samedi 28 mars 2009

Les 3 Royaumes


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Je ne vais pas revenir sur ce que je pense des deux Red cliff sur lesquels j’ai écrit (Partie 1 et Partie 2). On passe donc d’une durée globale de 275 minutes à un film de 140 minutes, soit moitié moins de John Woo. Forcément, beaucoup de scènes manquent. A vrai dire, Les 3 royaumes dans sa version « occidentale » peut se regarder, mais quand on connaît le film complet, il est impossible de ne pas bondir de son siège. Il faut imaginer ce qui aurait pu se passer auprès des spectateurs si Le Seigneur des anneaux avait été condensé en un seul film de trois heures, par exemple. Le sentiment devant ce massacre est celui que ressentent beaucoup de lecteurs quand ils voient l’adaptation d’un film qui édulcore un roman.

La Partie 1 est résumée en moins d’une heure. Une voix off remplace les cartons qui expliquaient la situation. Dans la scène inaugurale, seul Cao Cao s’exprime. Les ministres n’ont pas droit à la parole. On devinait la méchanceté du Premier Ministre grâce à l’oiseau de l’Empereur qui traversait la cour pour se poser au creux de sa main. Toute cette lenteur pour faire imprégner son récit de mélancolie a disparu. Puis toutes les scènes sont expédiées. Le combat avec les boucliers qui servent de miroir arrive au bout de dix minutes ce qui intervertit l’ordre initial des scènes. John Woo avait bien pris soin de pratiquer le montage alterné entre cette bataille et le sauvetage du fils de Liu Bei. Cela a disparu. Tous les montages alternés qui donnaient du suspense ont disparu au profit d’un récit platement linéaire.

Il reste heureusement l’épisode de l’enfant qui joue de la flûte dans le palais du roi Zhu (Tony Leung Chiu-wai) qui montre sa bonté malgré son air martial. Mais l’épisode sur le moment de justice avec le buffle du vieux paysan n’est plus là. Dans notre version courte, le roi ne fait passer en parade ses soldats. Autant de beaux moments supprimés pour ne montrer que les batailles sans leurs tenants. D’une certaine manière, ce montage occidental ment sur les intentions initiales de John Woo. L’histoire de la mise à bas du poulain n’est plus présente rendant incompréhensible la remarque de l’épouse du roi au personnage de Takeshi Kaneshiro en fin de film.

Le personnage le plus sacrifié est celui de Xiang Shang (Zhao Wei) qui tient une grande importance dans la Partie 1 puisqu’elle tente de rivaliser avec les hommes pour faire la guerre à Cao Cao. Dans Les 3 royaumes, elle n’est plus que la sœur de Zhu. Elle aura ensuite une courte scène dans une bataille où elle sert d’appât au général du Premier Ministre. En revanche, quand elle est infiltrée dans le camp ennemi, seules les scènes d’espionnage sont désormais visibles. Son histoire d’amitié amoureuse avec le personnage du soldat idéaliste et naïf a été supprimée alors que c’était une des rares moments de légèreté et d’humour.

De la Partie 2, il ne manque donc à peu près qu’une heure. La scène des cadavres au typhus est vite expédiée, dans les deux camps. Le mage diabolique n’exerce plus et on ne voit même plus les crémations. Le personnage de Kaneshiro voit aussi sa métaphysique être mise à plat. Ses doutes et ses espoirs sont supprimés et l’histoire des flèches qui manquent au camp du Roi qui montrait sa loyauté n’est restituée que comme un morceau de bravoure.

Bref, ce sont tous les détails qui forment la psychologie des personnages qui ont été enlevés. Les conditions de vie ont également été édulcorées, comme juste avant la bataille finale où les soldats du Roi commencent à douter et à mourir de faim quand Zhu cherche à redynamiser ses troupes avec la cérémonie des boulettes de riz qui a disparu. Du coup, les rares scènes psychologiques qui subsistent paraissent un brin ridicules. En revanche, contrairement à ce qu’a écrit le critique du Monde, la scène de bataille finale (destruction des bateaux et siège du camp de Cao Cao) est pratiquement complète. Ce critique s’étonnait que d’une scène à l’autre, on passe de la nuit au jour. Mais il oublie que l’attaque commence à deux heures dans la nuit et qu’elle se poursuit longtemps (d’où sa longue durée dans le film) jusqu’au petit matin. Il constate l’incohérence du montage, mais pas aux bons endroits. C’est un métier de regarder les films. C’en est un autre de les comprendre.

Les 3 royaumes (Chine – Hong Kong, 2009) Un film de John Woo.

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