Il y a
une quarantaine d’années, la Shaw Brothers et encore aujourd’hui la plupart des
comédies musicales en hindi (alias les films Bollywood) espéraient montrer que
l’argent dépensé dans le décor et les costumes était un gage de qualité.
C’était même souvent un argument publicitaire efficace comme aujourd’hui pour
un film hollywoodien les effets spéciaux et la 3D. Ainsi, dans Le Grand magicien, le clinquant du
costume du Général Bully Lei (Lau Ching-wan), tout en dorure et médailles tout
comme les tenues de ses épouses et concubines sont là pour indiquer que le
nouveau film de Derek Yee est une grosse production qui va en mettre plein les
yeux et en donner au spectateur pour son argent.
Le lieu
central du film qui se déroule au début du 20ème siècle (on y voit
les débuts des projections de cinéma aux épouses du général qui sont effrayées
par ce qu’elles voient) est une immense salle de spectacle. Li Feng-jen (Lam
Suet) et sa sœur Li Chao (Wang Zi-wen) en sont les malheureux gérants. Les
spectateurs se font rares, la concurrence est rude et ils se sont trouvés
contraints d’emprunter de l’argent à Chen Kuo (Alex Fong Chung-sun), leur rival
direct ravi d’avoir enfin le monopole
dans la ville. C’est sans compter sur l’arrivée de Zhang Xian (Tony
Leung Chiu-wai), magicien prodige qui va louer le théâtre, le faire rénover
(jolie scène où les ouvriers construisent les échafaudages en bambou en
s’envolant tels des artistes martiaux) et enfin l’ouvrir pour offrir le plus
grand spectacle de magie jamais donné.
Evidemment
dans les séquences de magie données par Zhang Xian, il s’agit d’en mettre plein
la vue. Devant une salle pleine, tous les effets sont bons : une bonne
douzaine de danseurs, jongleurs et équilibristes, un orchestre, des costumes
scintillants, des lanceurs de feu et finalement le maître en magie qui opère,
ravissant son public. Le charme de Tony Leung Chiu-wai n’est pas pour rien dans
le plaisir que l’on prend devant les scènes de prestidigitation. A cinquante
ans, l’acteur, en un sourire, parvient à braquer tous les regards sur lui. Plus
tard, le magicien séduira toutes les épouses du général en leur donnant un
spectacle privé, mais une seule intéresse Zhang Xian : c’est Liu Yin (Zhou
Xun), la septième femme qui se refuse absolument à son époux tant que son père,
le résistant Liu Wan-yao (Paul Chun) n’est pas libéré. Elle refuse jusqu’à
sourire.
Plutôt
que de faire un film entièrement sur le thème de l’illusion, du simulacre,
Derek Yee place alors Le Grand magicien
sur la double voie de la romance mâtinée de film d’action. On apprendra que Liu
Yin fût jadis l’amoureuse de Zhang Xian. A vrai dire, on s’en serait douté et
que le général est désormais son rival. D’un côté, le général a sept épouses et
c’est évidemment celle qui lui résiste le plus qu’il veut le plus. Il doit
faire face aux caprices des femmes et notamment de sa « favorite »,
la 3ème épouse qui dirige entièrement la maisonnée. Finalement, le
général n’est pas maître chez lui. Il cède à tous leurs caprices. On le verra,
tel Kane, faire en sorte qu’une d’elle joue dans un film alors qu’elle est
nulle. Face à lui, le magicien n’a d’yeux que pour Liu Yin (on fera fi de la
grande différence d’âge entre l’actrice et ses partenaires, mais il faudra un
jour que cette harmonisation de génération ait lieu), allant jusqu’à oublier le
but de sa mission.
Le but
initial de la mission est un complot contre Bully Lei. A vrai dire plusieurs
complots. D’abord celui de Zhang Xian qui s’est allié à des révolutionnaires,
dont l’un Li Yi (Wang Ziyi) particulièrement intransigeant manque de faire
capoter l’enlèvement (belle scène avec le spectacle donné aux enfants et les
tunnels creusés pour piéger le général). Le bras droit du général, Butler Liu
(Wu Gang) cherche à s’allier avec Miterarai (Sawada Kenya), un Japonais
forcément retors. Mais dans cette partie consacrée à la guerre, je retiendrai
ce grand morceau d’humour qu’est le conseil de guerre où Tsui Hark, portant un
crochet de pirate, et Vincent Kok, avec un bandeau sur l’œil, face à quatre
autres seigneurs de la guerre, s’en donnent à cœur joie dans le cabotinage. Le Grand magicien est trop long (128
minutes), démarre et finit très mollement, se vautre dans un luxe qui contraste
tellement avec la modestie d’Une nuit à
Mongkok, le dernier bon film de Derek Yee à ce jour, mais parvient
épisodiquement à réjouir.
Le Grand
magicien (The Great magician, 大魔術師, Hong Kong – Chine – Japon, 2012) Un film de Derek Yee avec Zhou Xun, Lau
Ching-wan, Tony Leung Chiu-wai, Wu Gang, Yan Ni, Tian Miao, Zhang Yashu, Wang
Qi, Wang Xuan, Xu Haipeng, Alex Fong Chung-sun, Sawada Kenya, Wang Yachao, Lam
Suet, Wang Ziwen, Paul Chun, Wang Ziyi, Daniel Wu, Tsui Hark, Vincent Kok,
Morris Rong, Jamie Luk, Kong Tao-hoi, Keung Siu-leung, Lau Ho-leung.
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