“De la chair fraîche” crie en cœur la foule du village. La cloche de la cantine vient de sonner et tous les habitants se ruent pour prendre leur part de viande. En l’occurrence de la viande humaine provenant des corps de deux marchands de poulets qui ont atterri dans ce village hors du monde car au beau milieu d’une île. Les villageois sont cannibales et ils espèrent chaque jour qu’un nouvel arrivant, forcément victime, vienne leur rendre visite.
L’ile n’est pratiquement peuplée que d’hommes. Tous ont des têtes de dégénérés, des gueules de traviole, comme échappés d’un asile. Ils sont nombreux à vouloir manger de la chair fraiche humaine mais le chef de la police (Eddy Ko) réquisitionne pour lui et ses hommes les trois quarts des morceaux de viande ne laissant aux villageois qu’une portion congrue. Le chef n’aime pas les intrus et ne va laisser personne prendre le contrôle de son bastion.
C’est alors qu’arrivent sur les lieux l’Agent 999 (Norman Chu) et un homme à lunettes (Kwok Choi-han). Même le passeur n’ose pas s’approcher trop près des côtes de l’île. Ils doivent finir le voyage à pied et traverser les quelques mètres de rivière. L’agent vient arrêter un redoutable voleur, Rolex (Wong Kam-seng), reconnaissable à son tatouage sur le torse en forme de poing. 999, à peine arrivé sur la terre ferme, se fait prendre dans un piège et se retrouve ligoté. L’autre homme, loin de l’aider, lui vole tout son argent et l’abandonne.
Des hommes masqués, largement inspirés de la figure du tueur de Massacre à la tronçonneuse, viennent chercher le repas du jour. Mais l’agent 999 est un expert en arts martiaux et sa force comme son intelligence a vite fait de se débarrasser des tueurs. Il arrive au village – tout comme l’homme à lunettes – devant les yeux éberlués des villageois qui n’avaient pas vu de chair fraîche se promener dans les rues vivantes. Le chef de la police va tenter de piéger l’agent en l’envoyant directement à l’abattoir.
Plus encore que Butterfly murders, le deuxième de Tsui Hark plonge dans un monde de pure folie. Histoires de cannibales a un titre anglais tout à fait explicite : We’re going to eat you (nous allons te manger). Le spectateur a droit à quelques jolis effets gore. Avant l’arrivée de l’agent 999, les deux marchands de poulets se font découper – dont l’un encore vif – par une grosse scie et quelques hachoirs. Le sang coule dans l’abattoir. Personne ne pourra sortir de l’enfer. Personne ne va aider l’agent 999 sauf le voleur Rolex, mais l’agent ne l’écoute pas et ne cherche qu’à l’arrêter.
Les femmes sont peu présentes dans Histoires de cannibales. La jeune Ah Leen (Michelle, déjà présente dans Butterfly murders) va tomber amoureuse de l’agent 999 mais le chef de la police en fait sa poule. Elle est donc considérée comme une traitresse. L’autre femme du film est la prostituée au corps massif (un acteur costaud l’interprète) qui cherche à toutes forces à baiser avec l’agent et aussi avec l’homme à lunettes. Vietnam Rose feint la timidité mais dès qu’un homme se refuse à elle, elle devient violente et bat les hommes. Là Tsui Hark fait preuve d’une certaine misogynie, mais l’humour l’emporte sur le mauvais goût.
Le film a beaucoup d’humour effectivement. Le spectateur rie contre ces affreux jojos qui peuplent ce village. Leurs visages et attitudes sont grotesques et cette absence de tomber dans le ridicule est réjouissante. Tsui Hark filme les monstres, comme l’agent, de la même manière avec une contre plongée qui provoque un sentiment d’inquiétude. Seuls les combats d’arts martiaux sont filmés à hauteur d’homme. Les chorégraphies et bastons qui ponctuent le film ne sont pas la meilleure chose du film. Tout est chorégraphié à l’ancienne, à la Jackie Chan des années 1970.
Ce qui frappe le plus, en revanche, ce sont les scènes nocturnes où seuls les visages sont éclairés dans une obscurité quasi-totale. Tsui Hark tente de faire de beaux plans et y réussit souvent notamment dans les discussions entre deux personnages pour ne pas se colleter l’habituel champ contrechamp. Enfin, la musique apporte un complément d’étrangeté. Des instruments désaccordés et des voix lugubres finissent de rendre le film passionnant et abouti.
Histoires de cannibales (We’re going to eat you, 地獄無門, Hong Kong, 1980) Un film de Tsui Hark avec Norman Chu, Eddy Ko, Wong Kam-seng, Han Kwok-choi, David Wu, Michelle.
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