En
quelques rapides plans, le déménagement de la famille Kobayashi dans sa
nouvelle maison en banlieue est fait. Une nouvelle vie de confort va démarrer.
Le père (Katsuya Kobayashi), salaryman
prend le temps de faire quelques roulades sur le tapis du salon, histoire de
bien se rendre compte du grand espace dont il va pouvoir profiter. Puis, le
train-train prend le dessus. Il part en vélo avec sa fille sur le porte-bagage.
Puis, c’est le métro, coincé contre la vitre, au milieu de la foule de fourmis
qui part travailler, un trajet que Sōgo Ishii croque en quelques plans
ironiques. Mais, c’est la belle vie, celle dont ce père de famille a toujours
rêvée.
Madame
Kobayashi (Mitsuko Baishô) est une femme au foyer qui s’occupe de la maison et
des deux enfants. Le fils ainé Masaki (Yoshiki Arizono) s’apprête à passer ses
examens pour entrer à l’université. Plutôt réservé, il étudie en silence dans
sa chambre. Un soir, il découvre un chiot abandonné sous le porche de la
maison. Il convainc son père de le garder et déclare qu’il s’en occupera. Cela
satisfait finalement les parents qui voient ainsi que Masaki s’ouvrent aux
autres. Erika, la fille collégienne (Youki Kudoh) est très expansive au
contraire de son frère. Elle hésite à faire carrière dans le catch (elle s’entraine
avec ses peluches géantes) ou chanteuse de pop (elle s’exerce devant sa maman
et son grand-père).
Justement
le grand-père (Hitoshi Ueki). Il leur rend visite un jour mais très vite, la
famille comprend qu’il est bien parti pour s’installer. Le papi déborde
d’énergie. Il promène le chien mais va jusqu’à l’épuiser. Il invite des amis à
venir boire le saké et à faire un karaoké mais ils se couchent à point d’heure.
Bref, le grand-père dérange tout le monde et en plus se permet de donner des
leçons à son fils. Ils étaient venus s’installer dans une grande maison, mais
le père doit dormir avec son père et la mère partage la chambre de sa fille.
Déjà, l’unité de la famille craquelle sous le poids de la tradition familiale
qui veut que les grands-parents soient accueillis avec respect par les enfants.
Cette tradition, Crazy family la
brocarde et en montre les limites que le grand-père franchit allégrement.
La
tension entre les membres de la famille Kobayashi est déjà mise à rude épreuve
sur un rythme trépidant. La mise en scène est portée par le rock sec du groupe
1984 garde la distance entre critique acerbe et ironie comique. Mais tout va se
dégrader avec la découverte de termites dans les fondations de la maison. Le
père pour mieux accueillir le grand-père décide de construire une chambre dans
le sous-sol. C’est bien entendu une idée complètement loufoque qui fait hurler
la mère et criser le fils (qui demande le silence). Mais le père perd toute
contenance et toute raison quand il voit ces termites. Chasser ces insectes
tourne à l’obsession et il va jusqu’à mettre le feu dans le salon. Oppressé par
une situation qu’il ne peut contrôler, le père décide de supprimer toute la
famille et poursuit avec le marteau-piqueur.
Le
film se lance dans un huis-clos familial où chacun devra tenter d’échapper au
père et de survivre. Sur un ton comique plus que tragique, Crazy family pointe cependant tous les dysfonctionnements de la
famille japonaise. Le père stressé par le boulot et la pression familiale. La
mère réduite par la société à un rôle minimal de femme au foyer obéissante. Le
fils qui se mutile la jambe gauche devient obsédé par le silence et subit la
pression de la réussite à tout prix. Il ne dort plus, s’enferme dans une
pyramide lumineuse et se transforme en zombie, au sens figuré. La fille entre
chanson pop et catch est esclave de la mode et de cette tendance à vouloir
devenir célèbre. Quant au grand-père, il a des renvois du passé guerrier du
Japon et menace de tuer tout le monde avec son sabre. Ainsi, sous des
apparences de pétages de plomb rigolos, le film se transforme en slasher
sociologique avec une double fin surprenante proche de l’onirisme. Car
finalement, ce que veut exprimer Sōgo Ishii, c’est qu’il faut tout détruire
pour partir sur de nouvelle bases.
Crazy
family (逆噴射家族,
Japon, 1984) Un film de Sōgo Ishii avec Katsuya Kobayashi, Mitsuko Baishô,
Yoshiki Arizono, Youki Kudoh, Hitoshi Ueki.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire