Les
fantômes du passé sont les invités surprise du mariage de Nozawa (Fumio
Watanabe) et Reiko (Miyuki Kuwano). En cette journée d’automne 1960, les deux
fiancés ont convié à leur cérémonie tous les camarades étudiants, anciens pour
Nozawa, désormais journaliste et actuels pour Reiko, encore à l’université. Udagawa
(Hiroshi Akutagawa), un ancien professeur du marié fait le traditionnel
discours où il explique que même s’il n’a pas toujours soutenu les opinions
politiques de ses étudiants, il les a constamment respectées. Il est alors interrompu
par Ota (Masahiko Tsugawa), qui n’était pourtant pas invité et qui est
recherché par la police. Ce dernier commence à parler à l’assemblée de Kitami.
Cet
homme, Kitami (Toru Ajioka) a disparu après les manifestations du 15 juin 1960
où des étudiants gauchistes (pour ne pas dire communistes) ont été tabassés par
la police pour avoir protesté contre la signature d’un traité entre le Japon et
les Etats-Unis. La manifestation est reconstituée avec cinq militants qui, face
caméra, devant un fond noir, narrent les événements. Cela rappelle à Takumi (Ichiro
Hayami), un autre invité ce qui s’est passé en 1953 avec la disparition puis la
mort de Takao, un de leurs amis alors que Nozawa était encore étudiant et qu’il
était un militant communiste. Il s’agit dans Nuit et brouillard au Japon d’évoquer la radicalisation des
militants de gauche, le mariage entre Nozawa (l’ancienne garde née sous Staline
en pleine guerre de Corée) et Reiko (la nouvelle garde née quand la société
japonaise s’occidentalise à outrance) est le symbole de la réconciliation entre
les deux tendances.
Le
film est construit en longs flash-backs entre les trois moments (1953, le 15
juin 1960 et le mariage). Chaque souvenir s’ouvre sur un fondu au noir, non pas
effectué au montage mais en éteignant les lumières du plateau de tournage. Cela
produit un effet lugubre accentué par des longs et superbes plans séquence où
tous les protagonistes s’observent. Chaque personnage raconte sa version des
faits sur ces deux disparitions qui sont autant d’énigmes à résoudre. La
tension entre les personnages augmente au fur et à mesure que le suspense
grandit et que les langues se délient. Takao a-t-il libéré un mouchard à la
solde de la police venu les espionner ? Qui pense que la ligne du parti
défendue par Nakayama, chef de la section étudiante, est la bonne ?
Fallait-il aller manifester contre le traité alors que cela est probablement
vain ? Ils semblent bien incapables, engoncés dans leur conviction, de
répondre.
C’est
la théâtralité du discours politique qui est mise en pièce par Nagisa Oshima.
Il montre précisément que les slogans, les directives politiques et les idéaux
vont à l’encontre des actes des étudiants communistes. Ils discutent sans cesse
mais n’agissent jamais. Qui plus est, leur vie est devenue l’inverse de ce qu’ils
combattaient jadis : un mariage et des professions petit-bourgeois. Le vernis
se craque encore plus quand l’épouse de Nakayama doit confesser qu’elle était,
en 1953, la maîtresse de Nozawa. Ensemble, ils écoutaient des disques de
Chostakowich et rêvaient de fuir amoureusement ensemble. Nuit et brouillard au Japon n’est pas seulement la critique acérée et
exigeante des militants communistes mais également la marque d’une déception de
Nagisa Oshima devant la débandade d’idéaux qu’il partageait quand il était
lui-même étudiant.
Nuit
et brouillard du Japon (日本の夜と霧, Japon, 1960) Un film de Nagisa Oshima avec Miyuki Kuwano, Fumio
Watanabe, Hiroshi Akutagawa, Shinko Ujiie, Akiko Koyama, Kei Sato, Rokko Toura,
Masahiko Tsugawa, Toru Ajioka, Ichiro Hayami.
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