mardi 21 août 2007

La Province de Yangsan


Kim Ki-young (1922-1998) est un cinéaste dont l'œuvre reste à découvrir. Il commence à tourner en 1955, l'année où sort la première adaptation cinématographique de l'histoire de Chunhyang, qui sera connue du public occidental en 2000 avec le film de Im Kwon-taek (Le Chant de la fidèle Chunhyang). Les années 1950 ne sont pas fastes pour le cinéma coréen. La plupart des films sont des documentaires produits par le gouvernement coréen, documentaires anti-communistes ou qui évoquent la guerre. Le genre majeur en Corée est alors le mélodrame (80% des films), le reste est constitué de comédies loufoques ou de fictions anti-communistes ou anti-japonaises.

La Province de Yangsan peut être vu comme une variation de l'histoire de Chunhyang. Soo-dong est un jeune homme amoureux de Ok-ran. Leur mariage est prévu par les deux familles, même si la mère de Ok-ran préférerait un gendre riche. Arrive de Séoul Moo-ryong, le fils du souverain local qui veut, lui aussi, épouser Ok-ran. Soo-dong et Ok-ran se jurent fidélité, " nous ne mourrons pas séparés, nous mourrons ensemble ", se disent-ils. Or, Soo-dong est très pauvre. Il vit seul avec sa mère et a bien des difficultés à offrir une dot à la famille de Ok-ran. Moo-ryong pense pouvoir, grâce à son statut de fils du maître, épouser la jeune fille. Et sa priorité est d'éliminer son rival.

Ce que filme Kim Ki-young dans La Province de Yangsan, ce sont d'abord les instincts les plus primaires des personnages. Le film débute sur Soo-dong qui joue joyeusement de la flûte dans un bois. En fait, il est en train de chasser le lapin. Le cinéaste s'amuse à le faire grimper sur une vache (toujours en jouant de la flûte) tandis que Ok-ran caresse un jeune veau. Plus tard, les amoureux iront se cacher dans un poulailler où Soo-dong espère que Ok-ran lui fera autant de petits que la poule, qui est devant eux, a fait de poussins. Ok-ran choquée par la comparaison s'enfuit. Soo-dong la rattrape au milieu d'une rivière. Ils tombent à l'eau. Ils font sécher leurs vêtements sur le socle d'une statue de Bouddha. Lui est torse nu, elle montre une jambe nue. Kim Ki-young montre toute la tension sexuelle, quasi animale, entre eux.

Tout se passerait parfaitement entre les deux amoureux si Moo-ryong ne cherchait à mettre à mal cette relation. Lui est un chasseur et voit Ok-ran comme une proie. Il menace de son arc le père de Ok-ran, qui ne souhaite pas vendre sa fille à ce jeune homme cruel, et finit par abattre une poule. Ce qui semble montrer que Moo-ryong préférerait voir la jeune fille morte si elle ne l'épouse pas. Kim Ki-young n'a évidemment pas de sympathie pour Moo-ryong. Il le filme toujours en légère contre plongée, lui donnant un air hautain et inquiétant. Régulièrement, Kim le filme sur son petit cheval, suivi de ses hommes, descendre la colline pour rejoindre le village. Moo-ryong est toujours arrogant, condescendant avec ses paysans et ne fera jamais preuve de pitié que lorsqu'il est certain d'arriver à ses fins, comme lorsqu'il met en prison le père de Ok-ran à qui il promet la liberté en échange d'un mariage.

La Province de Yangsan est un mélodrame absolu qui se termine mal, très mal pour Soo-dong. Une scène étonne dans la dernière partie du film qui permet de décrire le ton parfois grotesque. Moo-ryong vient de s'accaparer Ok-ran. Ils sont la nuit dans un bois. Il veut coucher avec elle. Elle se soumet. Soo-dong arrive alors. Un éclair tombe sur un arbre mort et l'enflamme. Les deux hommes se battent et Soo-dong commence à étrangler son rival. Ok-ran, qui s'est faite à son sort, lui demande d'arrêter. Soo-dong gifle Ok-ran une bonne dizaine de fois de manière très emphatique. Kim Ki-young pour permettre de distinguer la scène filmée en pleine nuit noire braque un puissant éclairage sur les personnages. On se croirait dans un mélodrame du temps du muet. Les pulsions n'ont pas de limites et seule la mort délivrera les personnages de la fatalité de leur destin.

La Province de Yangsan (Corée, 1955) Un mélodrame de Kim Ki-young

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