C’est vraiment une bonne nouvelle que le dernier film de Soi Cheang arrive en France, même en DVD, moins de six mois après sa sortie en salles à Hong Kong. Coq de combat, voilà comme s’appelle aujourd’hui Shamo, inspiré d’un manga japonais, sans soute très populaire. En tout cas, le film est brutal et aussi désespéré que Dog bite dog.
Coq de combat inaugure son récit par des plans très calmes de la campagne. Une gentille famille mange. Papa, maman, la petite sœur et Ryo (Shawn Yue). Le repas est silencieux et un plan d’ensemble nous montre une belle flaque de sang sous les parents. Ils viennent d’être tué par le fiston qui reste sans bouger. La fille ne dit rien non plus. Ryo se fait arrêter par la police, parce qu’il est mineur (il est censé avoir seize ans), il est jugé en tant par la justice juvénile et écope d’une peine de deux ans de prison. L’incarcération ne se fera pas dans la joie. Le directeur est un sadique qui ne rechigne pas à bastonner Ryo, à le laisser les autres détenus torturer l’adolescent, et à l’humilier. Quelques scènes sont très dures, comme celle où Ryo est attaché et bâillonné et que le directeur lui apporte un délicieux repas qu’il ne peut pas manger.
Le jeune homme reçoit la visite de sa petite sœur. Elle lui annonce avec beaucoup de gentillesse qu’elle a été placée en foyer mais qu’elle va s’en aller de cette famille d’accueil. Pour gagner sa vie, grâce au crime de son frère, elle devra se prostituer. Bonjour l’ambiance familiale. Justement, se trouver une famille de remplacement est l’un des objectif de Ryo. Dans la prison, il trouve un ami, un bon petit gros qui le soutient et qui le vêtit quand les autres humilient Ryo. Cela arrive deux fois dans le film, en prison après une scène de torture, plus tard lors d’un combat où il se fait humilier par des gardes du corps. Puis le personnage de Francis Ng arrive. Il porte un uniforme rouge (un condamné à mort : il a assassiné le Premier Ministre) alors que les autres uniformes sont oranges. Francis Ng va enseigner à Shawn Yue le karaté (je rappelle qu’on est au Japon). Cette première partie de Coq de combat offre parmi les plus beaux plans vus dans le cinéma cantonais depuis pas mal de temps. Soi Cheang sait mettre en scène la violence et sait la magnifier, tout comme Park Chan-wook avait pu le faire dans Old boy. Certaines scènes font très mal, on ressent les coups, elles fascinent surtout. On peut citer un autre nom : Sam Peckinpah, par exemple avec sa manière de faire de gros cons violents des héros. Comme toujours, il n’est pas facile de dire que la violence peut être poétique, mais là c’est le cas, plus sans doute que Takashi Miike dans son étrange film de prison Big band love juvenile A.
Une fois sorti de prison, le personnage de Shawn Yue a grandi, il a désormais 21 ans et ses cheveux sont devenus blonds. Sa sœur est une pute accro à la drogue. Il est encore accompagné de son pote le gros. Ryo va cette fois chercher à expérimenter les leçons que Francis Ng lui a données. A partir de ce moment, le film se fait moins beau, mais reste tout autant glacial. Ryo se fait embauché pour combattre dans une ligue de boxe. Il va se battre dans le Lethal Fight, le combat à mort, que dirige Bruce Leung (qui était la « grenouille » dans Crazy kung-fu). Coq de combat enchaîne les combats, bien réglés, joliment éclairés et avec du suspense. Les sentiments entre les personnages ne sont pas les plus hauts.
C’est sans doute cela le plus étonnant dans la carrière de Soi Cheang, cette empathie pour les salauds, pour les mauvais sentiments est contre toutes les règles habituelles dans le cinéma de Hong Kong. Vraiment un auteur à suivre.
Coq de combat (Shamo, 軍雞, Hong Kong, 2007) Un film de Soi Cheang avec Shawn Yue, Bruce Leung, Pei Pei, Francis Ng, Annie Liu, Dylan Kuo.
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