Il
est 15h31 quand Sang-hyun (Song Kang-ha) est déclaré mort. Il succombe aux
expérimentations du virus Emmanuel qu’on lui a volontairement inoculé. Sang-hyun
recouvre la vie immédiatement et devient le Saint aux bandages auprès de
quelques dizaines de fidèles venus quémander un miracle. Sang-hyun est prêtre
le jour et vampire la nuit. Il ne sait pas encore qu’il est un suceur de sang
mais il s’aperçoit vite que les pustules immondes qu’il cache sous les
pansements disparaissent de son corps (et en particulier de son visage) dès
qu’il boit du sang humain. Thirst
débute sur un postulat scientifique pour immédiatement déboucher sur le film de
vampires, la science est ici pour légitimer un état, une condition
surnaturelle. Pour la décrire comme plausible et donc acceptable, même si cela n’était
pas franchement nécessaire.
Le
vampire du film de Park Chan-wook est occidental. S’il n’a pas de dents acérées
(ce qui évite ces stupides mâchoires), il ne supporte pas le jour, vole dans
les airs et a ses sens hyper développés (Sang-hyun peut même voir les acariens
sur sa peau et entendre les ados rire à l’école, trop fort). Le film est
également chrétien puisque Sang-hyun est prêtre, célibataire et perclus
d’angoisse à l’idée de devoir tuer un homme pour se nourrir. Il raconte son
sort à un de ses pairs prêtres (aveugle) qui accepte de lui donner un peu de
son sang pour le rassasier. En revanche, ce vampire ne semble guère craindre
les crucifix, paradoxe qui ne sera pas exploité par le film. Le ressentiment de
Sang-hyun est celui de se vautrer dans le péché et il va encore plus y aller
quand il va rencontrer Tae-ju (Kim Ok-bin).
C’est
la belle mère de Tae-ju, Madame Ra (Kim Hae-sook) qui débarque un jour dans le
bureau de Sang-hyun. Elle se colle à la fenêtre comme une folle pour réclamer
de l’aide pour son fils Kang-woo (Shin Ha-kyun). On comprend très vite que
Tae-ju, plus que l’épouse de Kang-woo, est la servante de la famille. Le fiston
est un peu débile, pas franchement une lumière. Mais il est l’ancien camarade
de classe de Sang-hyun et à ce titre va être invité à venir jour au mahjong
chez les Ra avec d’autres personnes aussi ennuyeuses. Un policier acariâtre et
stupide et un employé qui a épousé une Philippine puisque personne ne voulait
de lui. Pour le prêtre et la bru, ces parties de mahjong vont devenir synonymes
de parties de jambes en l’air. D’abord dans le magasin alors que tout le monde
joue à l’étage, ensuite à l’hôpital où ils sont bénévoles, finalement dans la
piaule du prêtre. Un dialogue en double langage lors d’une partie de mahjong
entre tous les invités celle les liens amoureux et adultérins de Sang-hyun et
Tae-ju.
La
première partie de Thirst jouait sur
les ambigüités, les doubles sens du langage, sur la romance naissante et
interdite avec des interrogations sur la culpabilité. La deuxième heure navigue
sur des eaux plus convenues à la fois de l’horreur (Tae-ju contrairement à son
amant décide de tuer pour se nourrir) et de l’amour (certaines scènes de sexe
sont tout simplement ennuyeuses parce que trop longues, banales avec une caméra
qui filme le couple en plongée en train de baiser). Park Chan-wook montre tout
et montre souvent trop, ce qui est aussi un problème. Il montre des dizaines de
fois les cicatrices des vampires qui se closent par magie, il filme des scènes
explicatives sur la vie des vampires avec des allusions aux maladies du sang,
dont les porteurs seraient comme dans une caste à part, une sorte de secte dont
il ne faudrait pas sortir si ce n’est pour être un héros (Sang-hyun accueilli chaque
fois en sauveur par les ridicules campeurs) ou comme un assassin (Tae-ju qui
fait venir son « repas » chez elle pour les croquer).
Que
faire d’un mari encombrant et débile ? S’en débarrasser répond Tae-ju avec
un sourire pervers, comme elle dit elle-même. Après une scène de bateau pseudo
poétique (ah le reflet de la lune éclairant Sang-hyun dans l’eau), l’humour
entre un peu dans Thirst avec un
Kang-woo noyé qui revient emmerder le couple en s’immisçant entre eux pendant
l’amour. Avec son sourire niais, Kang-woo campe un parfait imbécile dont on est
ravi qu’ils s’en soient débarrassés. La vieille mère devient amorphe et ne
s’exprimera qu’en clignant des yeux donnant un effet comique à l’ultime partie
de mahjong. Après cet humour un peu salvateur bien qu'il se fasse contre ces personnages, le film sera dans sa fin plombé
dans l’illustration avec un hommage poussif à Kubrick (l’appartement peint en
blanc) et la séquence finale, variation poétique appuyée avec l’objet du début
de leur relation amoureuse qui termine le film. Comme souvent dans ces films
longs (ici 2h13), à velléités formalistes, le résultat est bancal et satisfera les amateurs du genre.
Thirst (박쥐) Un film de Park Chan-wook avec Song Kang-ho, Kim Ok-bin, Shin Ha-kyun,
Oh Dal-su, Kim Hae-sook, Mercedes Cabral, Park In-hwan, Song Young-chang, Eriq
Ebouaney.
2 commentaires:
J'ai particulièrement apprécié ce film qui à le bon goût de ne pas tomber dans la facilité, et bénéficie d'acteurs qui jouent à la quasi-perfection.Des caractéristiques bien rares à une époque où la surenchère est de mise concernant le vampire, et son utilisation dans le 9e art. A mon sens, à ranger à côté d'ONVIS comme The Addiction ou La sagesse des crocodiles.
C'est donc en amateur que je me suis laissé emballer par le film. Entre les scènes les plus crues, Park Chan-wook est aussi capable de très belles images, la fille chaussée dans la nuit en pleine course par exemple.
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