A
la sortie de Harakiri,
mort d’un samouraï de Takashi Miike, j’écrivais que je n’avais pas revu
le chef d’œuvre de Masaki Kobayashi. C’est désormais chose faite et si
j’emploie le terme de chef d’œuvre pour parler de ce film qui a désormais
cinquante ans, c’est vraiment que la beauté des images, la fluidité de la mise
en scène et la musique proche de l’expérimental n’ont pas pris une ride. Le
premier constat de Harakiri est que
le scénario est strictement le même. Tsugumo, un vieil et pauvre samouraï
(Tatsuya Nakadai) frappe à la porte du clan Ii pour se faire harakiri. En
l’absence de chef de clan, c’est Saito, l’intendant qui le reçoit et qui lui
demande si la mort rituelle que Tsugumo veut s’infliger est réelle ou
uniquement pour mendier la charité.
Saito
lui fait alors le récit du jeune Motome Chijiwa (Akira Ishihama) venu lui aussi
faire harakiri dans leur château. Cette première narration en flashback décrit
par le menu, de manière documentaire, le rite du suicide. Chijiwa doit d’abord
pratiquer un bain purificateur puis s’habiller avec une combinaison blanche.
Dans la cour, un carré blanc l’accueillera. Devant lui, son sabre court est
installé afin de pratiquer l’incision en croix dans l’abdomen, geste qui devra
lui être fatal avant que l’assistant, ici l’intransigeant Omodaka (Tetsurô
Tanba), partisan d’une application stricte de la mort rituelle, ne viennent lui
porter le coup de grâce en lui tranchant la tête avec son sabre long. Cette
séquence à la fois poignante et angoissante montre toute la cruauté de la
tradition du harakiri. Le jeune Chijiwa se tait la plupart du temps, il a tenté
de repousser sa mort même s’il se rend compte que les membres du clan Ii ne renonceront
pas à cette mort.
Ce
qu’il y a de terrible est bien sûr que le jeune samouraï sans travail (et plus
tard son beau-père Tsugumo expliquera dans un long flash-back les raisons de sa
venue au château du clan Ii) doit se fendre le ventre avec un sabre en bois. Une
succession de gros plans des visages des bourreaux aux sourires narquois et de
celui de Chijiwa nous montre tout le désespoir de cette société japonaise de
1630 qui vivait peut-être en paix, mais dans le malheur puisque la rigidité du
système des castes établissait la dictature. Cette période, rarement mise en
scène car troublée, n’est pas celle des classiques du chambara (Rashomon par
exemple) qui se situe au milieu du 19ème siècle). L’agonie du
samouraï se fait dans l’indifférence la plus totale tandis que le sang (en noir
et blanc) se met à couler sur la tunique du malheureux. Les regards des membres
du clan Ii se ferment, la tête de Chijiwa se remplit de sueur avec la
difficulté de se suicider. En aucune façon, Masaki Kobayashi fait de son Harakiri un éloge du suicide rituel,
c’est au contraire une condamnation sans faille. C’est sa mise en scène et son
montage impitoyable pour Saito et Omodaka qui les condamnent.
Ce
qu’explique le cinéaste est que la théorie du harakiri est, à l’époque de
l’action du film, en contradiction de la pratique. Ils montrent des personnages
intransigeants pour les autres et qui ne comprennent pas la société dans
laquelle ils vivent. Tsugumo se plaint régulièrement de cette paix que le
shogun a imposée et qui met au chômage des dizaines de samouraïs. Il déplore
que rien ne soit fait pour rendre leur vie meilleure. Toujours dans cette idée,
Harakiri s’ouvre et se ferme sur le
journal de bord du clan Ii. La voix off qui en fait la lecture ne semble pas
remarquer que cette visite de Tsugumo soit un événement. Le seigneur Ii mentira
sur la fin officielle, ne mentionnera pas dans ce journal de bord le récit à
charge du samouraï vengeur et les morts qu’il causera seront officiellement
causée par la maladie. Là aussi, Kobayashi pointe que l’histoire glorieuse des
seigneurs, des dominants n’est jamais celle des pauvres, des vassaux. Harakiri est alors un film politique
sous ses aspects de film d’action classique.
Harakiri
(Japon, 1962) Un film de Masaki Kobayashi avec Tatsuya Nakadai, Akira Ishihama,
Shima Iwashita, Tetsurô Tanba, Masao Mishima, Ichirô Nakatani, Kei Satô, Yoshio
Inaba, Hisashi Igawa, Tôru Takeuchi, Yoshirô Aoki, Tatsuo Matsumura, Akiji
Kobayashi, Kôichi Hayashi, Ryûtarô Gomi.
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