Pour
prolonger l’analyse sur l’œuvre de Yoshishige Yoshida (et en finir par la même
occasion), il faut signaler que les éditions Capricci sortent ce mois de
février 2013 un livre du cinéaste sur son séjour au Mexique entre mars 1978 et
juillet 1982. Après avoir tourné Beauté
de la beauté en Europe et en Egypte, il décide, épuisé, de tourner un film
sur un fait historique mettant en scène les relations entre le Mexique et le
Japon. Dans les années 1610, le samouraï Hasekura Tsunenaga, converti au
christianisme s’installa au Mexique. Il décida de se rendre à Rome en navire
pour ouvrir l’empire sur le monde occidental. Entre son départ du Japon et son
arrivée sur le vieux continent, la politique du Japon avait changé et
l’archipel était en plein isolationnisme.
Vicente
Silva devait produire ce film. Homme progressiste (Yoshida et son traducteur
Mathieu Capel utilisent le terme de « libéral »), ayant eu une
éducation en URSS et en Italie, Silva accueille le cinéaste dans une industrie
cinématographique gangrénée par deux maux. Le premier est le pouvoir excessif
des syndicats corporatistes qui obligent les productions à engager des membres
du syndicat et à respecter les règles, que l’on jugera de fonctionnaires, sur
les tournages. Le deuxième mal est la pression économique que fait subir
Hollywood au Mexique où les cinéastes viennent tourner, à moindre frais, leurs
films « exotiques ». Déjà la délocalisation. Malgré les efforts de
Silva et de Yoshida, le film ne se tournera jamais mais le cinéaste japonais
reste tout de même là bas quatre ans. Tout comme Eisenstein, 40 ans plus tôt,
lors du tournage de Que viva Mexico.
On
est très loin d’un récit catastrophe qui aurait pu être l’équivalent littéraire
de Lost in La Mancha. A vrai dire,
Yoshida consacre peu de pages à la production de son film. Il n’est pas non
plus un journal intime, ni une analyse de son œuvre. Il voyage dans le Mexique,
fait des rencontres, visite des lieux. En Basse Californie, il découvre des
peintures rupestres et s’intéresse à la nature et l’origine de l’art. Il se
passionne pour des prisonniers qui jouent une pièce de théâtre. Il s’interroge
sur les premiers voyages de Christophe Colomb et sur l’esclavage des Indiens.
Il analyse les effets de la Révolution de Zapata. Ses observations sont celles
d’un intellectuel qui cite, entre autres, Foucault, Montaigne, Duchamp,
Levis-Strauss. Comme dans ses films des années 1970, son analyse foisonnante n’est
pas évidente. Pour être honnête, il m’est arrivé d’être un peu perdu dans cette
odyssée intellectuelle comme l’auteur s’est égaré dans la production d’un film
qui ne s’est jamais fait.
Odyssée
mexicaine ; Voyage d’un cinéaste japonais, 1977 – 1982. Un livre de
Yoshishige Yoshida publié en 1984 au Japon et en 2013 en France, éditions
Capricci, 268 pages, 21 €.
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