Amoureux
transis quand ils étaient adolescents, Nishi et Myon se retrouvent des années
plus tard dans le métro. Myon rentrait en courant dans la rame manquait de se
faire coincer le pied. Nishi la reconnait immédiatement. Elle lui propose de
venir boire un verre dans le bar que tient son père et sa sœur Yan. Lui l’aime
encore, il espère faire enfin aboutir cette amourette qui, alors, ne consistait
qu’en l’échange de deux petits mots. Las, arrivé au bar, il découvre qu’elle a
un fiancé, un bon gars costaud alors que Nishi est un petit tout maigrichon,
dessinateur de manga sans le sou. Sa vie n’est pas une réussite. Mais tout
pourrait prendre un nouveau départ.
En
guise de nouveau départ, c’est la mort que va rencontrer Nishi. Un yakuza et
son homme de main, un ancien footballeur immense et chauve, viennent réclamer
au père de Myon de l’argent emprunté depuis longtemps et jamais remboursé. Le
footballeur, armé d’un révolver, tente de caresser Myon, son petit ami s’y
oppose mais se ramasse un beau coup de poing qui le laisse KO. Nishi tente de
s’interposer et se prend une balle qui lui rentre dans le cul et ressort dans
le crâne. Direction le paradis ou ses limbes, un fond blanc comme une feuille
de papier vide. Après une longue discussion avec Dieu, personnage protéiforme
et changeant, il parfvient à s’enfuir et à retourner sur terre pour sauver sa
belle.
Là,
la situation change du tout au tout. De retour sur terre, Nishi flingue le
footballeur, délivre Nishi et Yan et part en trombe dans la voiture des yakuzas.
Une longue course-poursuite s’engage. Nishi montre ses talents de conducteur,
il faut dire qu’il est très fort aux jeux vidéo. La course poursuite est filmée
ainsi, prenant le point de vue de Nishi, puis montrant comme dans un GPS le
lieu où il se trouve. Et là, catastrophe. La bagnole au détour d’un pont se
fait aspirer par une immense vague de mer. Nishi, Myon et Yan se font alors
avaler par une baleine, tels Pinocchio et son père. Dans le ventre de la
baleine, un vieil homme, Robinson échoué ici depuis trente ans guide leur
premiers pas. La toute dernière heure de Mind
game se déroule au sein de l’animal marin.
Le
film crée alors une cosmogonie qui ne doit plus rien à la réalité telle qu’on
la connait. La baleine est un nouveau monde où il n’existe plus d’ennemis, les
yakuzas et autre créanciers ne sont pas là. Les quatre personnages ne souffrent
jamais de faim d’autant que le vieil homme est un fin cuisinier qui prépare de
délicieux sushis. Et puis Myon n’a pas de fiancé dans ce monde, Nishi peut enfin
la séduire comme il en avait toujours rêvé. Il peu accomplir son désir d’ado. Quant
à Yan, elle prend du bon temps avec le Robinson. L’espace ne semble avoir
aucune limite, la peau de l’animal est si extensible qu’un animal marin
préhistorique est leur animal de compagnie, que l’eau avalée par la baleine
constitue une mer où ils se baignent. Mais la baleine vieillit. Le vieil homme
le sent. Il faut donc partir. Une nouvelle course poursuite se lance dans Mind game : celle qui consiste aux
quatre personnages à s’échapper.
Le
spectateur est dans la même situation que Nishi. Il est prisonnier d’un monde
dont il ne connait pas les règles mais qu’il lui faut contrôler. Le film vise
l’épuisement des personnages, des situations comme il cherche à épuiser le
spectateur par une profusion d’images qui s’apparente à l’orgie. Les
personnages changent régulièrement de graphisme, leur visage est parfois celui
de vrais acteurs, parfois simplement constitués de simples traits. Cette
profusion extrême provoque deux résultats. Le premier est un plaisir de voir un
imaginaire si débridé, un si grand nombre de propositions d’images, une variété
si importante de style, de genre (comédie, romance, polar). Logiquement, cette
variété constitue l’écueil principal de Mind
game qui propose tant de choses qu’il donne l’impression de ne jamais avoir
de réelle ligne directrice, de s’éparpiller, de complexifier ad libidum des images comme s’il ne
faisait pas confiance à un scénario très basique. Il y aura chez de nombreux
spectateurs une évidente volonté de crier au génie, c’est logique : il est
toujours plaisant d’être émerveillé dans la perdition des méandres des images,
de pouvoir s’affranchir du sens, comme si les images n’avaient de valeur que
pour elles-mêmes. D’une certaine manière, Mind
game est dans la lignée du cinéma de Tarantino, à la fois totalement
immature et complètement abouti.
Mind
game (Japon, 2004) Un film de Masaaki Yuasa avec les voix de Kōji Imada, Sayaka
Maeda, Takashi Fuji, Seiko Takuma, Rio Sakata, Tomomitsu Yamaguchi.
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