Concilier l'ancien et le nouveau est
l'ambition de Tai chi zero, premier
volet du diptyque conçu par Stephen Chow et qui sort cette semaine en dvd chez
Wild Side. La deuxième partie, Tai chi
hero sortira fin août. L'ancien, c'est cette relecture actuelle de
l'histoire de la Chine et de ses personnages emblématique (Ip Man vu au cinéma
cinq fois, Chen Zhen, Qiu Jin) et désormais Lu-chan, le développeur de la
technique du tai-chi. Il faut d'abord signaler que Tai chi zero n'est pas le remake de Tai chi master de Yuen Woo-ping avec Jet Li. En revanche, on peut
constater qu'au début des années 1990, Hong Kong, juste avant la rétrocession
revenait aussi sur l'histoire de certains de ces héros, Chen Zhen encore dans Fist of legend, Fong Sai-yuk et Wong Fei-hong dans les Il était une fois en Chine. Il est intéressant de voir que
régulièrement le cinéma de Hong Kong et de Chine a besoin de se tourner sur son
passé et récrire la légende de ses héros.
L'ouverture du film se fait en
plusieurs temps. D'abord, une représentation de l'époque (dynastie Qing
finissante, 19ème siècle), où Lu-chan (Jayden Huan) est l'un des soldats
engagés dans une bataille de la guerre des clans. L'homme est pourvu d'une
corne sur le front que son chef frappe et qui découple ses forces mais l'épuise
physiquement. Puis, on continue avec un court flashback sur la naissance et
l'enfance du personnage où Shu Qi incarne sa mère. Ce flashback est construit
comme un film muet en noir et blanc, avec intertitres qui reprennent les
dialogues. Puis, enfin le générique d'ouverture mêlant animation et prise de
vues réelles avec Lu-chan adulte qui se rend au village de Chenjiagou. Comme
dans un vieux Shaw Brothers, chaque acteur est présenté avec son nom et son
personnage inscrit sur l'écran avec, cette fois, une indication aux plus jeunes
spectateurs (Fung Hak-on « ancien cascadeur de Jackie Chan » par exemple).
L'idée de la distribution est de
mêler jeunes et anciens acteurs. Les anciens : Bruce Leung, le méchant de Crazy kung-fu, film auquel on pense beaucoup,
dans une courte apparition. Hung Yan-yan, le Pied-bot des Il était une fois en Chine, ici dans le court rôle du gardien du
village des Chen. Car, tout le monde ne peut pas rentrer dans ce village et
Lu-chan (incarné par un jeune champion olympique de kung-fu) doit passer
quelques obstacles, dont l'ultime sera d'affronter Chen Yu-niang (Angelababy),
la fille du chef du village. Plutôt que d'inscrire l'affrontement dans les
dialogues, l'une des belles idées du film, à la fois ludique et didactique, est
de montrer les mouvements de l'art martial visuellement, en décrivant avec des
cercles, mots et flèches. Montrer ainsi la chorégraphie des combats de Sammo
Hung est une nouveauté et affirme la volonté d'authenticité en appuyant sur
l'aspect cartoonesque des scènes. Lu-chan rencontre alors un vieil artisan
(Tony Leung Ka-fai) qui lui conseille d'imiter les gestes des adversaires. Cet
homme, mystérieux, que l'on voit grimper obliquement les murs, est en fait le
chef du village Chen.
Lu-chan est d'abord un homme innocent
et naïf et surtout pas très malin (on a vite compris que l'artisan est le chef
Chen) mais il apprend vite. Il affronte la belle Yu-niang par les arts
martiaux, mais pour cette dernière, la rencontre avec Lu-chan lui permet un
retour aux sources. Tout comme le personnage de Rosamund Kwan dans Il était une fois en Chine, Yu-niang
est passionnée par les avancées technologiques occidentales. Passion qu'elle
fait découvrir aux villageois (elle leur sert du café, elle allume des lampes,
elle fait écouter un phonographe) et qu'elle partage avec Fang Zi-jing (Eddie
Peng, acteur taïwanais, ce qui permet de réunir dans un même film des acteurs
des trois Chine), son fiancé. L'une des répliques amusantes est sortie par un
vieux paysan qui se demande pourquoi le jeune s'est mis un crachoir sur la tête
en parlant de son chapeau haut de forme. Zi-jing est mandaté par le
gouvernement impérial pour faire passer le train (la Chine commence à
développer se chemins de fer) au milieu du village.
Ce qui est plaisant dans cette grosse
machine commerciale qu'est Tai chi zero
(et on imagine sa deuxième partie) est que précisément Stephen Fung tire les
leçons des réussites passées pour faire de son film un habile mélange de
nouveauté visuelle tout en rendant hommage au films d'arts martiaux anciens de
la Shaw Brothers à Tsui Hark. Il réussit, à l'instar de Stephen Chow avec ses
propres films, à combiner différents niveaux de comédie : gags visuels, humour
qui joue sur les situations et les quiproquos, dialogues comiques ; et à
alterner ces moments de comédie avec des enjeux dramatiques moins intéressants
et peu développés. Le personnage de Zi-jing ne sait pas s'il doit obéir
aveuglément à son chef et sacrifier son amour pour Yu-niang. L'arrivée de
Claire (Mandy Lieu), femme au fort tempérament élevée à Londres va pousser
Zi-jing a affronter les Chen, qui le méprisaient, avec la machine infernale
conçue par les occidentaux. C'est une métaphore aucunement déguisée du cinéma
hollywoodien désormais en concurrence avec justement des films de la trempe du
diptyque. Tai chi zero parvient
suffisamment à remplir son cahier des charges, à satisfaire ses ambitions et à
divertir pendant 90 minutes pour donner envie de voir comment Lu-chan inventera
dans Tai chi hero son art martial
intérieur.
Tai chi zero (太極1:從零開始, Hong Kong – Chine, 2012) Un film de
Stephen Fung avec Tony Leung Ka-fai, AngelaBaby, Jayden Yuan, Eddie Peng, Fung
Shiu-fung, Shu Qi, Stanley Fung, Ying Da, Bruce Leung, Fung Hak-on, Chen
Sicheng, Xiong Naijin, Hung Yan-yan, Yuan Wen-kang, Andrew Lau.
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