En 1954, à Taiwan, il n’en fallait pas beaucoup pour être mis en prison ou pour être exécuté au fusil. Il suffisait d’être accusé de communisme ou de sédition. Une lettre accuse un homme de trahison permet de se débarrasser d’un rival en ces temps où le Kuomintang a fait de Formose une République. Les dirigeants sont encore persuadés qu’il va être possible de revenir en Chine continentale et de faire l’union. C’est dans ce contexte de loi martiale que Yonfan plonge ses personnages de Prince of tears. Le titre du film vient d’un livre pour enfants que les petites filles du film aiment lire.
Un couple idyllique vit dans une caserne. Han-sun le père (Joseph Chang) est militaire. Avec son épouse Ping (Zhu Xuan), ils ont deux charmantes petites filles qui vont à l’école et qui sont épanouies. Le père joue souvent de l’accordéon pour la famille. Les sourires sont là, l’amour dans cette famille est visible. L’oncle Ding (Fan Chih-wei) travaille dans les services de renseignements. Il vient régulièrement rendre visite au couple. Il boite, il a une cicatrice sur le visage, il n’est guère loquace et il effraie un peu les fillettes. Un jour, les parents sont arrêtés et sont accusés de trahison communiste.
Les deux fillettes sont séparées. La plus grande va dans une famille d’amis de la famille où elle va servir de boniche : s’occuper du bébé pour que la mère puisse jouer au mahjong, par exemple montre Yonfan dans une scène qui manque de subtilité. La plus petite va habiter avec Ding dans son logement minuscule dans un hangar où un immense portrait de Sun Yat-sen trône. Au bout que quelques jours, les gens soupçonnent Ding d’être l’a l’auteur de la dénonciation des parents. Il serait amoureux de la mère et n’aurait rien fait pour sauver Han-sun d’une exécution. Le père mort, Ding pourra prendre la place du mari dans le couple.
Parmi les personnes qui aident les fillettes à mieux vivre, on rencontre une femme de la bourgeoisie, Madame Ou-yang Liu (Terri Kwan), épouse du Général Liu (Kenneth Tsang). Bien plus jeune que son mari, elle vient d’une riche famille de Shanghai et s’ennuie à Taiwan. C’est une femme progressiste qui passe beaucoup de temps avec sa fillette qui devient amie de la plus jeune des enfants de Han-sun. Régulièrement, elle se promène en voiture de luxe avec son chauffeur (Jack Kao) qui fait des rapports au Général Liu sur la journée de sa femme. Ou-yang garde une part de mystères, notamment concernant ses rapports avec Ping, la mère. Le finale reste énigmatique sans que l’on sache s’il s’agit d’un rêve ou non.
Yonfan filme avec beaucoup de soins cette reconstitution des premiers jours troublés de Taiwan. Le cinéaste possède un sens du détail qui rend très vivant le drame que vivent les membres de la famille. Il n’est pas facile de savoir si Prince of tears est une critique féroce de la dictature nationaliste puisque le méchant potentiel (l’oncle Ding) ne l’est sans doute pas. La voix off constante (le film est narré par Yonfan en personne mais ne représente aucun personnage) n’aide pas à dénouer les motifs psychologiques. Finalement, cela n’est probablement pas le problème de Yonfan qui ne cherche pas à faire un film politico-historique.
Il appuie l’atmosphère de l’époque avec son rythme lent et caresse les personnages de sa caméra et surtout celui de Joseph Chang filmé comme une gravure de mode. Il arrive parfois que l’on ait l’impression d’être dans un magazine de papier glacé. C’est très glamour et très à la mode d’aujourd’hui. Yonfan est l’homme orchestre de son film. Il est à la fois scénariste, réalisateur, créateur des costumes et des décors, directeur de la photographie. Yonfan en fait peut-être un peu trop, mais son film tient la route.
Prince of tears (淚王子, Hong Kong – Taiwan, 2009) Un film de Yonfan avec Fan Chih-wei, Terri Kwan, Joseph Chang, Kenneth Tsang, Jack Kao, Oceane Zhu , Lin Yo-wei, Li Lieh, Lisa Chiao-chiao, Yonfan.
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