Ce
sont deux voix off féminines qui lancent le récit de Durian durian. La première est celle de Yan (Qin Hailu), la
vingtaine, immigrée avec un visa de touriste qui vient de la Chine du Nord. A
Hong Kong, elle tente de gagner un peu d’argent pendant ses trois mois dans
l’archipel en se prostituant. Elle n’y prend aucun plaisir. Elle débite, sans
conviction, à ses clients – des types plutôt gentils, un peu paumés, mais pas
méchants – chaque fois la même chose : « viens prendre une douche, ça
te fait du bien ? pense à être généreux ». Puis elle rentre chez elle
escortée par un jeune gars, tout maigre, constamment torse nu portant son
t-shirt orné d’une svastika sur l’épaule. La caricature de la petite frappe.
Régulièrement
sur son chemin entre sa petite chambre et l’hôtel, Yan passe dans une ruelle où
habite Fan (Mak Wai-fan). La gamine de dix ans vit ici avec ses deux parents et
sa petite sœur. Le père, estropié et marchant avec une béquille, va tous les
jours à Hong Kong faire du menu trafic pour ramener de quoi acheter à manger.
La mère et les filles restent dans la ruelle et prennent bien garde de ne pas
rencontrer de policiers qui pourraient leur demander leur papier. Un jour, le
jeune gars qui surveille Yan a une violente altercation avec un Indien (Along).
Ils se retrouvent plus tard dans un autre lieu et se disputent à nouveau.
Encore plus tard, l’Indien frappe, par derrière, le mec avec un durian. C’est
ainsi que l’ fruit entre dans l’histoire.
Enfin
histoire, il faut le dire. Durian durian
tient plutôt de la chronique réaliste avec pour but de la part de Fruit Chan,
après ses films sur les affres de la rétrocession, de faire le point sur les
rapports entre la Chine continentale et Hong Kong, ou plus exactement sur
certains immigrés qui pensent pouvoir profiter des miracles du capitalisme. Le
film montre au contraire un monde de misère pour ces clandestins. Mais sa bonne
idée est de la montrer sans misérabilisme bien au contraire. Filmé dans le mode
documentaire, caméra à l’épaule avec des acteurs non-professionnels, Durian durian a de forts accents de
vérité si rares dans le cinéma de Hong Kong. Certes Yan se prostitue mais les
habituels écueils (violence et nudité racoleuses) liés à cette activité sont
absents ici. Fan ne comprend pas très bien tout ce qui se passe. Ainsi quand
elle voit Yan, elle ne sait rien de son activité mais toutes deux sympathisent
après l’incident du coup de durian.
La
première partie est surtout concentrée autour de Fan, la gamine clandestine. Dans
la seconde partie, c’est Yan qui retourne dans sa région natale qui mise en avant.
Le contraste est étonnant entre l’hyperactivité de Hong Kong et le calme
provincial de cette ville chinoise sous la neige. Fruit Chan ne compare pas les
deux modes vie mais les met en parallèle et admet que la grande liberté de
mouvement de Hong Kong est illusoire. Dans le même temps, il constate qu’en
Chine la vie est plus simple, plus rude mais commence à être plus libre. Yan ne
dit rien de son séjour de touriste et ses amis préfèrent évoquer le bon vieux
temps. Yan se marie puis divorce. Ils vont voir des jeunes qui chantent l’Internationale
en mode pop-rock. La vie est à l’image du durian : plein d’épines à l’extérieur,
qui ne sent pas très bon, difficile à entamer mais tellement doux à l’intérieur.
Durian
durian (榴槤飄飄, Hong Kong – France, 2000) Un film de Fruit Chan avec Qin Hailu, Mak Wai-fan, Mak Suet-man, Yeung
Mei-kam, Wong Ming, Yung Wai-yiu, Li Shuang, Bai Xiao-ming, Hu Qing-yong, Lu
Zhi-han, Yang Xiao-li, Along, Chang Kin-yung.
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