mercredi 5 juin 2013

Shokuzai, celles qui voulaient oublier


Les trois épisodes qui composent Shokuzai, celles qui voulaient oublier sont consacrés respectivement à Akiko (Sakuro Ando) et  Yuka (Chizuru Ikewaki). Akiko est l’amie d’Emili qui était allée prévenir Asako (Kyôko Koizumi) de la mort de sa fille. Quinze ans après, elle est internée et raconte sa vie à Asako venue lui rendre visite. Akiko avait taché sa belle robe le jour du drame et depuis elle ne porte que des vêtements ternes. Elle retrouve son grand frère Koji, marié à une femme mère d’une petite fille. Au contact de cette dernière, Akiko s’ouvre à la vie mais elle soupçonne son frère d’être pédophile. Ce chapitre est l’un des meilleurs des cinq, le personnage d’Akiko est un monstre énigmatique, montrant combien la scène primitive de la mort d’Emili a tué toutes les fillettes, au moins au sens figuré

Quant à Yuka, c’est elle qui est allée prévenir la police de l’assassinat d’Emili. Elle vit avec sa mère qui préfère s’occuper de Mayu (Ayumi Itô), sa grande sœur malade, plutôt que d’écouter Yuka et de la consoler du drame. De là nait une jalousie maladive qui va la pousser, quinze ans plus tard, à s’immiscer dans le couple de Mayu et de coucher avec Keita (Tomoharu Hasegawa), son beau frère. La bataille entre les deux sœurs est intense, Yuka lui fait payer le manque d’affection maternel mais cela révèle aussi une passion pour les policiers, Keita exerçant cette profession, passion malsaine proche de la pédophilie à l’envers. Mais le récit va changer quand elle pense reconnaitre la voix de l’assassin d’Emili. Jusqu’alors, elle avait refusé de répondre à Asako, estimant que la promesse faite quinze ans plus tôt ne la concernait plus. Elle se résout à l’appeler.

Ce sont les rapports avec les mères que traite ici Kiyoshi Kurosawa. Celle d’Akiko est très possessive, elle traite sa fille, même quand elle est adulte, comme une gamine, lui indiquant les tenues qu’elle doit porter, décidant tout pour elle. Yuka, quant à elle, a toujours détesté sa mère, monstre d’égoïsme et sans amour. Ce sont aussi les parents d’élèves qui se confrontent avec Maki, l’enseignante du deuxième chapitre, tous versatiles. Mais fondamentalement, c’est Asako qui devient leur mère de substitution. Les quatre enfants de Shokuzai doivent leurs vies d’adultes à cette femme vêtue de noir, impitoyable et fantomatique, qui en quinze ans ne semble pas avoir vieillie. Mais elle est aussi responsable de leurs vies funestes et de leurs dérèglements sociaux.

Logiquement, la troisième partie (et donc cinquième chapitre) de Shokuzai, celles qui voulaient oublier est la plus longue et se consacre à l’aboutissement de l’enquête d’Asako. Je me garderai bien de révéler quoi que ce soit du dénouement du film qui s’avère riche en rebondissements, en secrets intimes et en rancœurs si longtemps gardées. On peut cependant regretter de deviner toujours à l’avance chaque révélation. On peut également trouver dommage que chacun des coups de théâtre soit répétés à plusieurs interlocuteurs qu’Asako a en face d’elle. Cela dit, Shokuzai est totalement hors norme à la fois dans sa narration en chapitres (les quatre enfants ne se rencontrent jamais une fois adultes) et dans son style extrêmement théâtral (les personnages débitent les dialogues les bras ballants) mais encore et toujours indolent.

Shokuzai, celles qui voulaient oublier (贖罪, Japon, 2012) Un film de Kiyoshi Kurosawa avec Kyôko Koizumi, Hazuki Kimura, Yû Aoi, Mirai Moriyama, Eiko Koike, Kenji Mizuhashi, Sakura Andô, Chizuru Ikewaki, Ayumi Itô, Tomoharu Hasegawa, Teruyuki Kagawa.

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