dimanche 20 mai 2012

Harakiri



A la sortie de Harakiri, mort d’un samouraï de Takashi Miike, j’écrivais que je n’avais pas revu le chef d’œuvre de Masaki Kobayashi. C’est désormais chose faite et si j’emploie le terme de chef d’œuvre pour parler de ce film qui a désormais cinquante ans, c’est vraiment que la beauté des images, la fluidité de la mise en scène et la musique proche de l’expérimental n’ont pas pris une ride. Le premier constat de Harakiri est que le scénario est strictement le même. Tsugumo, un vieil et pauvre samouraï (Tatsuya Nakadai) frappe à la porte du clan Ii pour se faire harakiri. En l’absence de chef de clan, c’est Saito, l’intendant qui le reçoit et qui lui demande si la mort rituelle que Tsugumo veut s’infliger est réelle ou uniquement pour mendier la charité.

Saito lui fait alors le récit du jeune Motome Chijiwa (Akira Ishihama) venu lui aussi faire harakiri dans leur château. Cette première narration en flashback décrit par le menu, de manière documentaire, le rite du suicide. Chijiwa doit d’abord pratiquer un bain purificateur puis s’habiller avec une combinaison blanche. Dans la cour, un carré blanc l’accueillera. Devant lui, son sabre court est installé afin de pratiquer l’incision en croix dans l’abdomen, geste qui devra lui être fatal avant que l’assistant, ici l’intransigeant Omodaka (Tetsurô Tanba), partisan d’une application stricte de la mort rituelle, ne viennent lui porter le coup de grâce en lui tranchant la tête avec son sabre long. Cette séquence à la fois poignante et angoissante montre toute la cruauté de la tradition du harakiri. Le jeune Chijiwa se tait la plupart du temps, il a tenté de repousser sa mort même s’il se rend compte que les membres du clan Ii ne renonceront pas à cette mort.

Ce qu’il y a de terrible est bien sûr que le jeune samouraï sans travail (et plus tard son beau-père Tsugumo expliquera dans un long flash-back les raisons de sa venue au château du clan Ii) doit se fendre le ventre avec un sabre en bois. Une succession de gros plans des visages des bourreaux aux sourires narquois et de celui de Chijiwa nous montre tout le désespoir de cette société japonaise de 1630 qui vivait peut-être en paix, mais dans le malheur puisque la rigidité du système des castes établissait la dictature. Cette période, rarement mise en scène car troublée, n’est pas celle des classiques du chambara (Rashomon par exemple) qui se situe au milieu du 19ème siècle). L’agonie du samouraï se fait dans l’indifférence la plus totale tandis que le sang (en noir et blanc) se met à couler sur la tunique du malheureux. Les regards des membres du clan Ii se ferment, la tête de Chijiwa se remplit de sueur avec la difficulté de se suicider. En aucune façon, Masaki Kobayashi fait de son Harakiri un éloge du suicide rituel, c’est au contraire une condamnation sans faille. C’est sa mise en scène et son montage impitoyable pour Saito et Omodaka qui les condamnent.

Ce qu’explique le cinéaste est que la théorie du harakiri est, à l’époque de l’action du film, en contradiction de la pratique. Ils montrent des personnages intransigeants pour les autres et qui ne comprennent pas la société dans laquelle ils vivent. Tsugumo se plaint régulièrement de cette paix que le shogun a imposée et qui met au chômage des dizaines de samouraïs. Il déplore que rien ne soit fait pour rendre leur vie meilleure. Toujours dans cette idée, Harakiri s’ouvre et se ferme sur le journal de bord du clan Ii. La voix off qui en fait la lecture ne semble pas remarquer que cette visite de Tsugumo soit un événement. Le seigneur Ii mentira sur la fin officielle, ne mentionnera pas dans ce journal de bord le récit à charge du samouraï vengeur et les morts qu’il causera seront officiellement causée par la maladie. Là aussi, Kobayashi pointe que l’histoire glorieuse des seigneurs, des dominants n’est jamais celle des pauvres, des vassaux. Harakiri est alors un film politique sous ses aspects de film d’action classique.

Harakiri (Japon, 1962) Un film de Masaki Kobayashi avec Tatsuya Nakadai, Akira Ishihama, Shima Iwashita, Tetsurô Tanba, Masao Mishima, Ichirô Nakatani, Kei Satô, Yoshio Inaba, Hisashi Igawa, Tôru Takeuchi, Yoshirô Aoki, Tatsuo Matsumura, Akiji Kobayashi, Kôichi Hayashi, Ryûtarô Gomi.

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