samedi 30 juin 2012

Coup d'état



« Avant d’agir, compter jusqu’à 10 » est la phrase mystérieuse qui lance Coup d’état, troisième volet des films sur les mouvements politiques du Japon, après Eros + massacre (l’anarchie) et Purgatoire eroïca (le communisme). Cette phrase est lancée par un jeune homme qui tranche au long poignard un magnat de l’industrie après avoir lu les ouvrages de Kita (Rentarô Mikuni), un idéologue révolutionnaire qui est centre du film. Le jeune homme s’est ensuite suicidé et a demandé à sa sœur d’apporter ses maigres affaires à Kita ainsi que sa tunique aux sangs mêlés de l’homme d’affaires et de lui-même. L’idée maitresse de Coup d’état est de disséquer l’influence des théories révolutionnaires acquises en Chine au début du 20ème siècle par Kita.

De ses expériences en Chine, en ayant assisté aux échecs des deux révolutions, Kita tire donc ses théories qu’une partie de l’armée souhaite appliquer pour mettre fin au pouvoir impérial. Son ouvrage s’appelle Le plan du renouveau du Japon et ses idées ne plaisent pas à l’Empereur qui, en réponse à un cadeau, lui fait parvenir, avec beaucoup d’arrogance, un courrier sur lequel aucun mot n’est écrit. Kita a aussi ramené un fils adoptif qu’il entend éduquer selon ses principes, ceux de la punition face à la peur. Or pour Kita la punition que va donner le pouvoir impérial face à la révolution en réponse à la peur que les autorités ressentent est la loi martial (terme qui traduit le titre original japonais). Le coup d’état du 15 mai 1936 se prépare en secret. Il sera mené par Nishida (Tadahiko Sugano), un militaire adepte des théories de Kita.

La belle idée du film est de faire le dépositaire et l’héritier des idées du maître un jeune soldat (Yasuo Miyake), personnage dont on ne connaitra jamais le nom. Son anonymat permet de rendre humaine la visée politique. Ce soldat et sa femme (Akiko Kurano) représentent aussi la lâcheté de Kita qui refuse d’assumer les contradictions de ses théories fumeuses et obscures. Coup d’état est d’ailleurs peu éclairant sur les visées de Kita qui semble balancer entre un nationalisme certain et un esprit révolutionnaire. Sa figure écrase littéralement ceux qui voudrait suivre ses préceptes, au sens propre (le coup d’état est un échec pour ceux qui ont tenté de le mettre en pratique, Kita sera exécuté par les soldats de l’Empereur) et au sens figuré (Kita est souvent filmé en gros plan occupant une large partie du cadre, ses disciples sont laissés dans un coin du cadre ou apparaissent flous). Yoshishige Yoshida va plus loin encore dans la fragmentation du plan, n’hésitant à couper le cadre en deux comme pour signifier un pays largement divisé, entre théorie et pratique, révolution et continuité, soldat anonyme et illustre homme politique.

Coup d'état (戒厳令, Japon, 1973) Un film de Yoshishige Yoshida avec Rentarô Mikuni, Yasuyo Matsumura, Yazue Miyake, Akiko Kurano, Tadahiko Sugano, Taketoshi Naitô, Key Linuma, Kazunaga Tsuji, Masako Yagi.

jeudi 28 juin 2012

The Raid



Il ne sort pas toutes les semaines un film indonésien dans les salles françaises. The Raid ne parlera pas beaucoup de la vie de la population locale mais le but de The Raid, titre implacable et sec, est ailleurs. Le film de Gareth Huw Evans, réalisateur britannique installé en Indonésie, cherche à retrouver la force du cinéma d’action brutal et de combat. Hong Kong s’installe depuis quelques années dans le confort des coproductions avec la Chine de Pékin et ne produit, en termes de films d’action et d’arts martiaux, plus que de films en costumes d’inspiration historique. En Thaïlande, on a déjà un peu oublié Tony Jaa qui avait tant ébloui avec Ong Bak en 2003. Ça commençait à dater.

Le scénario de The Raid est d’une simplicité éclatante. Un commando de policiers surarmés et surentrainés doit affronter un gang de la mafia de la drogue également surarmés et surentrainés. Parmi les policiers, le film suit le parcours de Rama (Iko Uwais, également l’un des chorégraphes des combats). On le découvre le matin du raid faire gentiment sa prière, faire quelques mouvements de boxe et prendre soin de son épouse enceinte – ce sera la seule très courte apparition d’une femme dans tout le film. Logiquement, elle lui conseille la prudence. Il en aura, il part pour l’enfer dans cet immeuble qu’illustre l’affiche : l’homme à l’assaut du chaos. Il ne part pas seul, ils seront 18.

Les méchants ne comptent pas se laisser faire. On s’en doute bien, c’est le but du jeu. Tama (Ray Sahetapy) est un vendeur de drogue. Autant dire un homme qui défie la loi et qui surtout n’a peur de rien et de personne. Il a corrompu la police pour pouvoir continuer son trafic (pour rappel, la consommation comme le trafic de drogues est condamné par la peine capitale en Indonésie) et s’est installé dans cet immeuble qu’il contrôle entièrement. Il y fait loger ses trafiquants qui sont à sa botte. Il peut compter sur eux pour aller couper en morceaux à la machette les soldats ou pour les flinguer à la mitraillette tandis qu’ils montent les escaliers jusqu’au bureau de Tama, au quinzième étage, d’où il les surveille à la caméra de surveillance.

Sur un schéma d’unité de lieu, de temps et d’action, The Raid se contente d’alterner les scènes de combats avec des moments de calme, histoire que le spectateur souffle un peu. C’est précisément dans ces scènes de dialogues que le récit avance. Non seulement dans les stratégies des flics pour arriver à Tama, en ce sens, le film joue sur l’idée du jeu vidéo où le héros (Rama en l’occurrence) recule parfois pour mieux avancer. La bonne idée est de faire passer les personnages par le plancher, par la fenêtre, comme si aucun obstacle ne les empêchait de se mouvoir. Chaque fois, il faut trouver une cachette ainsi Rama et un collègue se dissimulent derrière un mur de planches dans une scène pleine de suspense. Les dialogues permettent aussi de connaitre un peu mieux quelques personnages et de fournir un gros rebondissement.

Et puis, il y a le reste. C'est-à-dire l’action, les tatanes, les bastons, les coups de coude un peu partout sur les corps, les coups de machette qui tranchent les oreilles ou les joues, les balles de mitraillettes qui rentrent dans la chair. Iko Uwais et Gareth Huw Evans ont réglé les combats en filmant en plan large et dans des longs plans, avec peu de montage ce qui permet d’admirer les mouvements des coups des acteurs et en accentue l’impact. Une sorte d’effet du réel qui permet d’oublier les écueils inhérents au genre (les méchants n’attaquent jamais en même temps Rama et attendent leur tour). L’enjeu du film est de donner des scènes d’action et des combats qui soit tous différents : divers adversaires en grand nombre ou en duo, lieu et armes variés, plusieurs techniques de combats. Et au milieu de tout cela, The Raid offre une belle scène poétique avec l’obscurité dans l’immeuble, un fusil qui éclaire par mégarde les soldats et les mercenaires qui se mettent à les arroser de balles. On trouve chez Gareth Huw Evans un sens de la mise en scène qui fait plaisir à voir.

The Raid (Serbuan maut, Indonésie, 2011) Un film de Gareth Huw Evans avec Iko Uwais, Joe Taslim, Donny Alamsyah,Yayan Ruhian, Pierre Gruno, Ray Sahetapy, Tegar Satrya, Iang Darmawan, Eka 'Piranha' Rahmadia, Verdi Solaiman.

mardi 26 juin 2012

The Day he arrives - Matins calmes à Séoul



Tout comme Oki’s movie, sorti six mois plus tôt, The Day he arrives – Matins calmes à Séoul (titre franchement lourdingue, pourquoi de l’anglais ?), comme ce film précédent, Hong Sang-soo a tourné celui-là à toute vitesse, avec peu de moyens et un nombre limité de décors et d’interprètes. Cette fois, l’image est en noir et blanc et le récit suit les quelques jours que passe Yoo Seongjun (Yoo Joon-sang) à Séoul après deux ans d’absence. Il vit désormais en province et vient donner des cours à l’Université. Yoo est cinéaste, il a tourné quatre films et n’arrive plus à en tourner. La raison ne sera pas donnée : est-ce l’absence d’inspiration ou tout simplement son installation en province ? Chaque personne qu’il rencontrera pendant les 80 minutes du film lui demandera s’il compte tourner à nouveau. Sans doute lui-même ne le sait-il pas.

En attendant au coin de la rue son vieil ami Yeong-ho (Kim sang-soo), le cinéaste Yoo va rencontrer une ancienne élève devenue depuis professeur de cinéma. Ils se verront par hasard trois fois dans le même coin. Puis, Yoo croise dans un bar trois jeunes. Ce sont des étudiants qui l’invitent à leur table. Ils boivent, ils parlent, ils discutent de leur envie de faire du cinéma. Ils sortent souls du bar. Ils s’achètent des cigarettes et il les engueule parce qu’ils l’imitent trop. Plus tard, il ira sonner chez Kyeong-jin (Kim Bo-kyeong) son ex – sans doute une de ses anciennes élèves – avec laquelle il va coucher. Ils ne s’étaient pas revus depuis son départ et la discussion qui termine leur rencontre. Envoyer des sms, se rappeler, se revoir et plus – au cas où – tout cela est interdit à Kyeong-jin. On en vient presque à se demander si Yoo n’est pas parti de Séoul à cause d’elle, à cause des femmes en général, pourquoi pas ?

Le soir, Yoo retrouve donc son ami Yeong-ho qui est accompagné par Boram (Song Seon-mi), professeur de cinéma. Décidemment, on ne sortira pas du milieu. Ils vont tous les trois manger coréen puis, détour par le bar « Roman » où Yoo se fait tout timide devant la patronne Ye-jin (Kim Bo-kyeong, la même actrice qui incarne Kyeong-jin). Pour bien marquer le trouble du professeur-cinéaste, Hong Sang-soo pratique, à l’excès, le zoom. Il recadre très rapidement ses personnages, se rapproche d’eux, et surtout de Yoo quand il s’agit de filmer son trouble de se trouver sans doute amoureux. Et c’est sans doute ce regard de garçon timide qui offre les meilleurs moments de The Day he arrives - Matins calmes à Séoul. Chaque soir, Yoo et ses amis retournent au bar « Roman » et chaque soir les mêmes gestes sont faits : il sort fumer une cigarette (un soir il fait doux, le lendemain il neige) et il l’accompagne acheter des raviolis dans le magasin d’à côté.

Le film est le film d’un amour renouvelé, d’un homme qui envisage peut-être une nouvelle vie à Séoul après tant de temps passé hors de son milieu. En voix off, Yoo commente lui-même ce qu’il fait et son commentaire est à la fois sarcastique et vain. Yoo est cependant remis sur terre par un troisième ami, Joong-won (Kim Ee-seong) qui fût acteur dans son premier film. L’alcool aidant, on comprend toute la rancœur que Joong-won a gardée pour n’avoir pas pu concrétiser ses propres rêves de cinéma. Il lui balance quelques reproches, évoque son égoïsme. Le film tente de dresser le portrait en creux d’un grand égocentrique, comme en témoignent les rencontres avec les anciens collègues de Yoo qui refusent tous de lui parler autrement qu’en phrases sonnant vide. Le regard de Yoo exprime alors toute la détresse d’un homme qui ne parvient plus à avancer dans la vie.

The Day he arrives - Matins calmes à Séoul (북촌 방향, Corée, 2011) Un film de Hong Sang-soo avec Yoo Joon-sang, Kim Sang-joong, Song Seon-mi, Kim Bo-kyeong, Kim Ee-seong.

vendredi 22 juin 2012

Aveux théories actrices



Pour son quinzième film, Yoshishige Yoshida revient à la couleur après ces deux films politiques en noir et blanc (surtout blanc d'ailleurs). Aveux théories actrices abandonne en revanche le format scope pour conserver le 1:37, format carré. Ce cadre correspond à celui des origines du cinéma. Le film interroge la place des actrices dans le cinéma, plus précisément, des « stars » avec leurs soucis propres, leurs liaisons annoncées par les journaux à scandales que l’agent artistique considère comme nécessaire pour l’accession au succès d’une actrice. Yoshida s’est dans son œuvre toujours tenu le plus éloigné possible du star system et suggère une théorisation de la source de l’art des actrices.

Dès la première scène, le film nous affirme que tout a un rapport avec la sexualité en montrant un tournage où un phare à la forme évidemment phallique sert de décor au film dans le film. Le film s’appelle également Aveux théories actrices. On y voit la caméra, on y entend le cut du réalisateur, parfois – dans une scène plus tardive dans le film – on ignore que c’est le film dans le film. L’équipe interrompt une scène d’amour qui n’en était pas une. Ces barrières entre la réalité et la fiction céderont vite le pas à d’autres sujets au vrai sujet du film : les frustrations et le refoulé des trois actrices qui doivent jouer ensemble, bien qu’elles ne s’apprécient pas forcément à cause de leurs compagnons interchangeables. Elles ne se rencontreront qu’au dernier plan du film.

Aki (Ruriko Asaoka) est persuadée d’être constamment surveillée par un homme qui la photographie. Cet homme viole son intimité. Toute sa partie est sous le signe du miroir dans lequel elle se regarde souvent. Aki tente de se souvenir de son professeur de lycée qui lorsqu’elle était adolescente a abusé de son ascendance pour violer Kyoko (Miyoko Akaza), l’amie d’Aki. Elle se rappelle cette après-midi chaude où il apparut en short blanc sur le perron de sa maison. Kyoko a été endormi avec du chloroforme mais la vérité sera rétablie par lui-même après que Kyoko a beaucoup reproché de choses à sa vieille amie. Le miroir renvoyait à un double qu’elle s’était créé.

Shoko (Mariko Okada) a un refoulé plus simple. Elle est persuadée que son mari, qu’elle ne voit plus depuis des années, l’a trompé avec une jeune comédienne. Son manager (Rentarô Mikuni) a peur quand il l’a découvre jouant la muette dans une séquence où son assistante et costumière, la jeune Rie (Kiwako Taichi), avec naturel et aplomb, traduit en mots les quelques gestes de Shoko couchée dans son lit. Ces scènes proches du burlesque évoquent Giulietta Masina dans Juliette des esprits de Federico Fellini. Les deux interprètes se ressemblent physiquement dans ces deux films, cheveux courts et tenues très colorées. Shoko n’aura de cesse de chercher à reconstituer cette scène d’adultère, jusqu’à l’obsession qui l’emp^cehe de jouer.

Enfin, Makiko (Ineko Arima) part avec sa mère (Yumeji Tsukioka) sur sa terre natale. C’est d’abord un voyage vers ces souvenirs que fait ce personnage, peut-être le plus troublant du film. Dans des flashbacks, on la retrouve dans son trauma initial en train de coucher avec un homme quand sa mère lui apprend que cet homme est son père. Et que ce père qu’elle croyait mort est encore vivant. Makiko l’ignorait jusqu’à présent et elle se met alors à comprendre les raisons de ses trois tentatives de suicide. Elle accuse désormais sa mère d’avoir si longtemps caché la vérité. Sa mère lui réplique sèchement que tout son jeu d’actrices s’est construit autour de la mort de ce père.

Aveux théories actrices est entièrement construit autour des dialogues que les trois actrices ont avec leurs interlocuteurs. Le film ménage un suspense quant aux raisons qui constituent ce processus de création. Le film est construit comme un puzzle que les personnages reconstituent en même temps que le spectateur. Le film parvient à être moins complexe que ses deux précédents (Eros + massacre et Purgatoire eroïca) et la beauté de ses plans sidère. Le travail de cadre (Mariko Okada est coincée dans un coin du plan) ainsi que la palette des couleurs étonnent à chaque plan.

Aveux théories actrices (告白的女優論, Japon, 1971) Un film de Yoshishige Yoshida avec Mariko Okada, Ruriko Asaoka, Ineko Arima, Miyoko Akaza, Toshiyuki Hosokawa, Kazuko Ineno, Yûsuke Kawazu, Isao Kimura, Daigo Kusano, Rentarô Mikuni, Tôru Minegishi, Kiwako Taichi, Yumeji Tsukioka.

jeudi 21 juin 2012

Sorties à Hong Kong (juin 2012)


Motorway (車手, Chine, 2012) 
Un film de Soi Cheang avec Shawn Yue, Anthony Wong, Guo Xiao-dong, Michelle Ye, Lam Ka-tung, Barbie Hsu, Li Guang-jie, Josie Ho, Li Hai-tao. 89 minutes. Classé Catégorie IIB. Sortie à Hong Kong : 21 juin 2012.


Sorties à Hong Kong (juin 2012)


The Bounty (懸紅, Hong Kong, 2012) 
Un film de Andrew Fung avec Alex Man, Fiona Sit, Chapman To, Charmaine Fong, Ma Choi, Wan Chiu, Wong Yik-nam, Eric Kot, Raymond Wong Ho-yin, Stephanie Cheng, Law Wing-cheong, 6 Hou. 99 minutes. Classé Catégorie IIA. Sortie à Hong Kong : 21 juin 2012.


Sorties à Hong Kong (juin 2012)


Shadows of love (影子愛人, Chine – Hong Kong, 2012) 
Un film de Calvin Poon avec Cecilia Cheung, Kwon Sang-woo, Tien Niu, Sphinx Ting, Jing Bo-ran, Jing Tian, Ng Man-tat, Angela Chang, Cheng Tai-shen. 87 minutes. Classé Catégorie I. Sortie à Hong Kong : 21 juin 2012.


mardi 19 juin 2012

Shogun and little kitchen



Le canevas de Shogun and little kitchen repose sur le thème classique de l’affrontement entre les pauvres et les riches. Bo (Ng Man-tat) est un cuisinier bien gentil : quand la voisine shanghaienne jette son seau d’eau par la fenêtre et qu’il reçoit tout sur la tête, il ne dit rien. Il est généreux : il lui arrive d’offrir souvent le repas aux gens alentours. Mais il est aussi bien naïf : les gens profitent de la situation. Bo est le centre de cette petite communauté de pauvres hongkongais, habitant tous le même immeuble donnant sur une cour commune, comme dans le classique The House of 72 tenants. Seulement voilà, on veut les déloger pour construire un immeuble neuf.

Monsieur Lin (Jimmy Wang Yu) est un investisseur immobilier et l’immeuble de Bo l’empêche d’accomplir son œuvre. Il demande à son plus fidèle employé Tong (Leung Kar-yan) de faire en sorte que l’affaire marche. Pendant ce temps, le fils de Lin, Feng (Leon Lai) désapprouve cette fuite en avant vers toujours plus d’argent. Il part furieux du domicile familial et se plante en moto juste devant la résidence. Bo, comme d’habitude très serviable, le soigne et va l’accueillir comme son fils. Il va en faire un de ses employés – bénévoles – tout en ignorant qui est le père de Feng. Ce dernier va s’installer dans cet immeuble et vivre une vie plus simple auprès de tous ces pauvres. Bien entendu, le film navigue dans une certaine démagogie en indiquant que la vraie vie est plutôt ici que dans une certaine opulence, mais l’humour parvient à faire passer la pilule. Quand les habitants découvriront qui est Feng, ils penseront qu’il est un espion de son père.

Feng va se lier d’amitié avec Chi (Yuen Biao), l’oncle de Bo qui revient ici après des années passées ailleurs. Entre temps, il a acquis une excellente connaissance en kung-fu. Le film place les capacités de Chi pour cuisiner (plusieurs années avant Le Festin chinois et The God of cookery) comme morceaux de bravoure. Les légumes et les morceaux de viande remplacent les sabres ; tout virevolte comme dans un combat d’art martial et Yuen Biao dans ce personnage de cuisinier agile et jongleur est assez convaincant. Le summum comique est constitué d’une scène de bataille culinaire entre Bo et Chi : chacun d’eux fait un canard immangeable. Le restaurant se met alors à attirer de nombreux clients, tout va bien jusqu’à ce que le monde du spectacle propose à Chi de monter un spectacle de cuisine de kung-fu. On s’en doute, sa nouvelle carrière met à mal l’avenir du restaurant de Bo, désormais privé de son prodige et donc de la clientèle attirée par cette publicité, et les deux cousins manquent de se fâcher.

Le film est souvent cousu de fil rouge. Ainsi, dans un mouvement scénaristique habituel, les personnages s’apprécient d’abord, doutent ensuite des autres, se disputent pour mieux ensuite se retrouver dans une réconciliation unanime. Le genre de la comédie veut cela. Dans toute cette histoire, il ne faut bien sûr pas oublier la romance qui se lie entre Feng et Maggie (Maggie Siu), la fille de Bo. Comme son amoureux, elle est dans le mensonge en faisant croire à son papa qu’elle est étudiante en design alors qu’elle est peintre en bâtiment. Le père va lui pardonner cette facétie comme il pardonnera à Feng d’avoir caché ses origines. Mais il était du coup logique que ces deux cachotiers se retrouvent à s’aimer et finissent le film dans un grand élan amoureux et familial en forme de happy end dégoulinant de bons sentiments. Shogun and little kitchen est l’union des deux classes sociales de Hong Kong : les pauvres et les riches forment une seule et même famille.

Shogun and little kitchen (伙頭福星, Hong Kong, 1992) Un film de Ronny Yu avec Yuen Biao, Leon Lai, Ng Man-tat, Maggie Siu, Monica Chan, Jimmy Wang Yu, Leung Kar-yan, Lui Fong, Josephine Koo, Lam Lap-san, Hau Woon-ling, Fong Yue, Tang Cheung, Leung Gam-san, Jim James, Hui Si-man.

lundi 18 juin 2012

Purgatoire eroïca



Après l’énigmatique Eros + massacre, Yoshishige Yoshida poursuit son exploration du Japon politique avec Purgatoire eroïca, titre qui répond comme un miroir au film précédent : Eros / eroïca. On retrouve immédiatement cette image surexposée, très blanche, des personnages qui passent dans le cadre dans des plans d’ensemble extrêmement larges, des regards caméra troublants qui, encore une fois, évoquent le cinéma stylisé d’Ingmar Bergman de la même époque et celui de Jean-Luc Godard. Le parti communiste japonais est au centre de cette exploration politique. On le sait maintenant, notamment grâce aux films de Koji Wakamatsu, que le PC était puissamment stalinien, malade de son propre pouvoir.

Dans Purgatoire eroïca, il y est vaguement question d’un ingénieur qui travaille à l’élaboration d’un laser, considéré comme une arme technologique très avancée, qui, comme la bombe atomique, peut être très destructrice. On y rencontre un jeune femme qui se réfugie chez cet ingénieur, accueillie par son épouse (l’actrice Mariko Okada) après qu’elle l’a découvertes étendue comme morte. Puis, le soi-disant père de cette jeune femme vient sonner à l’appartement du couple, rentre et annonce qu’il vient reprendre sa fille qui refuse de s’en aller. Yoshida filme comme une farce les rapports entre les personnages, enfin, il ne s’agit pas vraiment de personnages mais plutôt de figures strictement dans l’action et dénuées de psychologie.

Toute la première heure se déroule dans des lieux fermés, appartement, hangar, couloir, escalier. Il y est surtout question de trahison, de procès politique et de la visite d’un ambassadeur qui devra être kidnappé. La deuxième heure est en extérieur. La temporalité est mise à mal. Les personnages portent des perruques blanches, indiquent être dans le futur (en 1980) ou dans le passé (en 1952), retirant alors leur perruque. Les interprètes intervertissent leur rôle. Des scènes vues précédemment sont rejouées avec des variations comme pour illustrer que l’histoire se répète mais sur deux modes différents, le tragique puis le comique. Il faut bien avouer que tout cela est assez confus, souvent abscons et complexe à souhait. Il ne reste aujourd’hui que de superbes plans composés avec grâce et esthétisme. Le  message politique apparait trop métaphorique et amphigourique comme chez la plupart des cinéastes politisés de cette époque : Glauber Rocha, Bernardo Bertolucci ou les Straub.

Purgatoire eroïca (煉獄エロイカ, Japon, 1970) Un film de Yoshishige Yoshida avec Mariko Okada, Kaizo Kamoda, Naho Kimura, Yoshiaki Makita, Kaneko Iwasaki, Toru Takeuchi, Kazumi Tsutsui.

dimanche 17 juin 2012

The Viral factor



Sentant sa fin venir, Madame Fengling (Elaine Kam) décide de dire la vérité à son fils Jon (Jay Chou). Il pensait que son père avait quitté sa mère. Mais c’est elle qui a décidé de partir, ne supportant plus cet époux qui passait tout son temps et son argent à jouer. Elle lui apprend également qu’il a un frère qu’elle a été obligée d’abandonner. Elle demande à Jon d’aller les rejoindre en Malaisie où ils habitent depuis vingt ans afin de former une nouvelle famille. Jon a bien besoin de repos après un grave accident, vu dans la longue et pleine de suspense scène d’ouverture comme Dante Lam sait si bien les faire. Flic, il devait protéger un savant jordanien et le faire sortir en voiture blindée du pays. Sa coéquipière a été tuée dans une embuscade et lui-même a désormais une balle logée dans la tête. La mort rôde constamment dans The Viral factor, film d’action énergique et musclé aux accents funèbres.

Jon rencontre son père par hasard alors qu’il manque de se faire tabasser par un créancier. Ce père Tian (Liu Kai-chi) vit avec la petite Champ (Chrystal Lee), la fille de son autre fils, Yeung (Nicholas Tse) qui depuis des années est en prison. C’est la hasard également qui met sur la route de Jon la scientifique Rachel Kan (Lin Peng). Alors qu’il prend un malaise dans l’avion qui les amène en Malaisie, Rachel le soigne. Il l’ignore toute à fait, mais Yeung est sur les traces de la savante. Il doit la kidnapper contre une forte somme d’argent. Car là aussi, comme par hasard, tout est lié. Rachel Kan peut aider à compléter la formule d’un virus mortel concocté par le savant jordanien que justement Jon cherchait à évacuer. Le commanditaire de cet enlèvement est un riche homme d’affaires américain (évidemment) et il a comme par hasard l’un des anciens collègues de Jon dans ses hommes. Avec beaucoup de calme, Sean (Andy On) dirige l’opération. C’est aussi un homme impitoyable qui n’hésite pas à abattre l’un des ses hommes après l’échec de l’opération. Le hasard fait toujours bien les choses et permet ici à Dante Lam et ses scénaristes d’accélérer le récit mais lui donne un caractère forcé.

L’opposition des personnages apparait également poussive. Jon, le gentil flic face à Yeung, le sale voleur. Les deux frères sont de caractères totalement antagonistes, mais c’est surtout une question de confiance qui constitue le nœud psychologique entre eux. Il faut rappeler que Yeung n’a guère le choix : un sale flic corrompu l’oblige à ces méfaits. Cette figure du flic corrompu, classique dans le cinéma cantonais, avait disparu avec les coproductions avec la Chine. Il revient ici mais avec un flic chinois de Malaisie. De plus, la petite fille a été enlevée par Sean afin de faire plier son oncle de flic et forcer Rachel Kan à trouver la formule du terrible virus. Comme les méchants du film sont particulièrement retors, ils ont inoculé le poison provisoire dans le sang de l’enfant. Le film va bien entendu les faire s’entendre les deux frères mais de manière racoleuse puisque c’est sur les mouvements scénaristiques de la mort du père et de l’empoisonnement de la gamine. Cependant jamais le film ne réussit avec ces deux motifs à donner la moindre émotion.

A vrai dire, The Viral factor s’apparente à une immense course poursuite dans Kuala Lumpur. Passé les scènes d’introduction et les retrouvailles, la chasse à l’antidote dure près de 90 minutes avec pratiquement aucun temps mort, si ce n’est les courtes scènes « scientifiques » avec Rachel Kan dans le laboratoire des méchants. Jon poursuite son frère puis ils sont tous les deux poursuivis par d’autres malfrats. Passé les écueils des situations familiales et des réconciliations mièvres, le film augmente son rythme trépidant et Dante Lam parvient à donner de belles séquences d’actions parfaitement construites avec un montage redoutable. C’est donc un film décevant dans son histoire mais palpitant dans ses scènes d’action.

The Viral factor (逆戰, Hong Kong – Chine, 2012) Un film de Dante Lam avec Nicholas Tse, Jay Chou, Andy On, Carl Ng, Liu Kai-chi, Elaine Kam, Lin Peng, Sammy Hung, Philip Keung, Bai Bing, Deep Ng, Chrystal Lee.

mardi 12 juin 2012

Happy Din Don



Fat (Michael Hui) et Tat (Michael Lia), deux amis tellement inséparables qu’ils habitent ensemble, sont deux musiciens (guitare et basse) dans l’orchestre d’une boîte de nuit. Les deux hommes, coureurs de jupons impénitents, sont également des joueurs de tiercé compulsifs. Ainsi, un soir de concert, ils regardent une course de chevaux en augmentant le rythme de la chanson. La chanteuse (Anita Mui, dans un court caméo) n’en peut plus et les deux musiciens se font renvoyés. Sans le sou, ils hésitent à retourner dans leur appart d’autant que leur proprio est fâchée avec eux. Fat va chez sa copine. Mais en vérité, elle semble plutôt passé à autre chose, puisque dans le lit il découvre un autre homme (Ricky Hui, là aussi dans une brève apparition). Fat, pour effrayer cet amant, feint de poignarder Tat dans une scène comique classique où Ricky Hui ne voit que l’envers du décor et le spectateur les moyens mis en œuvre pour illustrer le pseudo combat entre les deux hommes : le ketchup sert de sang, Tat crie pour de faux. Tout Happy Din Don sera sous le signe du faux, justement et c’est Fat qui va être ce personnage par lequel le faux passe.

Le film va se déployer en deux motifs. Le premier est celui du polar. Fat entend par mégarde des membres des triades se livrer à un trafic de drogue. Les méchants ont caché leur cocaïne dans des ananas et leur chef Ironhand (Yuen Cheung-yan) hésite pas à abattre ses ennemis. Pas de bol pour Fat, il est pourchassé par les sbires d’Ironhand et notamment un tueur à sale gueule incarné par Wong Ching. Après un comique de situations où Michael Hui se fait passer pour un aveugle (et dont prétend n’avoir rien vu des crimes des mafieux) où le comique est obligé de subir des sales coups de Ironhand (boire du pétrole au lieu de coca, histoire de vérifier la cécité), le film a l’intelligence de se placer dans son comique dans les genres les plus traditionnels du cinéma cantonais. Soit d’abord une séquence de fantômes où Michael Hui fait peur à ses adversaires puis un film de kung-fu. La célèbre musique de Wong Fei-hung est interprétée en rock, à la guitare électrique. Un film d’arts martiaux passe à la télé. Fat comme le sbire d’Ironhand s’en servent de modèle pour s’affronter, avec tout ce que cela implique de rebondissements.

Le deuxième motif est la romance que Fat commence face à Din Din (Cherie Chung). Avec Tat, Fat est engagé sur une croisière pour jouer dans l’orchestre. Seulement voilà, comme il tente de fuir les triades, il déguise de se déguiser en femme. Là, Happy Din Don parodie très ouvertement le classique de Billy Wilder, Certains l’aiment chaud, à la grande différence qu’il incarne à la fois Tony Curtis et Jack Lemmon. Ce qui fait que Fat change régulièrement de tenues et parfois doit faire face à Din Din quand elle le rencontre en homme. Là, Fat plonge dans une baignoire pleine d’eau. Quel beau hasard que la baignoire soit pleine. Mais il doit aussi affronter la chef de l’orchestre (Wong Wan-si) qui tombe amoureuse de lui après l’avoir reconnu. Fat devient également, comme dans l’original, la proie amoureuse d’un riche homme d’affaires, Ma Masa (Bill Tung). Il faut bien le préciser, ces nombreuses scène de travestissement et de quiproquos sexuels n’ont pas en 1986 la puissance provocatrice que dans le film avec Marylin Monroe. Loin de là. Dans ce film de Michael Hui, l’humour est plutôt graveleux et on sent que le comique, en ce milieu des années 1980, est un peu dépassé par le comique des « lucky stars » qui reposent pourtant sur l’obsession sexuelle.

Happy Din Don (歡樂叮, Hong Kong, 1986) Un film de Michael Hui avec Michael Hui, Michael Lai, Cherie Chung, Bill Tung, Wong Wan-si, Ricky Hui, Anita Mui, Winnie Chin, Tin Ching, Wong Ching, Yuen Cheung-yan, David Ho, Shum Wai, Johnny Koo, Walter Tso.

vendredi 8 juin 2012

Sorties à Hong Kong (juin 2012)

First time (第一次, Chine – Hong Kong, 2012) 
Un film de Han Yan avec AngelaBaby, Mark Chao, Jiang Shan, Tian Yuan, Huang Xuan, Allen Chao, Cindy Yen, Bai Baihe. 102 minutes. Classé Catégorie IIA. Sortie à Hong Kong : 8 juin 2012.


jeudi 7 juin 2012

Couleur de peau : miel



Après la guerre de Corée, un Américain a eu l’idée de faire adopter des enfants orphelins ou abandonnés par des occidentaux. Comme le dit la voix off, dans le village belge où va se retrouver le gamin de 5 ans, chaque famille a son Coréen. Jung débarque en Europe en 1971. Un policier le découvre accroupi, seul, devant une poubelle. Il ne parle pas et ses souvenirs d’enfance sont estompés, souvent oblitérés. Le dessin animé qui décrit ce passé est composé d’un trait simple, des couleurs justement brunes, miel et sépia, correspondant à une époque un peu oubliée mais qui façonne l’enfant. Cette teinte donne le titre du film Couleur de peau : miel.

Quarante ans après son adoption, Jung revient en Corée. Dans des images réelles, celui qui est devenu depuis un dessinateur cherche des bribes des premières années de sa vie. Il veut reconstituer des choses qui n’existent plus. Il découvre son maigre dossier au centre d’adoption. En dessin animé, il reconstitue : sa tête rasée, son arrivée en Belgique, la bouteille de Coca qu’il boit dès son arrivée dans la famille. Puis, l’animation cède le pas au petit film 8 mm de la famille d’accueil. On la découvre : Jung, qui garde son prénom coréen, a deux sœurs et deux frères. Plus tard, ses parents adopteront une autre enfant coréenne, qui recevra un prénom français.

Le film suit la vie de Jung jusqu’à ses dix sept ans. Enfant, dès son arrivée, il est le chouchou de la famille. C’est un enfant turbulent qui commence à faire quelques bêtises, il envoie notamment une flèche dans l’œil de sa petite sœur. Un jour à l’école, il vole à une camarade ses tickets de repas. Ses parents sont furieux, sa mère surtout qui traite Jung de pomme pourrie qui risque de contaminer « ses enfants ». Ce que montre Jung, c’est qu’il cherche à tout prix, y compris celui d’être puni, à se faire aimer de cette mère peu commode, directe et incapable de déclarer son amour, comme souvent les catholiques de cette époque. Sur ce point de vue, Couleur de peau : miel frôle parfois la mièvrerie, mais la dureté du récit et sa construction qui alterne les époques parviennent au contraire à atteindre l’émotion.

Ce qui intéresse encore plus que ces rapports familiaux, c’est la quête d’une identité propre. A ce titre, sa vague attirance pour sa grande sœur indique bien qu’il ne considère pas cette famille comme naturelle. D’ailleurs, la grand-mère le lui rappelle bien. Les dialogues sur les racines, sur la différence entre asiatiques et européens et sur les adoptés coréens dans ce village sont percutants et drôles. Comme il le dira lui-même, l’Asie rattrapera Jung. D’abord par sa passion du Japon (« l’ennemi de la Corée » lui dira un autre adopté). Le film se transforme en comédie puis va vers la douceur quand il comprend que ses racines coréennes sont toujours là, quand, adolescent, il devient ami avec une jeune d’origine coréenne. Il rencontre un couple d’immigrés. Alors que Jung semble désormais construit, le film atteint une amertume qui accomplit son travail d’émotion tout en délicatesse.

Couleur de peau : miel (France – Belgique, 2012) Un film de Jung et Laurent Boileau avec Jung et les voix de William Coryn, Christelle Cornil, Jean-Luc Couchard, Arthur Dubois, David Macaluso, Maxym Anciaux, David Murgia, Alayin Dubois, Aaricia Dubois, Cathy Boquet, Jazz Marlier, Mahé Collet, Pauline Souren.

mercredi 6 juin 2012

Return of the lucky stars


Pour rappel, les personnages des lucky stars sont cinq amis obsédés par la gent féminine qui sont embarqués dans des histoires policières qui les dépassent complètement. Sammo Hung a tourné les trois meilleurs de la franchise (Le Gagnant puis les deux Flic de Hong Kong) avant que l’équipe de Mad mission ne rencontre celle des lucky stars : Lucky stars go places) pour finalement finir avec ce Return of the lucky stars produit par Wong Jing et tourné et interprété par Stanley Fung. A ces côtés, dans des rôles d’imbéciles heureux, Eric Tsang, Richard Ng et Michael Miu. C’est parti pour 90 minutes d’immaturité.

D’abord draguer les femmes. Quels que soient le lieu et la situation. Les quatre amis tiennent une boutique de vêtements. Mina (Joan Tong) vient s’acheter une robe de mariage. Michael Miu et Eric Tsang se travestissent pour profiter de la vue de Mina nue dans la cabine d’essayage. Mais ils vont comprendre qu’elle est liée à Richard Mao (Wong Ching), un patron de triades. L’autre femme est Banana (Monica Chan) qui vient s’installer chez les garçons (encore et toujours célibataires). Elle prétend leur demander d’aider son frère mais en vérité son frère est Tso, chef de la police (Walter Tso) et il a besoin des lucky stars pour effectuer une mission secrète. Ils vont tenter de la peloter en se faisant passer pour des fantômes chinois

Tso leur demande de s’infiltrer en prison pour faire s’évader Big Dai (Lo Hoi-pang) qui doit témoigner contre Mao. Le film entame la seule partie amusante du récit. Les quatre garçons refusent d’aider la police mais Tso fait tout pour qu’ils soient arrêtés. Ainsi Richard Ng est pris pour un cambrioleur de banques. On trouve des armes et de la drogue dans leur appartement. Michael Miu est suspecté de viol. Bref, on leur colle chacun pas mal d’années de prison. Ce qui est amusant est l’exagération des moyens pour inculper les quatre hommes. Il en sera de même dans la scène d’évasion où le directeur de la prison les aide en les éclairant la cour avec un gros projecteur.

Le principal de l’humour, comme souvent dans les productions de Wong Jing, est de l’ordre de la parodie des succès passés. Prison on fire de Ringo Lam avec ses prisonniers en shorts marrons et ses guerres de gang, ses surveillants complaisants face à la violence entre policiers sont parodiés. Les quatre gars se retrouvent donc souvent à l’infirmerie, créent une révolte à la cantine en criant très mollement que la bouffe est dégueulasse. Le but du jeu est de supprimer tout réalisme dans la prison, alors que l’objectif de Ringo Lam était au contraire d’en faire un enjeu vériste. La séquence finale parodie le gunfight des films de John Woo. Là aussi, il s’agit de montrer des adversaires incapables de tenir un flingue, car on l’aura compris, quoi qu’ils fassent, qu’ils draguent lourdement, qu’ils soient couillons, les lucky stars sont des gars gentils. Par contre le film est assez oubliable.

Return of the lucky stars (福星闖江湖, Hong Kong, 1989) Un film de Stanley Fung avec Eric Tsang, Richard Ng, Stanley Fung, Michael Miu, Carina Lau, Lo Hoi-pang, Joan Tong, Wong Ching, Walter Tso, Kenneth Tsang, Yu Kwok-lok, Elsie Chan, Lee Ka-ting, Kent Cheng, Wong Jing, Nat Chan, Hui Siu-hung, Shing Fu-on, Wellson Chin.            

dimanche 3 juin 2012

Mind game



Amoureux transis quand ils étaient adolescents, Nishi et Myon se retrouvent des années plus tard dans le métro. Myon rentrait en courant dans la rame manquait de se faire coincer le pied. Nishi la reconnait immédiatement. Elle lui propose de venir boire un verre dans le bar que tient son père et sa sœur Yan. Lui l’aime encore, il espère faire enfin aboutir cette amourette qui, alors, ne consistait qu’en l’échange de deux petits mots. Las, arrivé au bar, il découvre qu’elle a un fiancé, un bon gars costaud alors que Nishi est un petit tout maigrichon, dessinateur de manga sans le sou. Sa vie n’est pas une réussite. Mais tout pourrait prendre un nouveau départ.

En guise de nouveau départ, c’est la mort que va rencontrer Nishi. Un yakuza et son homme de main, un ancien footballeur immense et chauve, viennent réclamer au père de Myon de l’argent emprunté depuis longtemps et jamais remboursé. Le footballeur, armé d’un révolver, tente de caresser Myon, son petit ami s’y oppose mais se ramasse un beau coup de poing qui le laisse KO. Nishi tente de s’interposer et se prend une balle qui lui rentre dans le cul et ressort dans le crâne. Direction le paradis ou ses limbes, un fond blanc comme une feuille de papier vide. Après une longue discussion avec Dieu, personnage protéiforme et changeant, il parfvient à s’enfuir et à retourner sur terre pour sauver sa belle.

Là, la situation change du tout au tout. De retour sur terre, Nishi flingue le footballeur, délivre Nishi et Yan et part en trombe dans la voiture des yakuzas. Une longue course-poursuite s’engage. Nishi montre ses talents de conducteur, il faut dire qu’il est très fort aux jeux vidéo. La course poursuite est filmée ainsi, prenant le point de vue de Nishi, puis montrant comme dans un GPS le lieu où il se trouve. Et là, catastrophe. La bagnole au détour d’un pont se fait aspirer par une immense vague de mer. Nishi, Myon et Yan se font alors avaler par une baleine, tels Pinocchio et son père. Dans le ventre de la baleine, un vieil homme, Robinson échoué ici depuis trente ans guide leur premiers pas. La toute dernière heure de Mind game se déroule au sein de l’animal marin.

Le film crée alors une cosmogonie qui ne doit plus rien à la réalité telle qu’on la connait. La baleine est un nouveau monde où il n’existe plus d’ennemis, les yakuzas et autre créanciers ne sont pas là. Les quatre personnages ne souffrent jamais de faim d’autant que le vieil homme est un fin cuisinier qui prépare de délicieux sushis. Et puis Myon n’a pas de fiancé dans ce monde, Nishi peut enfin la séduire comme il en avait toujours rêvé. Il peu accomplir son désir d’ado. Quant à Yan, elle prend du bon temps avec le Robinson. L’espace ne semble avoir aucune limite, la peau de l’animal est si extensible qu’un animal marin préhistorique est leur animal de compagnie, que l’eau avalée par la baleine constitue une mer où ils se baignent. Mais la baleine vieillit. Le vieil homme le sent. Il faut donc partir. Une nouvelle course poursuite se lance dans Mind game : celle qui consiste aux quatre personnages à s’échapper.

Le spectateur est dans la même situation que Nishi. Il est prisonnier d’un monde dont il ne connait pas les règles mais qu’il lui faut contrôler. Le film vise l’épuisement des personnages, des situations comme il cherche à épuiser le spectateur par une profusion d’images qui s’apparente à l’orgie. Les personnages changent régulièrement de graphisme, leur visage est parfois celui de vrais acteurs, parfois simplement constitués de simples traits. Cette profusion extrême provoque deux résultats. Le premier est un plaisir de voir un imaginaire si débridé, un si grand nombre de propositions d’images, une variété si importante de style, de genre (comédie, romance, polar). Logiquement, cette variété constitue l’écueil principal de Mind game qui propose tant de choses qu’il donne l’impression de ne jamais avoir de réelle ligne directrice, de s’éparpiller, de complexifier ad libidum des images comme s’il ne faisait pas confiance à un scénario très basique. Il y aura chez de nombreux spectateurs une évidente volonté de crier au génie, c’est logique : il est toujours plaisant d’être émerveillé dans la perdition des méandres des images, de pouvoir s’affranchir du sens, comme si les images n’avaient de valeur que pour elles-mêmes. D’une certaine manière, Mind game est dans la lignée du cinéma de Tarantino, à la fois totalement immature et complètement abouti.

Mind game (Japon, 2004) Un film de Masaaki Yuasa avec les voix de Kōji Imada, Sayaka Maeda, Takashi Fuji, Seiko Takuma, Rio Sakata, Tomomitsu Yamaguchi.