Tourné
en 1953 et sorti en France le 8 février 1978, Voyage à Tokyo est le plus connu des films de Yasujiro Ozu,
peut-être tout simplement parce qu’il est le premier à avoir eu une large
diffusion. Ce voyage, c’est un couple de personnes âgées qui l’entreprend. Le
père (Chishū
Ryū) et la mère (Chieko Higashiyama) préparent minutieusement leur bagage pour
partir à Tokyo rendre visite à leurs enfants. Le voyage sera long, ils arrivent
dans la capitale fatigués d’autant que le fils Koichi (Sō Yamamura), allé les
chercher à la gare, habite en banlieue. Tout cela, ce sont les dialogues qui
l’apprennent, une ellipse est faite sur le voyage et la fatigue. Les deux
parents sont âgés, se déplacent lentement, les cheveux sont gris mais ils sont
heureux de faire ce voyage.
L’accueil est courtois mais peu
enthousiaste. C’est d’abord chez Koichi que les deux parents se rendent. Il est
médecin et doit annuler la sortie à la campagne prévue au grand dam de ses deux
fils. La mère ira avec le plus jeune se promener à côté tandis que le plus
grand ira bouder. Il est d’autant moins content que ses grands parents doivent
dormir dans sa chambre. Les petits-enfants ne sont pas aussi polis que les
enfants. Ils disent ce qu’ils pensent. Ils vont vite quitter le récit et
laisser les deux générations se confronter dans l’espace exiguë de leur maison.
La courtoisie est également abandonnée par les parents. Le soir, seuls dans
leur chambre, ils constatent que le fils n’a pas une aussi belle carrière de
médecin qu’ils le croyaient.
La sœur Shige (Haruko Sugimura) n’est
guère mieux. Coiffeuse, elle ne veut pas perdre des clients pour s’occuper de
ses parents. Comme ni elle ni son frère ne peut et ne veut les emmener visiter
Tokyo, elle convainc Noriko (Stesuko Hara), la veuve de guerre et donc sa belle-sœur
de faire sortir les parents. Noriko prend sur son travail une journée, mais
Shige pense que ce n’est pas grave puisqu’elle n’est qu’employée et qu’elle n’a
pas d’enfants. Noriko n’avait pas ses beaux parents depuis plusieurs années, et
ils se rendent compte qu’elle possède un plus grand sens filial que leurs
propres enfants. Ainsi quand ils décideront de rentrer plus tôt que prévu du
séjour au bord de la mer offert par Shige et Koichi, la mère ira dormir chez sa
bru plutôt que chez ses enfants tandis que le père ruminera dans l’alcool sa
rancœur contre ses enfants.
Ce
Voyage à Tokyo devait rapprocher les
membres de la famille, il va les diviser inexorablement et atomiser la cellule
familiale. Contrairement à ce qu’on peut souvent lire sur le film concernant la
simplicité du scénario, de nouveaux personnages se greffent au récit tout au
long du film. Kyoko (Kyoko Kagawa) n’est pas immédiatement identifiée comme
leur fille et peut d’abord apparaitre comme la bonne des parents. Elle est
institutrice. Shiro (Shirô Osaka) est un autre frère qui débarque au milieu du
film. Et encore la belle famille, la voisine curieuse, la voisine serviable, chacun
apporte non pas un coup de théâtre, un retournement de situation, mais vient
préciser la place des deux parents au sein de la famille, vient ajouter une
touche au portrait de cette famille typiquement japonaise où les souvenirs, les
regrets et les déceptions sont les plus forts.
Cette
impression de récit simple vient également du traitement des séquences de
Yasujiro Ozu. Dans les affrontements entre les personnages, certains
interprètes disent leur dialogue de dos, le cinéaste choisit ainsi les visages,
et don les réactions faciales, qu’il souhaite montrer au spectateur. Les
moments creux (repas, politesse entre les personnages) sont sur le même ton que
les moments de tension (colère rentrée, reproches, décisions). Ce ton monocorde
passe pour de la monotonie et parfois crée un certain ennui chez le spectateur.
Cette lenteur est typique du cinéma d’Ozu qui prend le temps de raconter un
court voyage de personnes âgées à leur rythme. Le montage est pourtant très
rapide, les plans sont souvent courts, y compris lors des discussions entre les
personnages, accentuant l’idée de peintre impressionniste dessinant par touche
la famille.
Voyage à
Tokyo (東京物語, Japon, 1953) Un film de Yasujiro Ozu
avec Chishū Ryū, Chieko Higashiyama, Setsuko Hara, Haruko Sugimura, Sō
Yamamura, Kuniko Miyake, Kyōko Kagawa, Eijirô Tôno, Nobuo Nakamura, Shirô
Osaka.
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