A 90 ans, Joris Ivens retourne en Chine avec une idée utopiste, celle de filmer le vent, donc l’invisible. Après tout, Ivens en a bien le droit et ce n’est pas la première fois qu’il essaie de capturer le vent. Et l’invisible tout autant, ne serait-ce que filmer une révolution en marche comme dans la plupart de ses films. Une histoire de vent est surtout un prétexte pour retourner en Chine et constater ce que le pays est devenu plus de quinze ans après la Révolution Culturelle que les deux cinéastes ont tant vanté. Le vent est un leitmotiv, ou un MacGuffin, pour revenir sur la vie de Joris Ivens.
Le film commence avec des images d’un moulin hollandais dont les ailes sont mues par le vent. Un garçonnet s’est construit un avion et veut s’envoler pour la Chine, pays de l’exotisme par excellence pour un enfant européen des années 1910. La musique de Michel Portal, toute en fugue, accompagne les images. Et nous retrouvons Joris Ivens, en gros plan, sur son visage buriné mais serein de vieux sage. Autre vieillard tout aussi jeune, cet homme qui enseigne le kung-fu aux jeunes générations. Il explique que tout vient du souffle. Ivens confie qu’il est asthmatique.
Le Bouddha aux mille mains et aux mille yeux.
Un autre Bouddha.
Sautant du coq à l'âne dans son voyage en Chine, Ivens n'arrive toujours pas à percer les mystères du vent. Un forgeron lui confectionne le masque du vent qu’il faut dresser pour le faire venir. C’est la confirmation qu’Ivens s’intéresse pour la première aux valeurs populaires chinoises.
En échange du masque de fer forgé, Joris Ivens offre une copie de son film Les Barbants (1928), une de ses rares fictions qui marquait sa première tentative de filmer le vent. On en découvre un extrait.
Toute l’équipe part dans les montagnes avec l’espoir de capturer l’image du vent. Les porteurs sont filmés. Ivens est porté dans une chaise puisqu’il est trop âgé pour gravir seul les flancs montagneux. Cela lui rappelle certains passages des résistants chinois dans Les 400 millions (1938) dont on voit un extrait.
Les blés fous.
Joris Ivens cherche à filmer les guerriers en terre cuite. Là, il doit faire face à un administration particulièrement tatillonne. Un bureaucrate ne lui offre que dix minutes de tournage ce qui met mal à l’aise les cinéastes. Les négociations durent une semaine jusqu’à ce qu’Ivens les rompe. Epuisé par tant de palabres, Ivens trouve une solution de remplacement.
Dans un geste d’une belle jeunesse, le sourire jusqu’au dents, Ivens va filmer des soldats en terre cuite miniatures et des figurants déguisés. Son geste est fou mais c’est un des plus beaux moments du film. Puisqu'il ne cesse de reconstituer le passé, il peut également recréer les soldats.
Dans le désert, le vent n’arrive pas. Ivens fait donc appel à une vieille femme qui s’apparente à une sorcière. Le vent arrive enfin emportant tout avec lui. Joris Ivens sourit. Le mot FIN apparaît. C’est le dernier film du cinéaste.
Une histoire de vent (France – Pays-Bas – Chine – Allemagne, 1988) Un film de Joris Ivens et Marceline Loridan avec Joris Ivens, Han Henxiang, Liu Guilian, Liu Hongyu, Liu Zhuang, Marceline Loridan, Wang Hong.
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