mercredi 3 septembre 2008

Inju 陰獣

Quarante ans, au moins, de cinéma pour Barbet Schroeder et le voici cette année au Japon. Cinéaste de l’exil par excellence, il a filmé Ibiza, la Papouasie, l’Ouganda, la Colombie, et est aujourd’hui l’un des seuls cinéastes français qui tournent de bons films à Hollywood. Plus que l’exil, Schroeder est le cinéaste qui dépeint des hommes, et parfois des femmes, qui vivent en dehors des lois des hommes et mieux des dieux. Des démiurges qui inventent leur cosmogonie. Drogués, aventuriers, alcooliques, accro au jeu, dictateur, avocat sulfureux et bien entendu meurtriers. Seule la connaissance profonde des précédents films de Barbet Schroeder permet de lire entre les dialogues du scénario et les images a priori plates de sa mise en scène.

Inju (seul ce mot apparaît dans le générique écrit à la fois en français et en japonais) commence dans un Japon des années 1930. Une femme en kimono avance dans une maison. Une main monstrueuse enserre son cou et l’étouffe. Un jeune homme arrive pour la retrouver. Il s’aperçoit vite que sa bien aimée a eu la tête tranchée. Il va lui arriver la même chose. Le meurtrier a un visage monstrueux. Il quitte la maison, tandis qu’il est dans la rue, un générique de fin de film se déroule. La caméra recule et l’on comprend que c’était un film dans le film, en l’occurrence un film adapté d’un roman de Shundei Oe, un écrivain dont personne ne sait rien, que personne n’a vu mais qui a été le travail de la thèse de Alexandre Fayard (Benoît Magimel). Lui même est écrivain et son dernier roman a du succès au Japon. Son agent lui a donc concocté un voyage promotionnel là-bas.

Passionné de Oe, qu’il appelle affectueusement Shundei, Fayard va enquêter pour tenter de le rencontrer et sur son passage, il va rencontrer la geiko Tamao (Lika Minamoto) qui lui paraît tout à la fois énigmatique et proche. Tamao va l’aider dans sa recherche d’autant qu’elle affirme avoir connu Oe dans leur jeunesse et avoir été sa maîtresse. Fayard est sujet d’horribles cauchemars dans lequel Shundei Oe l’étrangle, dans lequel des flots de sang coulent, dans lequel Oe et son visage monstrueux tue. D’indice en indice, Fayard s’approche de l’écrivain. Une maison délabrée, un bouton argenté, un masque grotesque, tout semble aller vers la résolution de l’énigme de son identité. Parallèlement, Fayard et Tamao tombent amoureux et entreprennent une liaison.

Mais devant ses péripéties, devant tant de rebondissements, on reste étonné devant la direction d’acteur qu’utilise Barbet Schroeder. Les acteurs, et surtout Magimel, jouent à l’ancienne, presque avec grandiloquence. Les dialogues sont dits fort et de manière péremptoire. Quand arrive la résolution finale, on comprend mieux. Finalement, Schroeder essaie de produire, au Japon loin des contraintes hollywoodiennes, un polar psychologique don’t Hitchcock a été le chantre dans les années 1950. La passion de Schroeder pour Hitchcock est connue, il suffit de voir certains de ses films, et Inju, c’est cela. Un film américain des années 1950.

La déception devant le film est probable et sans doute voulue. Mais Schroeder adore brouiller les pistes et dans Inju, il y arrive de manière brillante. Encore, faut-il être prêt à vouloir se laisser mener en bateau pendant tout le film. Il faut donc faire attention aux indices lancés par le cinéaste, aux faux-semblants, aux masques et postiches, et comme dans Le Grand alibi d’Alfred Hitchcok aux flash-back.

Inju 陰獣 la bête dans l’ombre (France, 2008) Un film de Barbet Schroeder avec Benoît Magimel, Lika Minamoto, Shun Sugata, Gen Shimaoka, Ryo Ishibashi, Tomonobu Fukui, Kazuhiko Nishimura, Reika Kirishima, Kazuki Tsujimoto, Maurice Bénichou.

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