Lover’s discourse est l’un des plus beaux films sortis ces six derniers mois. Derek Tsang fait ses premiers pas de réalisateur en compagnie de Jimmy Wan sous l’œil bienveillant de Pang Ho-cheung, producteur de cette comédie romantique mais finalement fort peu à l’eau de rose. Derek Tsang s’était exercé dans les films de Pang Ho-cheung en tant qu’acteur notamment dans AV, Jimmy Wan a scénarisé trois films du cinéaste aux styles très différents, Isabella, Exodus et Dream home. Le film semble adopter la forme d’un film à sketches, il sera finalement un film choral.
Le film est lancé par Ray (Eason Chan) qui fend la foule un soir. Il téléphone pour savoir où est son interlocutrice se trouve. Filmé de dos, il avance, se retourne parfois et finalement trouve Lee (Karena Lam). Elle était à deux pas de lui. Ils se connaissent depuis des années, on ne saura pas bien ce qui les unissait. Ils vont se promener, boire quelques verres, ils se rappellent quelques souvenirs. Et au bout d’un moment, ils ne savent plus quoi se dire. Cela se traduit dans le film par un plan séquence fixe où les deux acteurs expriment avec leurs regards gênés, leurs mimiques et leurs passé cinématographiques toute la difficulté qu’ils ont de rester stoïques plutôt que de s’embrasser.
On abandonne Ray et Lee pour découvrir une laverie tenue par Gi (Kay Tse), jeune femme dont les lunettes de vue mangent le visage. Elle bade en attendant son fidèle client Lai (Eddie Peng), joli garçon un peu timide à qui elle demande chaque fois le nom et le téléphone. Dans l’arrière-boutique, elle garde tous les objets qu’il oublie dans ses poches. Et Ray semble amoureuse de lui. Elle s’imagine avec lui dans un vieux film de vampires ou dans une variation des Hauts de Hurlevent. Mais c’est le double en mannequin de magasin qui lui donne la réplique. Elle n’arrivera jamais à lui dire qu’elle l’aime d’autant qu’elle comprend qu’il n’est pas célibataire et qu’il a un ami.
La troisième partie se consacre à Po (Jacky Heung), d’abord dans sa jeunesse puis à l’âge adulte. Dans sa jeunesse, Po est ami avec Lai (ados, ils sont interprétés respectivement par William Chan et Carlos Chan). Régulièrement, il va chez son pote pour regarder le foot. Il se rend compte que le père (Eric Tsang) a une liaison et trompe sa femme (Kit Chan). Po, qui est amoureux de la mère lui révèle la liaison en espérant qu’elle le remerciera en sortant avec lui. Mais cela ne se produit pas. Adulte, Po remarque Lai dans un magasin, c’est ce qui lui rappelle ces souvenirs où il a brisé un couple. L’adultère continuera de l’obséder quand Lee, la copine de Ray, est persuadée que son mec a une liaison avec Kay (Kay Tse). Après des discussions en tchat, ils décident de les suivre pour les espionner.
Ce qui frappe dans Lover’s discourse est le silence qui parcoure tout le film. Les romances du cinéma cantonais sont très bavardes. Derek Tsang et Jimmy Wan s’emploie au contraire à faire de l’absence de dialogues explicatifs sur les rapports amoureux un atout. Tout passe des regards (Lee et Ray se taisent et leurs yeux fixent le vide) ou des non-regards (Gi détourne son regard de Lai filmé souvent de dos). Ces silences sont soutenus par une belle musique mélancolique de Peter Kam. Les chaussures ont une importance cruciale. La pantoufle de la mère de Lai que Po met discrètement sous la table à manger faisant comprendre qu’il est amoureux d’elle et non du fils comme on pouvait le croire. La paire d’escarpins de Lee qui laisse croire qu’elle a une aventure. Sans oublier, le nombre de discussions en marchant que font les personnages. La maîtrise des deux cinéastes est, pour un premier film, notable. Ils ne tombent jamais dans les clichés et offrent une émotion diffuse d’une immense tristesse sur la vie des couples. C’est très prometteur.
Lover’s discourse (戀人絮語, Hong Kong, 2010) Un film de Derek Tsang et Jimmy Wan avec Karena Lam, Eason Chan, Mavis Fan, Eddie Peng, Kay Tse, Jacky Heung, William Chan, Eric Tsang, Carlos Chan, Kit Chan.
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