Après
la guerre de Corée, un Américain a eu l’idée de faire adopter des enfants
orphelins ou abandonnés par des occidentaux. Comme le dit la voix off, dans le
village belge où va se retrouver le gamin de 5 ans, chaque famille a son
Coréen. Jung débarque en Europe en 1971. Un policier le découvre accroupi,
seul, devant une poubelle. Il ne parle pas et ses souvenirs d’enfance sont
estompés, souvent oblitérés. Le dessin animé qui décrit ce passé est composé
d’un trait simple, des couleurs justement brunes, miel et sépia, correspondant
à une époque un peu oubliée mais qui façonne l’enfant. Cette teinte donne le
titre du film Couleur de peau :
miel.
Quarante
ans après son adoption, Jung revient en Corée. Dans des images réelles, celui
qui est devenu depuis un dessinateur cherche des bribes des premières années de
sa vie. Il veut reconstituer des choses qui n’existent plus. Il découvre son
maigre dossier au centre d’adoption. En dessin animé, il reconstitue : sa
tête rasée, son arrivée en Belgique, la bouteille de Coca qu’il boit dès son
arrivée dans la famille. Puis, l’animation cède le pas au petit film 8 mm de la famille d’accueil. On la découvre :
Jung, qui garde son prénom coréen, a deux sœurs et deux frères. Plus tard, ses
parents adopteront une autre enfant coréenne, qui recevra un prénom français.
Le
film suit la vie de Jung jusqu’à ses dix sept ans. Enfant, dès son arrivée, il
est le chouchou de la famille. C’est un enfant turbulent qui commence à faire
quelques bêtises, il envoie notamment une flèche dans l’œil de sa petite sœur.
Un jour à l’école, il vole à une camarade ses tickets de repas. Ses parents
sont furieux, sa mère surtout qui traite Jung de pomme pourrie qui risque de
contaminer « ses enfants ». Ce que montre Jung, c’est qu’il cherche à
tout prix, y compris celui d’être puni, à se faire aimer de cette mère peu
commode, directe et incapable de déclarer son amour, comme souvent les
catholiques de cette époque. Sur ce point de vue, Couleur de peau : miel frôle parfois la mièvrerie, mais la
dureté du récit et sa construction qui alterne les époques parviennent au
contraire à atteindre l’émotion.
Ce
qui intéresse encore plus que ces rapports familiaux, c’est la quête d’une
identité propre. A ce titre, sa vague attirance pour sa grande sœur indique bien
qu’il ne considère pas cette famille comme naturelle. D’ailleurs, la grand-mère
le lui rappelle bien. Les dialogues sur les racines, sur la différence entre
asiatiques et européens et sur les adoptés coréens dans ce village sont
percutants et drôles. Comme il le dira lui-même, l’Asie rattrapera Jung.
D’abord par sa passion du Japon (« l’ennemi de la Corée » lui dira un
autre adopté). Le film se transforme en comédie puis va vers la douceur quand
il comprend que ses racines coréennes sont toujours là, quand, adolescent, il
devient ami avec une jeune d’origine coréenne. Il rencontre un couple
d’immigrés. Alors que Jung semble désormais construit, le film atteint une
amertume qui accomplit son travail d’émotion tout en délicatesse.
Couleur
de peau : miel (France – Belgique, 2012) Un film de Jung et Laurent
Boileau avec Jung et les voix de William Coryn, Christelle Cornil, Jean-Luc
Couchard, Arthur Dubois, David Macaluso, Maxym Anciaux, David Murgia, Alayin
Dubois, Aaricia Dubois, Cathy Boquet, Jazz Marlier, Mahé Collet, Pauline
Souren.
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