essentiel et remarquable. En environ quatre pages, les grands mouvements de chaque nation sont abordés. Cela vaut aussi pour les pays les plus connus (Japon, Hong Kong, Chine, Thaïlande), mais on sait que pour ces cinémas, il existe des ouvrages très complets. Comprendre les différentes évolutions du cinéma dans chaque coin d’Asie montre que les disparités sociales, politiques et économiques ont provoqué, au fil des décennies, des disparités.


Parfois le cinéma devient un pur moyen de propagande (Chine, Corée du Nord), parfois un tremplin pour la politique (Inde), souvent une expression artistique, et c’est bien le moins. De ce point de vue, choisir qui est le plus représentatif pour chaque nation est une gageure. Les meilleurs portraits sont ceux qui illustrent l’Inde, surtout ceux écrits par Ophélie Wiel et par Kartik Singh, qui nous fait partager sa passion pour quelques divas locales et quelques films que l’on aimerait voir.


A l’inverse, le cinéma de Corée du Sud est sans doute trop abondamment analysé, parfois en doublon. Il n’était pas nécessaire d’écrire un article à la fois sur Fantasmes et sur son réalisateur. Cela vaut aussi pour Kim Ki-duk et son Locataires, annoncé comme son film somme, mais Kim est-il un si grand cinéaste que ça. Plus irritantes, les textes sur les actrices de Hong Kong, comme celui sur Cecilia Cheung où l’auteur passe deux paragraphes sur sa vie privée, dont on se moque. Il aurait été préférable de parler de sa voix unique dans le cinéma cantonais.


Quelques films sont analysés, quelques veut dire peu. Beau texte sur Le Roi des moghols, intéressante analyse des différents Devdas, fine critique du film somme La Condition de l’homme, beaux passages en revue des Tora San et des Zatoichi. Sinon, que des films sortis ces dix dernières années et souvent des choix bien anecdotiques (encore le cinéma coréen). Ou presque. Enfin, quelques chefs d’œuvre japonais sont chroniqués : des films de Kurosawa, Ozu, Mizoguchi ? Oui.


On apprend beaucoup de choses. Au détour des pages, le portrait de Shu Qi est encadré par un texte sur Sholay et un article sur Norodom Sihanouk, le roi cinéaste du Cambodge. Plus en avant, on lira l’influence du tyran Kim Jong-il et sur le cinéma nord coréen. On découvrira qui est l’actrice Rekha, qu’en Indonésie l’acteur Nico Saputra est une star malgré son jeune âge, que les Laotiens se passionnent pour les soap thaïs, qu’en Inde on tourne autant de films en telugu qu’en hindi. Et bien d’autres choses encore qui font de ce dictionnaire du cinéma asiatique plus qu’un beau livre, un livre passionnant.


Dictionnaire du cinéma asiatique, sous la direction d’Adrien Gombeaud, Editions Nouveau monde, 640 pages, 49 €.



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