Pour
son quinzième film, Yoshishige Yoshida revient à la couleur après ces deux films politiques en noir et blanc (surtout blanc d'ailleurs). Aveux
théories actrices abandonne en revanche le format scope pour conserver le
1:37, format carré. Ce cadre correspond à celui des origines du
cinéma. Le film interroge la place des actrices dans le cinéma, plus
précisément, des « stars » avec leurs soucis propres, leurs liaisons
annoncées par les journaux à scandales que l’agent artistique considère comme
nécessaire pour l’accession au succès d’une actrice. Yoshida s’est dans son
œuvre toujours tenu le plus éloigné possible du star system et suggère une théorisation de la source de l’art des
actrices.
Dès
la première scène, le film nous affirme que tout a un rapport avec la sexualité
en montrant un tournage où un phare à la forme évidemment phallique sert de
décor au film dans le film. Le film s’appelle également Aveux théories
actrices. On y voit la caméra, on y entend le cut du réalisateur, parfois – dans une scène plus tardive dans le
film – on ignore que c’est le film dans le film. L’équipe interrompt une scène
d’amour qui n’en était pas une. Ces barrières entre la réalité et la fiction céderont
vite le pas à d’autres sujets au vrai sujet du film : les frustrations et
le refoulé des trois actrices qui doivent jouer ensemble, bien qu’elles ne
s’apprécient pas forcément à cause de leurs compagnons interchangeables. Elles
ne se rencontreront qu’au dernier plan du film.
Aki
(Ruriko Asaoka) est persuadée d’être
constamment surveillée par un homme qui la photographie. Cet homme viole son
intimité. Toute sa partie est sous le signe du miroir dans lequel elle se
regarde souvent. Aki tente de se souvenir de son professeur de lycée qui
lorsqu’elle était adolescente a abusé de son ascendance pour violer Kyoko (Miyoko
Akaza), l’amie d’Aki. Elle se rappelle cette après-midi chaude où il apparut en
short blanc sur le perron de sa maison. Kyoko a été endormi avec du chloroforme
mais la vérité sera rétablie par lui-même après que Kyoko a beaucoup reproché
de choses à sa vieille amie. Le miroir renvoyait à un double qu’elle s’était
créé.
Shoko
(Mariko Okada) a un refoulé plus simple. Elle est persuadée que son mari,
qu’elle ne voit plus depuis des années, l’a trompé avec une jeune comédienne.
Son manager (Rentarô Mikuni) a peur quand il l’a découvre jouant la muette dans
une séquence où son assistante et costumière, la jeune Rie (Kiwako Taichi),
avec naturel et aplomb, traduit en mots les quelques gestes de Shoko couchée
dans son lit. Ces scènes proches du burlesque évoquent Giulietta Masina dans Juliette des esprits de Federico
Fellini. Les deux interprètes se ressemblent physiquement dans ces deux films,
cheveux courts et tenues très colorées. Shoko n’aura de cesse de chercher à
reconstituer cette scène d’adultère, jusqu’à l’obsession qui l’emp^cehe de
jouer.
Enfin,
Makiko (Ineko Arima) part avec sa mère (Yumeji Tsukioka) sur sa terre natale.
C’est d’abord un voyage vers ces souvenirs que fait ce personnage, peut-être le
plus troublant du film. Dans des flashbacks, on la retrouve dans son trauma
initial en train de coucher avec un homme quand sa mère lui apprend que cet
homme est son père. Et que ce père qu’elle croyait mort est encore vivant.
Makiko l’ignorait jusqu’à présent et elle se met alors à comprendre les raisons
de ses trois tentatives de suicide. Elle accuse désormais sa mère d’avoir si
longtemps caché la vérité. Sa mère lui réplique sèchement que tout son jeu
d’actrices s’est construit autour de la mort de ce père.
Aveux théories actrices est entièrement construit autour des dialogues que les trois
actrices ont avec leurs interlocuteurs. Le film ménage un suspense quant aux
raisons qui constituent ce processus de création. Le film est construit comme
un puzzle que les personnages reconstituent en même temps que le spectateur. Le
film parvient à être moins complexe que ses deux précédents (Eros + massacre et Purgatoire eroïca) et la beauté de ses plans sidère. Le travail de
cadre (Mariko Okada est coincée dans un coin du plan) ainsi que la palette des
couleurs étonnent à chaque plan.
Aveux
théories actrices (告白的女優論, Japon, 1971) Un film de Yoshishige Yoshida avec Mariko Okada, Ruriko
Asaoka, Ineko Arima, Miyoko Akaza, Toshiyuki Hosokawa, Kazuko Ineno, Yûsuke
Kawazu, Isao Kimura, Daigo Kusano, Rentarô Mikuni, Tôru Minegishi, Kiwako
Taichi, Yumeji Tsukioka.
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