jeudi 14 août 2008

Evil cult


J’ai rarement eu l’occasion de parler du cinéma de Wong Jing, c’est un tort. Le super-producteur (comme un dit un supermarché) mérite qu’on s’attarde en longueur et en largeur sur sa carrière, sur son œuvre et sur ce qu’il a apporté au cinéma de Hong Kong. Dans un film qui date de la rétrocession, Those were the days, on voit un sosie de Wong Kar-wai rencontrer un clone de Wong Jing. La scène se passe dans les toilettes le soir de la cérémonie des Hong Kong Film Awards. Cette rencontre entre les deux extrêmes du cinéma cantonais, l’industrie face à l’auteurisme, résume ce qu’on aime dans ce cinéma.

Dans un récent entretien pour hkcinemagic, Wong Jing affirme qu’il ne fera jamais de film d’auteur, car il ne sait pas faire. C’est comme si on demandait à Wong Kar-wai de faire un Young & dangerous dans les règles de l’art : il ne saurait pas faire. Mais en France, notre perversion naturelle nous pousse à rendre auteurs même les plus indécrottables réalisateurs commerciaux. Or parmi la pléthorique production de Wong Jing, il y a tout des films très regardables et même très bons, comme cet Evil cult, que d’aucuns affirment avoir été tourné par Sammo Hung.

A ce moment de sa carrière, Jet Li a rompu ses relations de travail avec Tsui Hark. Les deux hommes ont travaillé ensemble sur les trois premiers Il était une fois en Chine, avec un grand succès commercial comme critique. Ils se fâchent pour des différents artistiques, comme on dit. Wong Jing va donc embaucher Jet Li et lui proposer une nouvelle aventure de Wong Fei-hung : Claws of steel. Quelques autres films qui plaisent au public les confortent dans leur position. Evil cult est l’aboutissement de leur collaboration.

En toute honnêteté, il est très difficile de résumer Evil cult. Je ne suis même pas sûr que cela soit nécessaire. Pas certain non plus que cela soit utile. De toute façon, à force de trahisons, de retournements de situations, d’alliances secrètes, il est impossible de suivre le récit. Dès le départ, tout est confus. Une voix off nous parle de toutes les sectes (comprendre clans religieux) et de leurs rapports. On reconnaît les noms de Wu Tang et de Shaolin. Quant au reste…

Ce que l’on comprend très bien, c’est que Jet Li joue un héros qui cherche à venger la mort de ses parents. On les voie dans la scène initiale. Jet Li est recueilli par Sammo Hung (qui joue un centenaire, magnifique maquillage !) mais l’orphelin n’est pas en mesure d’apprendre le kung-fu car il a été marqué par le Spectre Noir. Il rencontrera plus tard, après avoir été chassé par son demi frère adoptif jaloux, un ermite qui lui apprendra les arts martiaux. Jet Li pourra enfin faire ce pour quoi il a été engagé : se battre. Et il le fera très bien et très souvent.

Le scénario de Evil cult n’est pas la chose la plus intelligente vue ces vingt dernières années. Mais il faut bien avouer que le tout ne manque jamais de saveur et qu’un plaisir coupable vient très vite au spectateur. Les combats sont nombreux et mis en scène par Sammo Hung, avec son savoir faire légendaire et sa manière personnelle de régler les affrontements et les chutes des pugilistes. Les décors sont soignés, malgré un budget d’évidence restreint, et les costumes comme les maquillages donnent un film un petit air Shaw Brothers, avec l’énergie et l’humour potache en plus. Mais Evil cult évoque surtout à Zu les guerriers de la montagne magique. Certes, on y vole beaucoup plus mais toujours en se moquant des lois de la gravitation. Cela joue sur l’imitation qui garantie une qualité plus que sur un hommage. Tout comme pour le personnage qui enseigne le kung-fu à Jet Li, copie conforme de Longues Moustaches (Sammo Hung) dans Zu.

Evil cult est, il faut bien le reconnaître, un bon film, qui plus très agréable à regarder et sans prétention. Il faut bien sûr aimer les explosions artisanales (pas d’effets numériques encore), les ricanements sardoniques des méchants, les héros naïfs au grand cœur et les jeunes filles espiègles. Le film a été un très gros succès public en son temps à Hong Kong, la scène finale semble proposer une suite au film. Sequel que l’on attend encore.

-->Evil cult (Kung fu cult master, 倚天屠龍記之魔教教主, Hong Kong, 1993) Un film de Wong Jing avec Jet Li, Sammo Hung, Francis Ng, Chingmy Yau, Cheung Man, Richard Ng, Leung Kar-yan.

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