lundi 26 mai 2008

Le Syndicat du crime 3



Une troisième aventure du Syndicat du crime. Pourquoi faire ? D’abord du fric. Les deux premiers films réalisés par John Woo ont été des grands succès aux box office et le public ira voir une troisième mouture quel que soit le contenu. C’est le système industriel qui veut cela, tout comme l’idée de la trilogie (le coffret Metropolitan est d’ailleurs vendu comme tel). Ensuite, il faut bien l’avouer, c’est pour faire chier John Woo qui venait de quitter la Film Workshop en mauvais termes pour des raisons que l’on peut très facilement deviner quand on connaît le caractère dictatorial de Tsui Hark.

La volonté de Tsui Hark en entreprenant Le Syndicat du crime 3 est de voler la mythologie qu’avait inventée John Woo, se réapproprier le personnage de Chow Yun-fat, ou plus exactement, faire un film avec Chow Yun-fat, en tant qu’acteur avec tout ce que cela implique en terme de popularité et de charisme plutôt que le personnage lui-même car comme dit Tsui Hark, Le Syndicat du crime, c’est Chow Yun-fat. Ce que va vraiment tenter Tsui Hark, c’est de recréer un mythologie nouvelle autour de Mark Cheung alias Chow Yun-fat et pour cela, il faudra enlever tous les personnages qui gravitaient dans les deux premiers films. Puis de déplacer Mark de Hong Kong au Vietnam et enfin de changer d’époque, de 1986 à 1974.

Mark se rend donc à Saïgon dans le Vietnam Sud, encore indépendant (les troupes américains se sont retirées depuis quelques temps) mais qui lutte contre les assauts du Vietnam Nord. C’est la guerre civile. Mark va rejoindre son cousin Ah Man (Tony Leung Ka-fai) et son oncle (Shek Kin) qui vivent et travaillent au Vietnam. Ah Man est en prison et Mark va le libérer en corrompant les autorités. Mark veut évacuer son cousin et son oncle du bourbier qui est en train de se créer. D’ailleurs, les deux cousins vont être pris dans le tourbillon d’une manifestation qui va être réprimée par la police. On pense évidemment aux événements de la place Tien An Men qui se sont déroulés pendant la confection finale du film.

Sortir du bourbier vietnamien va donc être l’enjeu majeur du Syndicat du crime 3 et la personne qui va les sauver sera une femme qui se prénomme Kit (comme le personnage de Leslie Cheung) et cette femme sera incarnée par Anita Mui, la plus grande diva de la cantopop de son époque, la seule capable de rivaliser justement avec Leslie dans le cœur des spectateurs. Assez vite on va comprendre que le centre de la fiction va converger vers cette femme que Mark rencontre dans l’aéroport et dont il va immédiatement tomber amoureux. Elle le prend sous son aile, tout comme le cousin Ah Man, et très vite le film quitte le champ du polar que n’a jamais aimé Tsui Hark pour les cieux du mélodrame amoureux où trois personnages s’aiment mais n’arrivent pas à se le dire jusqu’à l’issue tragique. Là est la différence entre lui et John Woo et il est évident que les fans du premier Syndicat du crime détesteront celui-là, surtout s’ils attendent un autre polar.

Les scènes d’action sont toutes poussives et sans intérêt. Elles ne sont là, ces scènes de gunfight, que pour faire référence aux films de John Woo et vaguement satisfaire les fans de la première heure pour qui tous les plans de flingue se ressemblent. Mais cela n’est pas le cas. J’avais déjà signalé à quel point les femmes étaient absentes des films de John Woo. Tsui Hark fait l’inverse, c’est Kit qui va mener la danse, être le moteur de la fiction et créer de toutes pièces le personnage de Mark. Elle lui donne ses lunettes, son imper et surtout lui apprendre à tirer avec deux pistolets. La panoplie est là. Mais le plus important sera d’en faire un monstre de haine, ce qui constituera la seule chose à raccorder avec les Syndicat du crime de John Woo.

On a donc une Anita Mui merveilleuse avec un rouge à lèvres qui brille et qui en fait un personnage flamboyant. Mais elle a ses propres blessures et là est l’un des problèmes majeurs du film puisque Tsui Hark se met à tout nous expliquer. Son comportement est purement psychologique alors que chez John Woo, on agit à l’instinct. Le film est souvent beau à regarder avec quelques plans au cadrage savant et aux lumières extrêmement travaillées. Mais il y a une impression que cela tourne à vide. Tsui Hark était donc revenu à la réalisation après trois années de production très fructueuses. Le Syndicat du crime 3 a rapporté suffisamment d’argent pour que Tsui Hark puisse entreprendre son œuvre majeure : Il était une fois en Chine. Un retour vers le passé pour des lendemains meilleurs.

Le Syndicat du crime 3 (A better tomorrow III: Love and death in Saigon, 英雄本色 III夕阳之歌, Hong Kong, 1989) Un film de Tsui Hark avec Chow Yun-fat, Anita Mui, Tony Leung Ka-fai, Maggie Cheung, Andrew Kam, Shek Kin, Saburo Tokito.

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