samedi 23 août 2008

La Danse du lion + Dragon lord



Je me suis toujours demandé s’il était possible de théoriser le cinéma de Jackie Chan comme on peut le faire pour celui de John Woo ou de John Mac Tiernan ou encore de James Cameron. Pourquoi mettre en théorie un cinéma de pur divertissement qui ne cherche pas à parler des grands problèmes de ce monde ou, plus simplement, de mettre Hong Kong dans une perspective historique, de la placer dans une vision documentaire ? Question éternelle, qu’est-ce qu’un auteur de cinéma ? Y-en a-t-il à Hong Kong d’ailleurs au début des années 1980 ? Il existe une réelle différence stylistique entre La Danse du lion et Dragon lord, immédiatement visible, en deux ans Jackie Chan change radicalement de mise en scène.

Jackie Chan acteur d’action depuis quelques dix ans n’a pas eu beaucoup de chance avec ses films. La plupart est d’une belle médiocrité et d’un ennui profond. Il a tourné dans pas mal de films de Lo Wei qui a pour gloire d’avoir révélé Bruce Lee, certes, mais Bruce Lee était un personnage. Il faudra donc à Jackie Chan s’inventer son personnage et ne pas copier Bruce Lee. Difficulté de convaincre les réalisateurs et les scénaristes que Jackie Chan doit être Jackie Chan. Yuen Woo-ping dans Drunken master commence à élaborer ce Jackie Chan, un petit gars simple et malicieux qui est pris dans les rets des arts martiaux et de la discipline.


Dans La Danse du lion, Jackie Chan sera une jeune homme qui vit dans une école d’arts martiaux dirigée par Tien Feng. Il doit pratiquer la danse du lion avec un autre élève (Wei Pei). Ce dernier trahit l’école pour de l’argent et fait perdre la compétition. Il est banni de l’école mais Jackie Chan va partir à sa recherche. Jackie va être confondu avec lui par deux policiers (Yuen Biao et Shek Kin) qui l’arrêtent, bien qu’il clame son innocence. Une longue chasse à l’homme commence d’autant que Wei Pei s’est lié à une bande de malfrats.

Dans Dragon lord, Jackie Chan est encore une fois un jeune homme, mais il semble jouer un adolescent. C’est un cancre incapable d’apprendre la moindre leçon que lui prodigue son professeur. Lui et son meilleur ami (Mars) font mille bêtises, ils draguent les filles, ils cassent tout sans se soucier des conséquences. Un bandit cherche à vendre des objets antiques volés. Il va croiser la route de Jackie et Mars qui, à cause de leurs catastrophes, vont mettre des bâtons dans les roues de la bande, mais bien inconsciemment.

Les scénarios s’ils se ressemblent sur le papier sont largement différents dans leur développement. Celui de La Danse du lion est rectiligne, c’est d’abord le sort de Wei Pei qui l’irrigue et qui produit les divers combats d’arts martiaux qui ponctuent le film. Chaque mouvement scénaristique se résout par un combat quel que soit l’adversaire. De plus chaque combat est adapté suivant l’adversaire et propose un genre spécifique. Plus comique face à Yuen Biao (le combat du tabouret) ou complètement violent face au chef des bandits dans la dernière scène (sur une colline). Le film use et abuse de zooms violents et abrupts qui évoquent la manière de la Shaw Brothers. Les combats utilisent les mouvements saccadés qui ont souvent caricaturés le film de kung-fu.

Jackie Chan abandonne le zoom dans Dragon lord et se moque de l’intrigue des pilleurs d’antiquités. Il se concentre sur les gags infantiles que Mars et lui-même égrènent. Mars joue un Monsieur Catastrophe maladroit et stupide. Il joue aussi sur les quiproquos de situation et offre de belles trouvailles. Les deux jouent des ados facétieux travaillés par leur libido naissante. Quant aux combats, ils réservent deux surprises de taille. Jackie Chan détourne les règles du genre en mettant en scène deux spectacles sportifs qui montrent son agilité. Le premier est une compétition de volant, sorte de football où le ballon serait remplacé par un volant de badminton. On a même droit à un commentateur sportif. Le deuxième est une parodie de rugby. Certes, il y a encore un combat classique, très violent et spectaculaire qui utilise pour la première fois les ressorts du style particulier de Jackie Chan : l’utilisation des objets pour se battre et les chutes dangereuses, le tout dans une grande fluidité qui abandonne les mouvements saccadés.

Dès lors l’ambition de Jackie Chan sera de tourner moins (un ou deux films par an), d’en tourner un lui-même par an et de n’être que l’acteur pour un autre réalisateur (souvent Sammo Hung). Pour ses propres films, il sera toujours la vedette avec son rôle de redresseur de torts et veillera constamment à mélanger aventure, action, comédie et romance. Toujours pour la Golden Harvest, bien entendu. Jackie Chan écrira dans ces années 1980 les plus belles lettres de la comédie cantonaise. Un auteur en définitive.

La Danse du lion (The Young master, 师弟出马, Hong Kong, 1980) Un film de Jackie Chan avec Jackie Chan, Shek Kin, Tien Feng, Yuen Biao, Lily Li, Wei Pei.
Dragon lord (龙少爷, Hong Kong, 1982) Un film de Jackie Chan avec Jackie Chan, Mars, Tien Feng, Sidney Yim, Chang Chung.

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