« Bon,
j’y vais » dit tous les matins à sept heures le mari à qui sa femme
dévouée tend le chausse-pied puis sa valise. « Bonne journée », lui
répond-elle. L’homme ouvre la porte et part au travail. L’épouse se met à
genoux, prend les chaussons et les retourne pour qu’à 21 heures, à son retour,
quand il ouvre la porte, il puisse les enfiler avant de se faire servir un thé
au salon. Ce rituel scande le premier chapitre de Guilty of romance. Et l’inquiétude s’installe progressivement
concernant Izumi (Megumi Kagurazaka), cette jeune épouse soumise, silencieuse et
bien propre sur elle. On s’inquiète pour son sort, de savoir si le thé est bien
au goût de son époux, si les chaussons ont été bien replacés ou si elle lui
tend comme il faut sa valise.
Car le film se lance sur une macabre
découverte sur laquelle l’inspectrice de police Yoshida (Miki Mizuno) doit
enquêter. Dans le quartier des prostituées, un corps a été démembré et
reconstitué avec des bouts de mannequins en plastic. Les asticots commencent à
salement attaquer la chair putréfiée. Sono Sion s’applique pour donner quelques
plans choquants avec ce corps mutilé et pourri. On se demande si ce n’est pas
celui de Izumi qui git là après qu’elle aurait être pu tuée par son mari pas
très rassurant. Il est écrivain,
publie des romans à l’eau de rose où les passions sexuelles sont débridées mais
au lit, il ne fait rien. Et Izumi est en train de s’éteindre à petit feu.
Elle
s’ennuie et elle décide de prendre un petit boulot au supermarché. Elle fera la
promo des saucisses. Sa timidité l’empêche de convaincre les clients de goûter
à la saucisse. La scène est un peu démonstrative mais c’est pour mieux la faire
contraster avec sa transformation du tout au tout. De femme poupée insipide,
elle devient une femme libre et sensuelle. Cela est l’effet magique du sexe.
Entre ces deux scènes de vente de saucisses, Izumi rencontre deux femmes
indépendantes qui vont lui apprendre à jouir sans entraves et à se décoincer.
Le
première est Eri Doi (Chika Uchida) qui l’aborde dans le supermarché et lui propose de
gagner plus d’argent en se faisant prendre en photo. Izumi comprendra que ce
sont des photos érotiques. Elle aura comme partenaire un jeune et beau gars
(Motoki Fukami) répondant au pseudonyme de Maki Martini. Ce dernier lui fera
l’amour, sans doute pour la première fois et ça change sa vie. On la retrouve
chez elle, entièrement nue, devant son miroir en train de répéter son texte
pour le supermarché. Cette belle scène, osée (nudité frontale non floutée sur
nos écrans) décrit la naissance d’une
femme. C’est à la fois troublant et terriblement émouvant.
Le changement se prolongera avec la
rencontre fortuite encore une fois de Mitsuko (Makoto Togashi). Grande et mince
alors qu’Izumi est petite et pulpeuse, les deux femmes vont très bien
s’entendre. Mitsuko enseigne la littérature japonaise à l’université. Son
activité principale est la prostitution qu’elle pratique de manière très
ouverte. Même certains de ses étudiants sont au courant. Sur un fond de musique
de Sully, les deux femmes vont longuement discuter de la sexualité dans des dialogues
qui trainent un peu en longueur. Ça philosophie sur la liberté du corps, sur
les mots qu’il faut libérer. Et puis soudainement, Mitsuko explose. Car finalement le vrai sujet de Guilty of romance semble être la folie pure, aucun des personnages du film n'est sain d'esprit, tous sont cinglés.
Là est sans doute la limite du film de
Sono Sion qui menace à chaque séquence où Mitsuko se met en roue libre de
tomber dans le plus grand ridicule. Son personnage rappelle celui des femmes
dans certains pinku eiga des années 1967-1973, un peu ceux de Yasuzo Masumura –
hystérisation des rapports, dialogues hurlés, comportements anormaux et malsains – mais aussi
certains films de Yoshishige Yoshida. De beaux plans ponctuent le film (le
proxénète, par ailleurs frère de Mitsuko jette des ballons remplis de peinture),
des scènes sont terrifiantes (la mère de Mitsuko déclare son dégoût pour ses
enfants). En revanche, sur le plan policier, la résolution de l’enquête place
le récit dans le Grand-Guignol avec une révélation largement superflue.
Guilty
of romance (恋の罪, Japon, 2011)
Un film de Sono Sion avec Megumi Kagurazaka, Makoto Togashi, Miki Mizuno, Kazuya
Kojima, Motoki Fukami, Chika Uchida, Kanji Tsuda.
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