lundi 10 février 2014

La Légende de Zatoichi 21 : Le Shogun de l'ombre


Dans une vente aux enchères de prostituées, l’ancienne épouse d’un vassal du shogun est vendue très cher à un marchand prétentieux et libidineux. Zatoichi (Shintaro Katsu), qui est là à le masser est dégouté par cet homme et pris de pitié par cette femme, décide de la délivrer sur le chemin qui la mène dans la maison de son maitre. Zatoichi et elle s’enfuient dans la forêt. Quelques instants plus tard, un samouraï (Tastuya Nakadai), l’époux de cette femme, sort son sabre et tue le marchand ainsi que les deux porteurs du palanquin. Zatoichi vient de se faire son premier ennemi.

La présence de Tatsuya Nakadai, après celles de Takashi Shimura et de Toshiro Mifune, décèle l’envie de Shintaro Katsu, producteur de la série depuis quelques films, d’inviter des grandes pointures du chambara. L’acteur fétiche de Masaki Kobayashi s’en sort beaucoup mieux que ses illustres prédécesseurs. Kenji Misumi le filme tel un fantôme, en clair obscur, le laissant apparaitre furtivement derrière Zatoichi, ne lui donnant aucun nom et menaçant le masseur. Le samouraï est persuadé qu’il est responsable de la mort de son épouse. Innocent, Zatoichi est désarmé face à lui.

Un ennemi, c’est bien, deux ennemis, ça corse l’enjeu. Il débarque dans une ville tenue par Yamikubo (Masaki Kobayashi), parrain des parrains qui lèvent des impôts sur les paysans et les taxe en les menaçant. Il tire son surnom de shogun de l’ombre de sa cécité. Comme Zatoichi, il est aveugle et c’est aveuglément qu’il fait régner la terreur dans son shogunat, tout aussi aveuglément qu’il décide de la mort de Zatoichi, sans raison valable. Les deux hommes sont à l’opposé l’un de l’autre et Kenji Misumi illustre cet antagonisme de nombreuses fois, notamment dans un jeu de go où ils s’affrontent.

Pour se débarrasser de lui, le shogun de l’ombre envoie la belle et jeune Okiyo (Reiko Ôhara), fille de l’un de ses chefs de clan, séduire Zatoichi puis le tuer. Mais, elle s’éprend réellement de lui et refuse d’accomplir sa tâche. Ensuite, il engage Umijé (Peter, vu dans Les Funérailles des roses), apprenti yakuza à la mèche de cheveux sur les yeux maquillés. Umijé se prétend proxénète mais tombe lui aussi amoureux de Zatoichi. Ils partageront un lit ensemble, laissant la confusion au spectateur sur ce qui a pu se passer sous la couverture.

Pour la première fois, une aventure de Zatoichi aborde frontalement la sexualité. La vente aux enchères montre un maître des cérémonies obsédé sexuel qui déshabille les femmes et, par ses dialogues, érotise les futurs rapports sexuels. Plus tard, Zatoichi se battra nu dans un bain de thermes face à une demie douzaine d’assaillants nus également. Chacun protégera son sexe avec un baquet. Enfin, Umijé dont Zatoichi met à l’épreuve la virilité et vice-versa dans un jeu de séduction troublant et Okiyo qui tient la canne du masseur dans laquelle il enfonce son épée.

Dans Le Shogun de l’ombre, sixième et dernière réalisation de Kenji Misumi pour la série, le cinéaste s’amuse comme un petit fou. Les scènes de pur comique burlesque abondent : le masseur aveugle pratique l’ironie comme jamais, se moque des gens qu’il rencontre et il joue de ses mimiques. La scène la plus drôle est ce combat dans les thermes. Kenji Misumi expérimente aussi ses images, souvent très funestes, met en scène un flashback halluciné du samouraï sans nom. Il se prépare aux délires formels des Baby Cart et de son Hanzo the razor.

La Légende de Zatoichi 21 : Le Shogun de l'ombre (座頭市あばれ火祭, Japon, 1970) Un film de Kenji Misumi avec Shintaro Katsu, Tatsuya Nakadai, Peter, Masayuki Mori, Reiko Ôhara, Kô Nishimura, Ryûnosuke Kaneda, Osamu Ôkawa, Takumi Shinjo, Yasuhiro Mizukami, Ryûtarô Gomi, Kazuko Yoshiyuki.

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