Après
Beauté de la beauté, Yoshishige
Yoshida a passé plusieurs années au Mexique (entre 1978 et 1982) pour préparer
un film qui n’a jamais vu le jour. Promesse
est donc la première fiction qu’il tourne depuis Coup d’état en 1973. Ce qui frappe d’abord est que le cinéaste
japonais, héraut de la Nouvelle Vague, de la métaphore politique et du formalisme, est la
totale lisibilité de son film, comme si après tant de films sans récit, il
souhaitait revenir à une forme classique. Le sujet de Promesse n’est pas éloigné de celui de La Ballade de Narayama de Shohei Imamura : la vieillesse et
ses conséquences sur une famille lambda de Tokyo. Dès l’ouverture, la
grand-mère Tatsu Morimoto (Sachiko Murase) est morte. Elle vivait avec son
époux Ryosaku Morimoto (Rentarô Mikuni) dans la maison de banlieue de leur fils
Yoshio (Chûchirô Kawarasaki). Ce dernier est marié avec Ritsuko (Orie Satô), et
le couple a un fils et une fille adolescents qui vivent avec eux. Voilà pour la
famille.
Immédiatement,
le grand-père s’accuse d’avoir tué sa femme. Il n’en démord pas à tel point que
Ritsuko décide d’appeler la police pour mettre cette histoire au clair.
L’inspecteur Yoshikawa (Kôichi Satô) vient chez eux, tente de comprendre ce qui
s’est passé, cherche quelques indices. Le corps de la défunte est emporté pour
une autopsie et le grand-père est amené au poste. Là, le policier constate vite
que le vieillard radote et qu’il a des problèmes d’incontinence. La cérémonie
funéraire se déroule sans lui au domicile des Morimoto. Le rituel est appliqué
à la lettre, dans un cérémonial strict avec un autel où trône le portrait de la
grand-mère, des offrandes et le recouvrement de son corps par des linges
blancs. Mais ce rituel cache le trouble qui agite la famille. Tandis que le
cercueil est amené au cimetière, un long flashback débute qui va montrer les
conditions de cette mort.
Ce
que pointe Promesse est le
changement de la structure familiale. Tandis que sur le mur on aperçoit les
photos du grand-frère de Yoshio mort en kamikaze pendant la guerre, on voit les
deux enfants manger devant la télé en écoutant du rock. Le fil ainé est plutôt
insolent clamant que ses parents n’en peuvent plus de devoir cohabiter avec
leurs parents gâteux mais sans oser le dire. La mère se dévoue pour s’occuper
de sa belle-mère, la lave, lui prépare à manger, discute avec elle. Mais lors
d’un bain, elle ne manifeste aucune angoisse de voire la grand-mère se laisser
mettre sa tête comme pour se noyer dans la baignoire. Le père, col blanc dans
une boite de publicité, est l’incarnation du lâche qui trompe sa femme avec une
de ses collègues et laisse Ritsuko dans son rôle de garde chiourme. Le portrait
de cette famille est sévère mais ne tombe jamais dans l’écueil de la
condamnation. Yoshihsige Yoshida enregistre cliniquement le changement de mœurs,
le passage vers l’individualisme.
Le
grand-père comprend que son épouse devient sénile lorsqu’elle fait sous elle.
Il décide de la placer dans un hôpital. Dans une scène étonnante, on découvre
dans une chambre quelques personnes âgées en train de rire, l’un d’eux cherche
à se pendre mais le drap ne tient pas. Ailleurs, une vieille dame téléphone
avec un verre parce que ses enfants ne viennent plus la voir. L’hospice n’est
pas montré comme un enfer comme un espace à part, un dernier lieu de vie où les
facéties des vieux n’ont plus aucun sens. D’une certaine manière, on est proche
du fantastique, notamment grâce une musique lancinante composée de clochettes.
Le grand-père, d’abord tout à fait vaillant, commence lui aussi à devenir
gâteux, à se pisser dessus, à ramasser les poubelles dans la rue, à aller
creuser sa propre tombe dans son village natal.
Le
grand-père est sénile et bien entendu la police commence à avoir des doutes sur
la véracité des faits dont il s’accuse. C’est qu’il commence à passer vers l’autre
monde, pas celui de la sénilité, mais vers la mort. L’eau fait dans Promesse office de passage vers l’au-delà.
L’eau sous diverses formes (pluie, rivière, bain mais aussi les fluides
corporaux) est très présente dans le film. Au centre du récit se trouve le
miroir d’eau de la grand-mère, une bassine où elle se nettoie et où elle se
regarde vieillir, où son visage se déforme tout en tentant de rester femme. Ce
miroir lui tend une image qu’elle refuse. Par un double effet de réflexion, la
crise familiale se développe partout : la grand-mère quitte la maison, la
mère veut quitter son mari ; le fils aîné sert de modèle, l’adolescent n’en
est pas un ; le grand-père veut rester au plus près de sa femme, le père
trompe la sienne. Chaque action de l’un est l’inverse de l’autre dans un effet
de fascination destructrice de la famille. Promesse
montre cette explosion avec un calme bouleversant.
Promesse
(人間の約束,
Japon, 1986) Un film de Yoshishige Yoshida avec Rentarô Mikuni, Sachiko Murase,
Chûchirô Kawarasaki, Orie Satô, Kôichi Satô, Tetsuta Sugimoto.
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