mardi 2 février 2010

Locataires


Tae-suk (Lee Hyun-kyoon), un jeune homme pose des prospectus sur les portes des maisons. Il part en moto. Puis, il revient voir si ses papiers sont restés. Si tel est le cas, il s'installe dans la maison et vit sa petite vie : il mange, il dort, il lave à la main les vêtements des hôtes. Il se prend en photo dans l'appartement vide. Quand il s'aperçoit que les propriétaires reviennent, il quitte les lieux comme si de rien n'était. Pendant toute cette partie du film, aucun mot n'aura été prononcé. Le jeune homme restera impassible. Il est là, il reste discret. On n'en connaîtra jamais plus sur sa vie. Le psychologisme n'aura aucune prise sur son personnage. Cette première partie du film rappelle évidemment la solitude du moine de Printemps été automne hiver et printemps seulement voilà, dans Locataires, Kim Ki-duk ne nous propose pas une fable. Les scènes se passent dans la Corée d'aujourd'hui, dans une ville où on ne voit jamais personne.


Tae-suk rentre un autre jour, toujours par effraction, dans une maison bourgeoise qu'il croit vide. S'y trouve Sun-houa une belle jeune femme (Lee Seung-yeon). Tandis que Tae-suk s'adonne à son rituel de locataire, Sun-houa l'observe cachée. Il la voit et s'enfuit pour revenir plus tard étonné qu'elle n'ait pas réagi. Le téléphone sonne et nous comprenons que Sun-houa vient de se disputer avec son mari (Kwon Hyuk-ho). Il l'a frappé et décide de suivre Tae-suk dans d'autres maisons. Elle commence à rentrer, elle aussi, dans le jeu de Tae-suk. Entre eux s'installe l'harmonie qu'ils semblaient rechercher. Le mari, violent et possessif, ne l'entend pas de cette oreille et avertit la police qui arrête Tae-suk.


Locataires est a priori un film calme de Kim Ki-duk. Il n'y a pas de scènes choc comme dans ses précédents films, mais c'est le silence des deux protagonistes qui plonge le spectateur dans une sorte de songe éveillé. Les rapports diffus et ineffables entre Sun-houa et Tae-suk troublent par leur fragilité. La scène d'amour très pudique, où leurs corps nus s'effleurent, contraste avec celles, bestiales, de Bad guy ou d'Adresse inconnue. Jamais dans aucun film de Kim Ki-duk, le regard n'aura pris une telle importance. On se rappelle l'œil aveugle de la jeune d'Adresse inconnue, les visions anamorphosées du soldat meurtrier dans The Cost guard ou encore le voyeurisme du proxénète dans Bad guy. Ici, tous les sentiments forcément confus entre les deux jeunes amants passent par le regard. Tae-suk prend des photos de lui dans ses squats moins pour garder un souvenir que pour se prouver qu'il existe.


La mise en scène est au diapason de la formule "exister au regard de l'autre". Dans les séquences finales, en prison, Tae-suk devant invisible aux yeux de la société. Il s'évapore littéralement pour ceux qui ne veulent pas de lui dans ce monde réglé par les normes qu'il refuse. Comme dans ses précédents films, la solitude, la misère sexuelle, la marginalité et la brutalité des "notables" sont les sujets principaux de Kim Ki-duk. Cependant Locataires a aussi ses défauts. Le principal est sans doute l'abus d'une musique sirupeuse vaguement copiée sur Erik Satie et la répétition de la chanson de Natacha Atlas qui revient régulièrement dans la bande son.


Locataires (3-iron, 빈집, Corée, 2004) Un film de Kim Ki-duk avec Lee Seung-yeon, Lee Hyun-kyoon, Kwon Hyuk-ho, Choi Jeong-ho, Lee Ju-seok, Lee Mi-suk, Moon Sung-hyuk, Park Jee-ah, Jang Jae-yong, Lee Dah-hae, Kim Han, Park Se-jin, Park Dong-jin.

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