La
comédie parodique était l’un des genres dégénérés du cinéma cantonais les plus
féconds. J’utilise l’imparfait car, aujourd’hui, il ne se produit plus guère de
parodie de grands succès populaires, tout juste certains films reprennent la
scène la plus référencée et reconnaissable. A ce jour Ip Man
de Wilson Yip est le film le plus parodié. Il y a vingt ans, c’était Il
était une fois en Chine qui offrait tout un panel de parodies, comme ce
film de Lee Lik-chi. Le récit de Master
Wong vs Master Wong est lancé par Ah So (Ng Man-tat), disciple de Wong
Fei-hung, qui, devenu vieillard, raconte de belles histoires à ses petits
enfants. Il fait suite à Once
upon a time a hero in China parodie des deux premiers films de la saga
de Tsui Hark et Jet Li.
Le
légendaire courage de Wong Fei-hung (Alan Tam) est montré dès l’ouverture en
quelques saynètes où le héros chinois affronte des ennemis, rend la justice ou
délivre un enfant d’un feu. Filmées comme un reportage télé, ces courtes scènes
décrivent l’homme comme débordé, peureux et faible. C’est dans ce décalage que
se place la parodie de Lee Lik-chi. Ainsi, les dents d’Ah So sont exagérément
grandes, déformant le visage de l’acteur. L’autre disciple Ah Wing (Eric Tsang)
aide son maître à prouver à la population la force exceptionnelle de Wong
Fei-hung : il se déguise en occidental et avec Tante Yee (Teresa Mo) font
les bonimenteurs pour vendre leur camelote. On est très loin de l’image donnée
par Tsui Hark. Au contraire, ce Wong Fei-hung n’est jamais le maître chez lui,
il est soumis aux décisions de ses disciples et de Tante Yee, et puisque Master Wong vs Master Wong est une
comédie burlesque, tous les choix faits mènent à des déconvenues gaguesques.
La
réputation du médecin fait le tour de la Chine. Justement, il se fait inviter
par Tse Yin-kam (Anthony Wong) à Canton. C’est un homme d’affaire véreux mais
le médecin ne le découvrira que plus tard. Wong Fei-hung charge Tante Yee de
prendre en charge Po Chi Lam, son école de kung-fu, et s’embarque avec So et
Wing. Finalement, le trio sera rejoint par Yee qui ne peut pas se séparer de
Wong. Là, aussi, la pudeur à laquelle on était habituée a disparu au profit
d’une obsession sexuelle de Yee à l’égard du maitre. Ce dernier veut rester
incognito et charge Wing de se faire passer pour lui. Sur le quai, l’accueil
est faible. Seule Sang Fan-tung (DoDo Cheng) semble l’attendre. C’est une femme
exaltée qui cherche à apprendre le kung-fu auprès de Wong Fei-hung. Mais ce
sera So qui se fera passer pour lui. Nous en sommes déjà à trois médecins.
Puis, plus tard dans le film, Miss Tung se fera, elle aussi, passer pour lui.
La rivalité entre les deux femmes va s’accentuer, d’autant que Miss Tung
s’amourache du vrai Wong Fei-hung qui se fait passer pour Ah So. Ainsi, elle ne
comprend pas la jalousie de Tante Yee puisque les personnages sont intervertis.
Ce qui est drôle également est que même eux semblent s’y perdre.
Tous
les personnages sont maintenant réunis pour faire leurs facéties. Et puisqu’il
faut bien un méchant, ce sera Tse Yin-kam qui donnera du rire sardonique à
chaque réplique sous le regard étonné de son assistant qui lui demande chaque
fois pourquoi il rit. Le film fera rire si on aime les acteurs qui mouillent la
chemise pour faire le show. Anthony Wong, cheveux rasés et lunettes rondes,
offre son regard de fou à la Untold
story. Ng Man-tat et Eric Tsang rivalisent pour jouer les obsédés sexuels
et les idiots. L’une des scènes principales montre un repas offert par Tse
Yin-kam dans le but de faire signer un contrat bidon à Wong Fei-hung. Chaque
personnage montre sa mauvaise foi, son esprit mesquin et son égoïsme. Des
orphelins arrivent à table, Tante Yee les traite comme des voleurs. De jeunes
femmes étudiantes sont prises pour des prostituées. Le film joue sur la
tromperie et son effet comique : chaque fois, les personnages semblent
cocher la mauvaise case, s’égarer dans leur jugement et prendre la mauvaise
décision. Tout le comique du film réside dans les contradictions des
personnages censés être héroïques mais tous lâches. C’est aussi cela le but
d’une parodie comique : mettre à plat tous les clichés et les retourner
pour produire un gag.
Master Wong vs Master Wong (黃飛鴻對黃飛鴻, Hong Kong, 1993) Un film de
Lee Lik-chi avec Alan Tam, Ng Man-tat, Eric Tsang, DoDo Cheng, Teresa Mo,
Anthony Wong, Gabriel Wong, Wong Yat-fei, Yuen Cheung-yan, Wong San, David Wu,
Kenny Wong, Joey Leung, Vincent Kok, Ho Chi-moon.
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