Avec
une petite poignée de films en dix ans à son actif, l’œuvre de Wong Ching-po
n’est pas encore identifiable si ce n’est celle d’une réminiscence de la
glorieuse et contrastée époque de la Catégorie III. Fu Bo, son premier film est pour le moins éprouvant, décrivant un
univers particulièrement malsain. Ses films suivants sont moins intéressants. Le
titre Revenge: a love story décrit
précisément le programme du film, une histoire d’amour et une vengeance. Dans
cet ordre. La vengeance est un thème traditionnel du cinéma de Hong Kong,
établi d’habitude dans le film de kung-fu, ici repris dans le polar à l’image
de nombreux films coréens récents.
Petit
vendeur de beignets dans un quartier pauvre, Chan Kit (Juno Mak, également
scénariste du film) attend chaque soir le passage de la jeune et belle Cheung
Wing (Sora Aoi, actrice japonaise embauchée dans le film pour les scènes nues
qu’elle devra faire). Il n’ose pas lui parler mais la regarder fixement. Elle
est chaque jour accompagnée de la grand-mère (Sun Wai-lin), une femme pas
commode qui houspille Chan Kit, le traite de tous les noms et lui interdit même
de poser ses yeux sur Cheung Wing. La jeune femme est retardée. Elle va au
lycée mais passe son temps sur le toit à jouer avec sa balle magique qui change
de couleurs. Le garçon n’apparait pas non plus comme très vif.
Tous
les malheurs du monde vont leur tomber dessus de manière si démonstrative qu’on
se dit au bout d’un moment que, franchement, ce film date d’une autre époque,
que l’absence de finesse rappelle les souvenirs de ces années 1980 où le récit
n’hésitait jamais à aller dans la surenchère. La grand-mère meurt, Cheung Wing
est placée dans un orphelinat aux conditions spartiates et au personnel
intraitable. Elle en sort et retrouve Chan Kit. Ils se font hébergés par une
voisine qui exerce la douce profession de prostituée. Et là pas de chance, un
client arrive, pense que c’est une nouvelle pute et viole la jeune femme qui ne
réagit guère. Il s’avère que cet homme est un flic et fait en sorte d’accuser
Chan Kit de rébellion contre les forces de l’ordre qui part en prison. Cheung
Wing tombe enceinte de ce viol. L’heure de la vengeance a sonné pour Chan Kit.
Revenge :
a love story avait commencé avec des scènes de meurtre de femmes enceintes peu
ragoûtantes, non pas qu’elles soient gore, mais plutôt que l’on n’est pas
habitué à voir des scènes de crime comprenant des bébés. Là, on retrouve cet
attrait actuel pour la provocation visuelle qui fait aujourd’hui l’écueil des
films surestimés de Kim Jee-won (l’insupportable et puéril J’ai
rencontré le diable en est l’exemple le plus frappant). Fu Bo, premier film de Wong Ching-po
présentait déjà un bébé décédé, attaché et replacé dans le ventre de sa mère
morte. Voici pour l’ambiance littéralement glauque (lumière des néons,
atmosphère étouffante) appuyée par un récit coupé en huit chapitres portant des
titres solennels et franchement ridicules. Le film ne brille pas par son absence
de grandiloquence et de sérieux. Certes les ralentis avec ces personnages qui
courent dans les herbes hautes filmés en plan large ne manquent pas de beauté
et de style, mais ils ne servent pas à grand-chose.
Mais
c’est ce retour aux éléments basiques du polar cantonais qui donne à Revenge : a love story son
intérêt. Comme le superbe Dream home
de Pang Ho-cheung, film d’horreur social, le film de Wong Ching-po est produit
par Josie Ho et Conroy Chan. Dans les deux films, on trouve un refus de céder
aux sirènes de la baisse de niveau scénaristique consécutive à l’ouverture au
marché chinois. Traiter de la corruption de la police (un des thèmes du film
policier des années 1980) comme le fait ce film ou évoquer la course à la mort
pour un logement comme dans Dream home,
c’est donner des nouvelles d’un monde que l’on critique. Et les nouvelles ne
sont pas très bonnes. Le film ne fait pas dans la dentelle, s’avère parfois
facile dans son traitement, tombe dans la caricature dans ses mouvements de
narration, mais ce qui fait son intérêt est justement qu’il ne ressemble pas au
polars actuels bien plus gentils.
Revenge: a love story (復仇者之死, Hong Kong , 2010) Un film de Wong
Ching-po avec Juno Mak, Sora Aoi, Lau Wing, Chin Siu-ho, Tony Ho, Wong Shu-tong,
Derek Lam, Candy Cheung, Sun Wai-lin.
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