mardi 15 mai 2012

Revenge: a love story



Avec une petite poignée de films en dix ans à son actif, l’œuvre de Wong Ching-po n’est pas encore identifiable si ce n’est celle d’une réminiscence de la glorieuse et contrastée époque de la Catégorie III. Fu Bo, son premier film est pour le moins éprouvant, décrivant un univers particulièrement malsain. Ses films suivants sont moins intéressants. Le titre Revenge: a love story décrit précisément le programme du film, une histoire d’amour et une vengeance. Dans cet ordre. La vengeance est un thème traditionnel du cinéma de Hong Kong, établi d’habitude dans le film de kung-fu, ici repris dans le polar à l’image de nombreux films coréens récents.

Petit vendeur de beignets dans un quartier pauvre, Chan Kit (Juno Mak, également scénariste du film) attend chaque soir le passage de la jeune et belle Cheung Wing (Sora Aoi, actrice japonaise embauchée dans le film pour les scènes nues qu’elle devra faire). Il n’ose pas lui parler mais la regarder fixement. Elle est chaque jour accompagnée de la grand-mère (Sun Wai-lin), une femme pas commode qui houspille Chan Kit, le traite de tous les noms et lui interdit même de poser ses yeux sur Cheung Wing. La jeune femme est retardée. Elle va au lycée mais passe son temps sur le toit à jouer avec sa balle magique qui change de couleurs. Le garçon n’apparait pas non plus comme très vif.

Tous les malheurs du monde vont leur tomber dessus de manière si démonstrative qu’on se dit au bout d’un moment que, franchement, ce film date d’une autre époque, que l’absence de finesse rappelle les souvenirs de ces années 1980 où le récit n’hésitait jamais à aller dans la surenchère. La grand-mère meurt, Cheung Wing est placée dans un orphelinat aux conditions spartiates et au personnel intraitable. Elle en sort et retrouve Chan Kit. Ils se font hébergés par une voisine qui exerce la douce profession de prostituée. Et là pas de chance, un client arrive, pense que c’est une nouvelle pute et viole la jeune femme qui ne réagit guère. Il s’avère que cet homme est un flic et fait en sorte d’accuser Chan Kit de rébellion contre les forces de l’ordre qui part en prison. Cheung Wing tombe enceinte de ce viol. L’heure de la vengeance a sonné pour Chan Kit.

Revenge : a love story avait commencé avec des scènes de meurtre de femmes enceintes peu ragoûtantes, non pas qu’elles soient gore, mais plutôt que l’on n’est pas habitué à voir des scènes de crime comprenant des bébés. Là, on retrouve cet attrait actuel pour la provocation visuelle qui fait aujourd’hui l’écueil des films surestimés de Kim Jee-won (l’insupportable et puéril J’ai rencontré le diable en est l’exemple le plus frappant). Fu Bo, premier film de Wong Ching-po présentait déjà un bébé décédé, attaché et replacé dans le ventre de sa mère morte. Voici pour l’ambiance littéralement glauque (lumière des néons, atmosphère étouffante) appuyée par un récit coupé en huit chapitres portant des titres solennels et franchement ridicules. Le film ne brille pas par son absence de grandiloquence et de sérieux. Certes les ralentis avec ces personnages qui courent dans les herbes hautes filmés en plan large ne manquent pas de beauté et de style, mais ils ne servent pas à grand-chose.

Mais c’est ce retour aux éléments basiques du polar cantonais qui donne à Revenge : a love story son intérêt. Comme le superbe Dream home de Pang Ho-cheung, film d’horreur social, le film de Wong Ching-po est produit par Josie Ho et Conroy Chan. Dans les deux films, on trouve un refus de céder aux sirènes de la baisse de niveau scénaristique consécutive à l’ouverture au marché chinois. Traiter de la corruption de la police (un des thèmes du film policier des années 1980) comme le fait ce film ou évoquer la course à la mort pour un logement comme dans Dream home, c’est donner des nouvelles d’un monde que l’on critique. Et les nouvelles ne sont pas très bonnes. Le film ne fait pas dans la dentelle, s’avère parfois facile dans son traitement, tombe dans la caricature dans ses mouvements de narration, mais ce qui fait son intérêt est justement qu’il ne ressemble pas au polars actuels bien plus gentils.

Revenge: a love story (復仇者之死, Hong Kong, 2010) Un film de Wong Ching-po avec Juno Mak, Sora Aoi, Lau Wing, Chin Siu-ho, Tony Ho, Wong Shu-tong, Derek Lam, Candy Cheung, Sun Wai-lin.

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