A
peine sorti de l’adolescence, pas encore rentré dans l’âge adulte, Mi-août (Sam
Lee dans son tout premier rôle) traine son grand corps tout maigre entre le
minuscule appartement qu’il partage avec sa mère et les rues des quartiers
populaires. Son nom, il le doit à son jour de naissance, le 15 août après une
nuit d’amour entre son père qui est depuis passé à d’autres femmes et a eu
d’autres enfants et sa mère (Doris Chow). Elle tente, tant bien que mal, de
gagner sa vie. Elle est caissière dans un supermarché.
Le
jeune homme rêve d’une autre vie en cette année précédant la rétrocession de l’ancienne
colonie britannique à la Chine. Il a quitté l’école, n’a aucune formation et ça
n’est pas l’aide de Miss Lee (Siu Chung), la très compréhensive assistante
sociale, qui va remplir sa vie. Rêver dans Made
in Hong Kong, ça veut dire pour Mi-août s’habiller à la mode (les shorts et
chemises sont moulantes), se coiffer à la mode (il a un chouette mulet), porter
une boucle d’oreille. Ça veut surtout dire gagner du fric sans rien foutre.
Son
petit boulot actuel est d’aller collecter de l’argent pour un usurier, un
boulot de petit voyou. Sa mission l’amène chez Ping (Neiky Yim), ado de 16 ans.
La mère de Ping (Carolina Lam), fort en gueule, ne se laisse pas vraiment
impressionner par la grande tige qu’elle a devant elle. Mi-août est accompagné
de Jacky (Wenders Li, par ailleurs monteur des films de Pang Ho-cheung). Jacky
est un bon gros gaillard que son pote traine avec lui. En fait, il en prend
soin car Jacky est un attardé mental qui se comporte comme un enfant.
Leur
vie va changer le jour où Boshan (Amy Tam) se suicide en se jetant du haut d’un
immeuble. Elle tenait deux lettres que Jacky a récupérées sous son corps. Les
deux missives, tachetées de sang, vont suivre les deux garçons. Mi-août pense
qu’elles vont lui porter malheur. La mort de la jeune fille, qui a subi une
déception amoureuse, va hanter Mi-août, Jacky et Ping. Le trio va apporter les
lettres à leurs destinataires, va se promener dans l’immense cimetière de Hong
Kong et invoquer Boshan, va rêver d’elle pendant leur sommeil.
Le
miracle de Made in Hong Kong est de
parler de la mort dans une atmosphère joyeuse. Le paradoxe n’en est que plus
grand. Ping a une maladie des reins et attend un donneur. En attendant, elle se
laisse séduire par Mi-août qui joue les machos des bacs à sable. Jacky se fait
harceler par des lycéens mais il est tout sucre devant Ping. Il se met, comme
un symptôme de sa timidité maladive, à saigner du nez quand il l’aperçoit. Les
parents sont désespérés d’avoir des enfants inconscients, mais les jeunes
vivent au jour le jour.
Tout
le monde est pauvre, cherche de l’argent, est harcelé par les créanciers. Mais
ça ne fait rien. Le film passe entre les mailles du filet du récit social
larmoyant. Au contraire, le ton de comédie emporte les personnages vers un
optimisme réjouissant. Fruit Chan montre sa ville sous toutes les coutures,
filme les petits appartements, les cours des immeubles, les marchés, enchaine
avec des plans sur les avions qui survolent les immeubles, fait courir ses
acteurs dans les rues bondées, dans le cimetière, dans les couloirs lugubres.
Le
cinéaste filme dans une sorte d’urgence comme s’il voulait montrer Hong Kong
dans cette période de la rétrocession. Un instantané de la ville pour se
souvenir de son aspect avant que tout ne change. Le ton était joyeux et
candide, il se fait de plus en plus noir, ou de plus en plus rouge. Rouge
couleur sang tant celui-ci va couler des corps de Ping, Jacky et Mi-août. Les
trois personnages ne maitrisent plus du tout leur destin. Leur adolescence qui
s’en va est une douleur insurmontable pour eux. Made in Hong Kong est le portrait de cette innocence perdue.
Made
in Hong Kong (香港製造, Hong Kong, 1997) Un film de
Fruit Chan avec Sam Lee, Wenders Li, Neiky Yim, Amy Tam, Carolina Lam, Chan
Tai-yee, Siu Chung, Doris Chow, Woo Wai-chung, Chan Sang, Eric Lau, Kelvin
Chung, Ah Ting, Jessica, Man Kit, Ah B Chai, Leung Tai, An Chi-man, Kan Chi-tak.
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