Gros
plans sur des yeux exorbités, un nez bossué, une bouche entrouverte, plans
d’ensemble sur ce visage d’homme derrière les volets d’une fenêtre qui le
rendent mystérieux. Il rentre dans la maison sans être invité. L’ouverture de L’Obsédé en plein jour, montée en plans
très courts (comme le reste du film en noir et blanc, on dit que 2000 plans le
composent, un record chez Nagisa Oshima) crée le suspense sur cet homme à l’air
patibulaire. Une jeune femme fait le ménage. Elle le reconnait immédiatement.
C’est Eisuke (Kei Sato). Il vient du même village que Shino (Saeda Kawaguchi).
Ils ne se sont pas revus depuis un an.
L’obsédé
du titre, c’est Eisuke, selon l’inspecteur Haraguchi (Fumio Watanabe) qui
enquête sur une série de viols commis partout dans le Japon. Il interroge
Shino, découverte évanouie dans la demeure de ses employeurs. Une fois réveillée,
elle constate que sa patronne a été assassinée. Devant le policier, elle feint
de ne pas se rappeler ce qui a pu lui arriver. En vérité, elle veut écrire à Matsuko
(Akiko Koyama), l’épouse d’Eisuke. Dans une lettre, filmée en travelling
verticaux où le texte est lu en voix off, Shino demande l’autorisation de
divulguer le nom du violeur. Matsuko, professeur dans son village, ouvre la
lettre, la lit mais ne répond pas.
Le
récit policier n’intéresse pas du tout Nagisa Oshima. Il fait de l’inspecteur
un homme qui colle aux basques de Shino en attendant qu’elle donne enfin un
nom. Ce qui passionne en revanche le cinéaste est le passé de ces personnages
dans ce village où tout le monde se connait, où on annonce par haut parleur les
nouvelles locales et que Shino a quitté pour Tokyo suite aux événements
survenus un an auparavant. Le film alterne jusqu’à l’issue de l’histoire les flashbacks
qui permettent de comprendre ce qui s’est passé et les rencontres entre Shino
et Matsuko au présent. Là encore, le montage crée entre les deux femmes un
dialogue de sourds.
On
découvre une histoire d’amour contrariée entre les trois protagonistes auxquels
il faut ajouter Genji (Rokko Toura). Ce dernier est responsable, avec Matsuko,
d’une ferme collective. Genji voit son rêve communautaire s’effondrer avec une
pluie torrentielle qui dévaste tout. C’est avec lui que Shino perd sa virginité
(elle a 18 ans) en abusant d’elle. Eisuke ira les observer dans la grange qui
leur sert de cachette. Il est amoureux de Shino mais son caractère sauvage
l’empêche de le lui révéler. En revanche, Matsuko est amoureuse d’Eisuke. Genji
propose à Matsuko de l’épouser. Elle se mariera avec Eisuke qui ne l’aime pas.
Le
film tourne autour de ce quatuor de personnages. A l’exception de Shino,
incarnation de la candeur, ce sont des âmes torturées. Ce que dit L’Obsédé en plein jour autour de la
frustration sexuelle est qu’elle est le résultat d’une société cadenassée,
surtout dans un village. La mort et la violence semblent être les dernières
solutions trouvées par les personnages. Genji veut pratiquer le suicide rituel
le jour-même où on annonce son élection au poste de chef du village. Eisuke
viole les femmes pour se venger du refus de Shino de l’épouser. Prenant le
contre-pied de son film précédent Les
Plaisirs de la chair (film en couleur et en plan séquence sur quatre
femmes), Nagisa Oshima se lance dans un cinéma politique virulent avec une
maîtrise narrative redoutable.
L’Obsédé
en plein jour (白昼の通り魔, Japon, 1966) Un film de Nagisa Oshima avec Kei Satô, Saeda
Kawaguchi, Rokko Toura, Akiko Koyama, Fumio Watanabe, Hideo Kanze, Hideko
Kawaguchi, Teruko Kishi, Hôsei Komatsu, Narumi Kayashima, Ryoko Takahara, Taiji
Tonoyama, Sen Yano.
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