Famille N°1, celle de Keita (Keita Ninomiya).
Le père, Ryota Nonomiya (Masaharu Fukuyama) est architecte. Il passe tout son
temps au travail, rentre tard le soir. Cadre dynamique, comme on dit, il fait
la fierté de son patron quand il vient travailler même le samedi. Avec sa femme
Midori Nonimiya (Machiko Ono), femme au foyer, il habite dans un grand
appartement d’un immeuble moderne de Tokyo. Meubles gris, grandes pièces,
confort moderne. Le père porte de beaux costumes et roule dans une belle
voiture.
Famille N°2, celle de Ryusei (Shôgen Hwang). Le
père, Yudai Saiki (Lily Franky) tient un petit commerce d’électricien. Il est à
son compte, compte peu de clients avec lesquels il entretient de cordiaux
rapports. Avec sa femme Yukari Saiki (Yôko Maki) et leurs deux enfants plus
jeunes que Ryusei, un garçon et une fille, ils habitent au dessus de leur
boutique dans un modeste appartement dans une ville de province. Les trois
enfants dorment dans la même pièce. Le père, barbe de trois jours, porte des
chemises à carreaux et roule dans un van.
Deux familles que tout oppose et qui vont
apprendre que leurs fils, âgés de six ans, ont été échangés à la maternité.
Midori a accouché dans le village de Yudai, sa terre natale. Les deux familles
ne se connaissent pas mais vont devoir composer ensemble, dans une forme
totalement différente de notre fleuron national, La Vie est un long fleuve tranquille. Le sujet de Tel père, tel fils est pratiquement le
même, mais le traitement de Hirokazu Kore-eda est radicalement différent, loin
de la farce d’Etienne Chatilliez.
Le cinéaste prend comme point de vue celui de
Ryota, le père arrogant et sûr de lui. Sa vie pourrait être considérée comme un
étalon de la société japonaise actuelle : la réussite professionnelle
prime avant tout. Il est persuadé que l’éducation qu’il a donnée depuis six ans
à Keita est la bonne. Le film s’ouvre d’ailleurs sur un entretien d’embauche de
l’enfant pour rentrer dans une école privée. Le petit garçon se présente,
habillé avec un belle cravate, comme son père, devant les dirigeants de
l’école.
Il ne s’agira pas pour Hirokazu Kore-eda de
savoir si le père a raison ou tort de vivre de cette manière, il ne s’agira pas
non plus de faire un débat pour savoir si un père ou une mère est celui qui
donne la naissance ou ceux qui élèvent les enfants. Le film est bien plus
subtil que cela. Ces sujets sont abordés en long en large et en travers, ils
occupent une bonne partie des pensées des quatre parents sans que jamais,
durant les deux heures que dure Tel père
tel fils, la réponse ne soit apportée.
Ce qui frappe dans ce nouveau film sur
l’enfance, c’est la douceur avec laquelle les personnages sont traités. Une
douceur qui est inversement proportionnelle avec la violence de la nouvelle de
l’échange. Le cinéaste procède par touche, décrit lentement les environnements
des familles, commençant par les bourgeois avant d’aller, au bout de près d’une
demi heure, chez les prolos. Cette douceur permet de ne pas créer de fausses
tensions pour permettre des rebondissements dramatiques abrupts. La séquence du
procès contre l’hôpital est à ce titre exemplaire.
Ce qui est très beau également dans ce portrait
de familles obligées de se recomposer est l’absence de chantage à l’émotion. Le
film évite cet écueil en laissant les enfants à côté des soucis des parents. On
ne verra pas les deux garçons sortir des dialogues d’adultes pour tenter de
donner corps à ce qu’ils vivent, à ce déracinement programmé. C’est ce mystère
silencieux de Keita et Ryusei, leur regard d’enfant, les scènes de leur vie
quotidienne, qui provoquent l’émotion qui gagne petit à petit le spectateur.
Tel père tel fils (そして父になる, Japon, 2013) Un film d’Hirokazu Kore-eda avec Keita Ninomiya, Masaharu
Fukuyama, Machiko Ono, Shôgen Hwang, Lily Franky, Yôko Maki, Jun Fubuki, Kirin
Kiki, Jun Kunimura, Megumi Morisaki, Isao Natsuyagi, Hiroshi Ohkôchi.
1 commentaire:
Bonjour, et en plus, j'ai beaucoup aimé la fin somme toute logique (à moins que je n'ai rien compris) Les enfants sont vraiment bien. Ryusei avec sa manière lancinante de demander "pourquoi" vous étreint le coeur. Bonne après-midi.
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