Douze
ans après avoir laissé son fils Ryosuke partir à Tokyo pour entrer au collège,
sa mère, madame Tsuno Nonomyia (Chôko Iida) quitte son petit village pour lui rendre enfin visite. Elle avait
accepté qu’il parte s’instruire plutôt qu’il commence à travailler comme elle à
l’usine ou aux champs. Veuve, cette mère travaille dans une usine de vers à
soie. Le boulot est difficile, elle défait les fils des cocons dans la chaleur
avec les roues bruyantes qui filent sans discontinuer derrière elle. Le Fils unique commence sur la
métaphore du cocon : la mère doit-elle laisser son fils s’épanouir ou au
contraire le garder avec elle pour avoir une vie décente. Sur les conseils d’un
voisin qui tente sa chance à Tokyo, elle le laisse partir.
Arrivée
à la Tokyo, Tsuno s’émerveille de la taille de la ville. Dans le taxi, Rysouke
(Shinichi
Himori), tout sourire, lui présente Tokyo, ses ponts, ses immeubles si
différents du village. Le trajet est un peu long puisqu’il habite dans une
lointaine banlieue où il n’y a même pas de train (rare film d’Ozu sans train).
Tsuno apprend que son fils est marié et qu’il a un fils. Elle qui allait voit
son fils pour l’inciter à trouver une épouse, c’est une surprise de poids pour
elle. Chaque jour, il va emmener sa mère visiter un peu de Tokyo, voir un film
allemand où elle s’endormira ou manger des plats dignes d’une invitée. On ne
dérode pas au protocole. Les sourires fusent, les discussions sont courtoises,
la famille est réunie.
Derrière les sourires de façade, Ryosuke
doit trouver de l’argent. Contrairement à son souhait, il n’a pas réussi à
Tokyo. Il donne des cours du soir à des étudiants mais va quémander un peu
d’argent à ses collègues, pas toujours heureux de devoir l’aider. Son épouse va
chercher des aliments chez son père restaurateur. Bientôt, la visite de la mère
va se transformer en véritable parcours du combattant pour Ryosuke. L’argent,
sujet unique du film, venant à manquer, les règles de la bienséance, telles
qu’elles avaient court alors, vont éclater. Le sourire du fils va disparaitre
de son visage mais le plus difficile pour lui sera de reconnaitre qu’il n’a pas
réussi et de le dire à sa mère.
Premier film parlant de Yasujiro Ozu, Le Fils unique est d’une grande
tristesse. Ses personnages apparaissent tous défaits par la société. Le fils
est pauvre et sa fierté de père s’en trouve détruite. La visite chez l’ancien
voisin parti à Tokyo montre un homme qui a abandonné tout goût pour la vie,
obligé de vendre des côtelettes pour subvenir aux besoins de sa famille. Quant
à la mère, elle avoue avoir vendu sa maison pour permettre à son fils de faire
des études. La longue séquence finale où Ryosuke retrouve sa fierté, après
avoir aidé sa voisine encore plus dans le besoin que lui, semble une pure
convenance scénaristique pour garantir l’adhésion du personnage du fils auprès
du public. Ozu veut terminer son film sur une note positive qui, paradoxalement, contredit la force de l'ensemble.
Le
Fils unique (一人息子, Japon, 1936) Un film de Yasujiro
Ozu avec Chôko Iida, Shinichi Himori, Masao Hayama, Yoshiko Tsubouchi, Mitsuko
Yoshikawa, Chishū Ryū, Tomoko Naniwa.
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