Directeur
d’une entreprise industrielle (on aperçoit régulièrement des cheminées laissant
échapper de la fumée) et veuf, Shuhei Hirayama (Chishu Ryu) vit avec sa fille
Michiko (Shima Iwashita), 24 ans, et son fils Kazuo (Shinichiro Mikami), la
vingtaine. Il passe son temps entre le travail et les bars où ils retrouvent
ses vieux amis Kawai (Nobuo Nakamura) et Horie (Ryuji Kita) où ils boivent
beaucoup de saké. Ils décident d’organiser une rencontre amicale avec leur
ancien professeur, Monsieur Sakuma (Eijiro Tono). Ils ne l’ont pas revu depuis
une bonne trentaine d’années. Le vieil homme, tout heureux de revoir ses
anciens élèves, profite de la soirée au restaurant pour se goinfrer et boire
beaucoup de saké.
Trop
saoul pour rentrer seul, Kawai le raccompagne et découvre qu’il vit avec sa
fille, restée toute sa vie célibataire. Sakuma culpabilise de n’avoir jamais
laissé sa fille se marier. Hirayama va lui apporter un peu d’argent, car
l’ancien professeur est entre temps devenu un marchand de nouilles sans le sou.
Hirayama rencontre lui aussi la fille de Sakuma, qu’elle a grondé, comme s’il
était un enfant, pour son ivresse. C’est à ce moment-là qu’il comprend qu’il
est grand temps qu’il laisse Michiko partir du foyer. Sa secrétaire, du même
âge que sa fille, lui annonce qu’elle va quitter l’entreprise pour se marier.
Il faut se faire à son époque.
Le
passé continue de rattraper Hirayama. Outre ses vieux amis d’enfance Kawai et
Horie, son ancien professeur, il rencontre par hasard Sakamoto (Daisuke Katô),
qui fut, pendant la guerre, marin sous son ordre. Le moment est amusant, ils
chantent ensemble un air de cette époque, ils boivent beaucoup de saké. De
retour chez lui, Michiko l’accueille bien sèchement, navrée de voir son père
saoul. Il est temps pour elle de quitter le foyer mais elle n’ose pas encore le
dire. Quant au petit frère qui veut se faire servir le repas, il ne sait faire
aucune tache ménagère et sa sœur lui annonce qu’il devra bientôt se débrouiller
seul.
L’avenir
est le mariage de Michiko. Son grand frère Koichi (Keiji Sada) est lui marié
avec Akiko (Mariko Okada). Le couple a un peu de mal à boucler les fins de
mois. Régulièrement, le père leur donne un peu d’argent. Lui voudrait pouvoir
s’acheter des clubs de golf, vivre bourgeoisement comme son père mais Akiko
l’en empêche. C’est elle qui gouverne au foyer. Par manque d’argent, ils
n’envisagent pas encore d’avoir d’enfants. Informé du désir de Michiko de se
marier, il apprend qu’elle est amoureuse d’un de ses collègues, hélas, déjà
fiancé. Elle devra se contenter du jeune homme (que l’on ne verra jamais)
choisi par son père. Et le petit frère annonce qu’il est, lui aussi, amoureux d’une
jeune femme.
Le Goût du saké, dernier film de Yasujiro Ozu, prend en compte les
changements de société et surtout l’influence importante de la culture
américaine sur les Japonais. Le bar s’appelle le « Torys », on joue
au golf, le whisky remplace le saké, Kazuo répond « Yes ». Plus
largement, les mœurs changent, la jeunesse décide désormais pour elle-même et
ne veut plus vivre avec les parents. Les hommes sont montrés comme des êtres
pleins de faiblesse (alcooliques, paresseux, dépensiers). Ce changement de
société est inéluctable, comme Yasujiro Ozu le montrait encore plus fortement
dans Bonjour. Seul le style du
cinéaste reste égal à lui-même ne filmant que les moments du quotidien en plan
fixe, comparant les actes des personnages pour élaborer sa vision de la société.
Le
Goût du saké (秋刀魚の味, Japon, 1962) Un film de Yasujiro Ozu avec Chishu Ryu, Shima
Iwashita, Shinichiro Mikami, Keiji Sada, Nobuo Nakamura, Teruo Yoshida, Norio
Maki, Eijiro Tono, Ryuji Kita, Kyoko Kishida, Mariko Okada, Kuniko Miyake, Michiyo
Tamaki, Haruko Sugimura, Daisuke Katô.
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