« Avant
d’agir, compter jusqu’à 10 » est la phrase mystérieuse qui lance Coup d’état, troisième volet des films
sur les mouvements politiques du Japon, après Eros + massacre (l’anarchie) et Purgatoire eroïca (le communisme). Cette phrase est lancée par un jeune
homme qui tranche au long poignard un magnat de l’industrie après avoir lu les
ouvrages de Kita (Rentarô Mikuni), un idéologue révolutionnaire qui est centre
du film. Le jeune homme s’est ensuite suicidé et a demandé à sa sœur d’apporter
ses maigres affaires à Kita ainsi que sa tunique aux sangs mêlés de l’homme
d’affaires et de lui-même. L’idée maitresse de Coup d’état est de disséquer
l’influence des théories révolutionnaires acquises en Chine au début du 20ème
siècle par Kita.
De
ses expériences en Chine, en ayant assisté aux échecs des deux révolutions,
Kita tire donc ses théories qu’une partie de l’armée souhaite appliquer pour
mettre fin au pouvoir impérial. Son ouvrage s’appelle Le plan du renouveau du
Japon et ses idées ne plaisent pas à l’Empereur qui, en réponse à un cadeau,
lui fait parvenir, avec beaucoup d’arrogance, un courrier sur lequel aucun mot
n’est écrit. Kita a aussi ramené un fils adoptif qu’il entend éduquer selon ses
principes, ceux de la punition face à la peur. Or pour Kita la punition que va
donner le pouvoir impérial face à la révolution en réponse à la peur que les
autorités ressentent est la loi martial (terme qui traduit le titre original
japonais). Le coup d’état du 15 mai 1936 se prépare en secret. Il sera mené par
Nishida (Tadahiko Sugano), un militaire adepte des théories de Kita.
La
belle idée du film est de faire le dépositaire et l’héritier des idées du maître
un jeune soldat (Yasuo Miyake), personnage dont on ne connaitra jamais le nom.
Son anonymat permet de rendre humaine la visée politique. Ce soldat et sa femme
(Akiko Kurano) représentent aussi la lâcheté de Kita qui refuse d’assumer les
contradictions de ses théories fumeuses et obscures. Coup d’état est d’ailleurs peu éclairant sur les visées de Kita qui
semble balancer entre un nationalisme certain et un esprit révolutionnaire. Sa
figure écrase littéralement ceux qui voudrait suivre ses préceptes, au sens
propre (le coup d’état est un échec pour ceux qui ont tenté de le mettre en
pratique, Kita sera exécuté par les soldats de l’Empereur) et au sens figuré (Kita
est souvent filmé en gros plan occupant une large partie du cadre, ses
disciples sont laissés dans un coin du cadre ou apparaissent flous). Yoshishige
Yoshida va plus loin encore dans la fragmentation du plan, n’hésitant à couper
le cadre en deux comme pour signifier un pays largement divisé, entre théorie
et pratique, révolution et continuité, soldat anonyme et illustre homme
politique.
Coup
d'état (戒厳令,
Japon, 1973) Un film de Yoshishige Yoshida avec Rentarô Mikuni, Yasuyo
Matsumura, Yazue Miyake, Akiko Kurano, Tadahiko Sugano, Taketoshi Naitô, Key
Linuma, Kazunaga Tsuji, Masako Yagi.
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