Rien
ne serait arrivé sans cette chemise neuve. En 1975, quelques mois avant l’arrêt
de la Révolution Culturelle, le petit Wang Hon (Liu Wenqing), onze ans, est
convoqué par la directrice de son école. Il ne va pas se faire réprimander,
bien au contraire. Après quelques tests devant le prof de gym, Hon est désigné
pour monter chaque matin sur l’estrade pour encourager ses camarades pendant la
gymnastique. Le gamin porte la même chemise bleue depuis des mois et on lui
conseille de faire l’exercice avec une nouvelle chemise. C’est qu’il faut être
beau et propre pour faire honneur au Parti et à ses représentants.
Cette
demande de chemise ne fait pas particulièrement plaisir à la maman de Wang Hon
(Yan Ni) car l’argent manque. Avec son époux (Wang Jingchun) et leur petite
fille de six ans (Zhao Shiqi), ils vivent modestement. Le père, sans que le
film ne le dise vraiment, a sans doute été déporté à la campagne, dans cette
petite ville où tout le monde se connait, où chacun se surveille, où personne
ne se parle avec franchise. Le père est artiste lyrique et part chaque lundi
selon le même rite travailler. Il emmène son fils sur son vélo jusqu’à l’école
tandis que les même ouvriers font les mêmes taches et disent les mêmes phrases avec les slogans révolutionnaires scandés dans les rues.
En quelques plans, a priori anodins, 11
fleurs dresse le portrait d’une vie monotone et morne. Une vie dirigée
entièrement autour du parti et non autour des gens.
Cette
chemise, le gamin va se la faire voler. Wang Hon passe beaucoup de temps avec
ses trois copains. L’un porte des lunettes, l’autre c’est un gros au sale
caractère et le troisième est le plus petit, le suiveur du groupe. Les quatre
enfants, parfaitement dirigés et très naturels, sont l’atout léger du
film. Un jour qu’ils vont pécher au bord de la rivière, Wang Hon s’évanouit.
Une fois revenu à lui, sa chemise si blanche a disparu, elle a été emportée par
l’eau. Il accuse ses amis de l’avoir jetée à l’eau et ces derniers partent
fâchés. Assis en slip sur une pierre en attendant que les vêtements sèchent, un
homme poursuivi par la police lui vole la chemise pour se panser sa blessure.
Le
film qui, jusqu’alors n’était qu’une chronique d’une enfance sous les derniers
souffles de Mao pleine de souvenirs qu’on imagine autobiographique, devient un
film à suspense. Le gamin est tombé sur un meurtrier en fuite. La police le
recherche et il se cache dans les bois. Le jeune criminel n’est pas un inconnu,
c’est le fils aîné du vieux Xie (Cao Shiping), un homme voisin de la famille
Wang. Le père est un intellectuel qui affirme pour la première fois dans une
scène touchante qu’il déteste la vie qu’il mène depuis sa déportation dans ce
village pour cause de Révolution Culturelle. Un personnage un peu mystérieux et
taiseux, celui de la jeune Juehong (Mo Shini) prend alors de plus en plus de
place. Elle est la fille du vieux Xie et on apprendra par la suite ce qui lui
est arrivé.
Comme
on pouvait s’y attendre, 11 fleurs
est le film du passage rituel du personnage de Wang Hon de l’enfance à
l’adolescence, de l’innocence à la conscience. Pour le gamin, tout est d’abord
un jeu : écouter les conversations des adultes sous la table, essayer
d’apporter en pleine nuit à manger au meurtrier, puis, cela devient une
responsabilité quand il comprend que les enjeux le dépassent totalement. Le
film surligne parfois un peu trop les moments émouvants (l'apprentissage par son père de la peinture, histoire de montrer que l'art sauve), appuie la charge
politique, mais la sincérité dans le récit est si prenante que ces légers
sont oubliés.
11
fleurs (我十一,
Chine - France, 2011) Un film de Wang Xiaoshuai avec Yan Ni, Wang Jingchun, Liu Wenqing,
Zhongguo Liuxing, Zhang Keyuan, Lou Yihao, Qiao Renliang, Mo Shini, Yu Yue,
Zhao Shiqi, Cao Shiping, Cao Gang.
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