vendredi 1 février 2008

La Voie du Jiang Hu


Deuxième film de Wong Ching-po, La Voie du Jiang Hu est une plongée dans l'univers superficiel des hommes de triade. Une vision colorée et noire de Hong Kong...

Le jeune Yik (Shawn Yue) travaille dans un restaurant. L'air blasé dans sa tenue blanche de cuisinier, il attend un coup avec un de ses potes. Son pote (Edison Chen) a tout de la parfaite petite frappe. Et quand le téléphone sonne, qu'ils répondent et qu'ils comprennent qu'ils sont dans la liste de sélection pour un contrat, alors, il n'y a plus de tenue de cuisinier qui tienne. Yik quitte sa tenue, son pote ricane comme une hyène devant le chef cuistot. C'est un autre genre de chef qu'ils veulent, ces deux idiots, un chef de triade.

L'habit fait le moine dans La Voie du Jiang Hu. Il suffit de s'habiller comme un cuistot pour l'être et quand le destin appelle, mettre un gilet avec un accroc sur l'épaule droite et avoir la conviction que cet accoutrement fera de la personne un personnage. Les deux gamins se retrouvent dans la boîte de nuit de Chapman To. Sa tenue est tout, sauf discrète. D'ailleurs, dans le personnage de Chaman To, c'est son absence de discrétion qui le caractérise. Il organise dans sa boîte de nuit, un concours pour savoir qui sera le tueur de M. Hung (Andy Lau).

Il y a plein de filles avec des perruques vertes, un type tatoué de la tête aux fesses, mais qui n'est pas un membre des triades, mais un pauvre type que Yip va tuer parce que le tatoué est avec la fille qui va désigner le tueur. Pourquoi tuer M. Hung ? On se moque de la raison, l'important est de savoir qui est le commanditaire. Les suspects sont nombreux. Tout d'abord, le plus proche de M. Hung, Lefty. Jacky Cheung, appelé ainsi parce qu'il a perdu sa main droite en protégeant M. Hung. Lefty a lui aussi un rire de hyène. Il ne sera une surprise pour personne de lire dans les parcours alternés entre les deux jeunes apprentis mafieux et entre M. Hung et Lefty des similitudes formelles et biographiques. Similitudes à chercher sans doute dans As tears go by de Wong Kar-wai où ils avaient les mêmes rapports.

La vraie question qu'on a envie de poser est de savoir pourquoi ces gars s'habillent avec un aussi mauvais goût. Lefty a des fringues pas possibles, aux couleurs criardes, une queue de cheval ringarde. Il en fait des tonnes ce personnage de Lefty, à la fois dans l'amitié, quand M. Hung annonce qu'il a un fils, et dans la loyauté, quand M. Hung veut justement arrêter d'être chef de bande à cause de la naissance de son fils.

L'habit fait le moine et les fringues de marque font le mafieux. Incroyable personnage que celui de Cobra, l'homme qui vend des armes et à qui s'adresse Shawn Yue (on ne lui a donné qu'un couteau pour tuer Andy Lau). Lunettes incroyables, manteau au col fourré porté torse nu sur un pantalon digne des collants de Robin des Bois. Il n'est du coup pas étonnant que quand M. Hung annonce se retirer du milieu, il décide de porter un costume sobre. Ce système fonctionne dans les deux sens.

Les films actuels de triade jouent tous le décalage de la narration classique. Jouer les moments de creux, privilégier l'hommage au western, faire d'un drame une comédie ou ici montrer qu'être mafieux c'est d'abord se penser comme tel. Par les attributs. Ensuite, la parole vient toute seule. La Voie du Jiang Hu multiplie donc les moments de dialogues et Wong Ching-po essaye chaque fois de filmer ses scènes de manière différentes.

Dialogue à trois au téléphone entre Eric Tsang et deux autres pontes où les trois habillés en noir portables aux oreilles traversent des couloirs où des jeunes mafieux en blanc prennent un toast. Scène entre Shawn Yue et Edison Chen et Cobra, le vendeur d'armes, filmé entre une grille comme pour annoncer un dialogue de sourds. Scène entre Lau et Cheung où ça n'est pas la caméra qui tourne autour de la table, mais la table qui tourne devant la caméra. Ou encore, une discussion dans les toilettes.

La Voie du Jiang Hu est le deuxième film de Wong Ching-po. Son premier, tourné en 2003, s'appelle Fubo et se déroulait dans une morgue. On y suivait les destins des « clients », dont une femme que les médecins légistes autopsiaient. Dans son ventre, ils découvraient un bébé pieds et poings liés. Filmé en plan très large, avec des couleurs crues, Fubo a séduit Eric Tsang et Andy Lau qui ont fait que ce film existe.

La Voie du Jiang Hu filme avec élégance des gens d'une grande vulgarité qui se croit tout puissant alors que ce sont des minables. C'est une des raisons qui en font de ce film noir et très coloré un exercice passionnant. Un film où les paradoxes, les jeux de miroirs, les fausses perspectives sont autant de signes d'ironie encourageants de l'émergeance d'un vrai cinéaste.

La Voie du Jiang Hu (Jiang hu, 江湖, 2004) Un film de Wong Ching-po avec Jacky Cheung, Andy Lau, Edison Chen, Shawn Yue, Eric Tsang, Miu Kiu-wai, Tsui Siu-keung, Lam Ka-tung, Xiao Hai, Wu Chien-lien, Chapman To, Lam Suet, Kara Hui.

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