Un anneau dans la narine gauche, des lèvres teintes en noir, une tenue de cuir et des cheveux en pétard tenus par des baguettes, l’arrivée de Sammi (Karen Mok) dans East meets West 2001, le nouveau film de Jeff Lau, se fait en fanfare. Elle a trente ans et chaque nuit, elle fait ce rêve étrange où une dizaine de femmes habillées de robe roses lui proposent de traverser le tunnel. Sammi est une rebelle, une grande gueule comme son accoutrement et son comportement l’attestent. Elle va à la rencontre de son père Kenny Bee (Kenny Bee) qui intervient en tant que lui-même mêlant fiction et vraie vie avec le retour de son groupe de cantopop les Wynners dans un stade archi-bourré de fans hystériques. En attendant, Bee est un loser, embauché dans un parc d’attractions pour jouer au vampire dans le train fantôme. Il doit quelques dettes à un homme louche qui a lancé ses sbires contre lui. Une seule solution : la fuite en avant.
Le film s’emballe frénétiquement pendant toute sa première partie et part à la rencontre des personnages tous plus facétieux et délirants les uns que les autres. Il s’agit pour Sammi et Bee d’échapper à leurs agresseurs et de retrouver Scarlet (Huang Yi), la femme de Bee, pour faire ce fameux concert. En haut d’une cascade du parc d’attractions, le quatrième d’une nuée d’oiseaux leur donne la force de sauter de cette falaise sans se faire. Le voir dans le film est plus simple que de le décrire, c’est surtout bien plus drôle. Première rencontre : un chauffeur de taxi (William So) qui s’entraine à devenir acteur dans sa voiture. Rencontre suivante : Jade (Tan Wei-wei), une apprentie chanteuse qui a laissé son millionnaire de papa (Jonathan Lee) pour vivre à la Bohème. Le papa a engagé Bing (Jaycee Chan, le fils de Jackie Chan, évoqué dans le film par le fiston dans des private jokes) pour surveiller la fille rebelle. Bing est le personnage le plus drôle, il essaie à toute force de convaincre le père de Jade de l’adopter lui et de l’abandonner elle, il se confond en obséquiosité et courbettes. Il aime même quand il lui file des claques parce qu’il n’arrête pas de lui lécher les bottes. Tout ce beau monde monte dans le taxi écrase Da Xiong (Ekin Cheng) dans une explosion gigantesque. Da Xiong, visage constamment enfariné, est muet et a un petit garçon. Tout le monde est mort ? Sûrement pas.
La présentation des personnages hauts en couleur était déjà tout à fait satisfaisante, provoquant à la fois la surprise par le ton adopté, pop, vif, rigolo, comme un cartoon des Looney Tunes sans que l’on sache vraiment où l’on aille et le rire parce que tout cela est proche de l’humour non-sensique (Jeff Lau a souvent travaillé avec Stephen Chow, moqué comme Jackie Chan) très lisible et compréhensif de tous (que l’on détienne les références ou pas. Le film va encore accélérer dans le délire. Si les protagonistes résistent à tous ces accidents, s’ils ne meurent pas, ça n’est pas qu’ils sont des super héros. C’est encore mieux que ça : ce sont des Dieux. Ouais, carrément. Eux-mêmes l’ignoraient d’ailleurs. Ils vont donc revêtir leur tenue et là encore, ça va très loin dans le grotesque assumé. Sammi aura une superbe combinaison rose, des cheveux blonds et des lunettes à paillettes (comme dans son rêve initial). Da Xiong, en tant que cuisinier, enverra des raviolis géants pour piéger les adversaires. Bing prendra le costume du sabreur manchot, mais ça fait un peul mal de se couper un bras et finalement endossera celui d’un vampire sautillant. Jade se servira de son doudou comme cape. Bee mettra sa chemise 60’s et une coupe au bol ou une banane. Ils sont forts, ils sont glam, ils sont incroyables.
Qui dit Dieux, dit démons à combattre. C’est peut-être là que le film s’enlise un peu dans son délire total. Charles (Eason Chan) est l’homme qui a commandité le concert des Wynners. Il sait que toute la bande de Sammi est constituée de Dieux et il veut les éliminer. A ses côtés, il reçoit l’aide de la diabolique Yashka (Stephy Tang) aux cheveux verts. Charles révèle la vraie personnalité de Sammi mais ils se rendent qu’ils s’aiment, sans doute depuis leurs toutes premières vies au bout de tant et tant de réincarnations, ils cherchent le moyen de vivre enfin leur amour. East meets West 2011 prend une tournure romantique entre les deux personnages, regards langoureux, musique douce, qui contraste avec tout le reste du film, en ralentit le rythme. C’est l’amour éternel que Jeff Lau décrit, le même que celui du Roi Singe. Mais le film, tourné à Shenzhen – coproduction chinoise oblige, reste visuellement éblouissant, jouissif dans son scénario et débridé dans sa mise en scène pour en faire l’un des meilleurs films actuels. Jeff Lau est donc ce qu’on appelle un bon cinéaste, ou comme diraient certains, un auteur.
East meets West 2011 (東成西就2011, Hong Kong – Chine, 2011) Un film de Jeff Lau avec Karen Mok, Eason Chan, Ekin Cheng, William So, Stephy Tang, Alex Fong Lik-sun, Kenny Bee, Tan Wei-wei, Crystal Huang, Jonathan Lee, Hu Ge, Liu Yu-qi, Jaycee Chan.
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