Tout comme Oki’s movie,
sorti six mois plus tôt, The Day he arrives – Matins calmes à Séoul
(titre franchement lourdingue, pourquoi de l’anglais ?), comme ce film
précédent, Hong Sang-soo a tourné celui-là à toute vitesse, avec peu de moyens
et un nombre limité de décors et d’interprètes. Cette fois, l’image est en noir
et blanc et le récit suit les quelques jours que passe Yoo Seongjun (Yoo
Joon-sang) à Séoul après deux ans d’absence. Il vit désormais en province et
vient donner des cours à l’Université. Yoo est cinéaste, il a tourné quatre
films et n’arrive plus à en tourner. La raison ne sera pas donnée : est-ce
l’absence d’inspiration ou tout simplement son installation en province ?
Chaque personne qu’il rencontrera pendant les 80 minutes du film lui demandera
s’il compte tourner à nouveau. Sans doute lui-même ne le sait-il pas.
En attendant au coin de la rue son vieil ami
Yeong-ho (Kim sang-soo), le cinéaste Yoo va rencontrer une ancienne élève
devenue depuis professeur de cinéma. Ils se verront par hasard trois fois dans
le même coin. Puis, Yoo croise dans un bar trois jeunes. Ce sont des étudiants
qui l’invitent à leur table. Ils boivent, ils parlent, ils discutent de leur
envie de faire du cinéma. Ils sortent souls du bar. Ils s’achètent des
cigarettes et il les engueule parce qu’ils l’imitent trop. Plus tard, il ira
sonner chez Kyeong-jin (Kim Bo-kyeong) son ex – sans doute une de ses anciennes
élèves – avec laquelle il va coucher. Ils ne s’étaient pas revus depuis son
départ et la discussion qui termine leur rencontre. Envoyer des sms, se
rappeler, se revoir et plus – au cas où – tout cela est interdit à Kyeong-jin.
On en vient presque à se demander si Yoo n’est pas parti de Séoul à cause
d’elle, à cause des femmes en général, pourquoi pas ?
Le soir, Yoo retrouve donc son ami Yeong-ho qui est
accompagné par Boram (Song Seon-mi), professeur de cinéma. Décidemment, on ne
sortira pas du milieu. Ils vont tous les trois manger coréen puis, détour par
le bar « Roman » où Yoo se fait tout timide devant la patronne Ye-jin
(Kim Bo-kyeong, la même actrice qui incarne Kyeong-jin). Pour bien marquer le
trouble du professeur-cinéaste, Hong Sang-soo pratique, à l’excès, le zoom. Il
recadre très rapidement ses personnages, se rapproche d’eux, et surtout de Yoo
quand il s’agit de filmer son trouble de se trouver sans doute amoureux. Et
c’est sans doute ce regard de garçon timide qui offre les meilleurs moments de The
Day he arrives - Matins calmes à Séoul. Chaque soir, Yoo et ses amis
retournent au bar « Roman » et chaque soir les mêmes gestes sont
faits : il sort fumer une cigarette (un soir il fait doux, le lendemain il
neige) et il l’accompagne acheter des raviolis dans le magasin d’à côté.
Le film est le film d’un amour renouvelé, d’un homme
qui envisage peut-être une nouvelle vie à Séoul après tant de temps passé hors
de son milieu. En voix off, Yoo commente lui-même ce qu’il fait et son
commentaire est à la fois sarcastique et vain. Yoo est cependant remis sur
terre par un troisième ami, Joong-won (Kim Ee-seong) qui fût acteur dans son
premier film. L’alcool aidant, on comprend toute la rancœur que Joong-won a
gardée pour n’avoir pas pu concrétiser ses propres rêves de cinéma. Il lui
balance quelques reproches, évoque son égoïsme. Le film tente de dresser le portrait
en creux d’un grand égocentrique, comme en témoignent les rencontres avec les
anciens collègues de Yoo qui refusent tous de lui parler autrement qu’en
phrases sonnant vide. Le regard de Yoo exprime alors toute la détresse d’un
homme qui ne parvient plus à avancer dans la vie.
The Day he arrives - Matins calmes à Séoul (북촌 방향, Corée, 2011) Un
film de Hong Sang-soo avec Yoo Joon-sang, Kim Sang-joong, Song Seon-mi, Kim
Bo-kyeong, Kim Ee-seong.
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